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Dr LUDOVIGO HERNANDEE
Procès
ue Bestialité
aux XVr et XVir siècles
DOCUMENTS JUDICIAIRES INÉDITS
PUBLIÉS AVEC UN AVANT>PROPOS
Ouvrage orné de quatre illustrations hors texte
PARIS
RUE DE FURSTENBERG, 4
MCMXX
LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Dr LUDOVIGO HERNANDEZ
Les Procès
de Bestialité
aux XVr et XVIP siècles
DOCUMENTS JUDICIAIRES INÉDITS
PUBLIÉS AVEC UN AVANT-PROPOS
Ouvrage orné de quatre illustrations hors texte
PARIS
BIBLIOTHÈQUE DES CURIEUX
4, RUE DE FURSTENBERG, 4
MCMXX
AVANT-PROPOS
« Comment imaginer sans horreur, écrit Mira-
beau dans son Erotika Bihlion^ au chapitre Béhé-
mah (De la Bestialité), qu'un goût aussi dépravé
puisse exister dans la nature humaine, lorsqu'on
pense combien elle peut s'élever au-dessus de tous
les êtres animés ? Comment se figurer que l'homme
ait pu se prostituer ainsi? Quoi, tous les charmes,
toutes les délices de l'amour, tous ses transports... il
a pu les déposer aux pieds d'un vil animal ! Et c'est
au physique de cette passion, à cette fièvre impé-
tueuse qui peut pousser à de tels écarts, que des
philosophes n'ont pas rougi de subordonner le
moral de l'amour ! Le physique seul en est bon^
ont-ils dit. Eh bien, lisez Tibulle, et puis courez
contempler ce physique dans les Pyrénées, où
chaque berger a sa chèvre favorite ; et quand vous
aurez assez observé les hideux plaisirs du monta-
gnard brutal, répétez encore : en amour, le phy-
sique seul est bon... »
Cette comparaison, quelque peu saugrenue,
devient pour l'auteur des Lettres à Sophie, motif à
dissertation confuse et pédantesque sur la partie
constitutive de notre être. Après avoir attiré notre
LES PROCES DE BESTIALITE
intérêt sur les nuances de ses dégradations, invo-
qué Pythagore, Aristote, Heraclite, Empédocle,
Épicure, Anaxagore, Boëce et Tertullien, il conclut
que « la seule manière d'assiéger la nature qui
puisse lui arracher une partie de son secret », serait
d'étudier les produits de la bestialité en les sou-
mettant à l'éducation. Ainsi pourrait-on tracer,
d'après lui, la ligne de démarcation entre l'homme
et la bête, et, de plus, trouverait-on le moyen de
perfectionner physiquement l'espèce humaine par
des croisements : « Quoi de plus beau dans les
êtres animés que la forme du centaure?... » Regret-
tait que Buffon ne nous ait pas conservé ses expé-
riences sur les mélanges des hommes et des bêtes,
Mirabeau, séduit par une pratique qu'il vient de
maudire au nom de l'idéalisme, émet le vœu que
les curés basques devraient faire soigner les chèvres
engrossées par les pâtres des Pyrénées, et recueil-
lir leurs produits. « L'intendant d'Ausch pourroit
aisément parvenir à ce but, sans faire réciter de
confessions ; il pourroit se procurer de ces produits
monstrueux par ces curés ; le curé demanderoit à
son pénitent sa maîtresse , qu'il remettroit au sub-
délégué de l'endroit, sans révéler le nom de V amant.
Je ne vois pas quel inconvénient il y auroit à tour-
ner au profit des progrès des connaissances humai-
nes, un mal que l'on ne sauroit guère empêcher. »
S'il était possible que l'accouplement des bes-
tiaires donnât quelque chose, notre siècle aurait
AVAÎ^T-PROPOS
peut-être pu combler le désir de Mirabeau, en édu-
quant les enfants du singe Consul et des petites-
nièces de l'Oncle Sam, qui sollicitèrent ses fa-
veurs et le firent périr d'épuisement avant qu'il
sût parler. Mais il est tant d'hommes dont l'in-
telligence et la beauté ne dépassent point celles
de Consîilf que ni la race humaine ni la race
simiesque n'en eussent été amendées, que rien
même n'eût été changé dans l'ordre du monde. Y
aurait-il lieu, vraiment, de s'étonner que le rejeton
d'un singe et d'une Yankee devînt, à l'instar du pre-
mier venu, président d'une société savante, acadé-
micien, général, milliardaire, politicien ? ou bien
encore, cireur de bottes, souteneur, cubiste, ou
reporteur de journal?... C'est faire à l'humanité
beaucoup trop d'honneur que de la mettre tellement
au-dessus des singes, et c'est montrer une candeur
simiesque que de croire à la fécondité de pareils
accouplements! Mirabeau, toutefois, bien qu'il rap-
pelle « l'homme cornu » que l'on présenta à la
cour, ne paraît accorder de crédit ni aux témoi-
gnages de l'antiquité ni à ceux de ses contempo-
rains. Sans doute faut-il entendre quelque malice
quand il cite la « fille sauvage », religieuse à Châ-
lons, et qu'il confie les enfants capripèdes aux con-
fesseurs de ces bergers pyrénéens, dont l'une des
« plus exquises jouissances est de se servir des nar-
rines d'un jeune veau, qui leur lèche en même
temps les testicules ».
LES PROCES DE BESTIALITE
Le Chevalier de Pierrugues, son annotateur, ne
se hasarde pas à contester l'existence des hommes
capripèdes : il s'en tient, dit-il, respectueusement
aux Saintes Écritures, et à ce qui en est rapporté
par Saint Jérôme ; soit sa fameuse rencontre avec
un satyre, qui le conjura d'intercéder pour ses
pareils auprès du Dieu commun, mort pour le salut
du monde. Comme pour la plupart des hommes
cultivés, la croyance du chevalier s'appuie tout
autant sur la Fable païenne que sur les Pères de
l'Eglise, qui tentèrent de rapporter au christianisme,
par la requête du Faune de Saint Antoine, l'attache-
ment que l'on gardait encore pour les divinités
indigètes et vernaculaires.
Les Satyres, les Faunes, les ^gipans n'étaient
point, comme on l'a cru, ou feint de croire, les
produits de la fornication caprine de tous les
peuples pasteurs, mais une déformation légen-
daire des compagnons de Bacchus, ou Osiris,
paysans vêtus de peaux de bêtes, qui grossissaient
de pillards, de bouffons et de parasites les armées
en marche du Conquérant. L'on a également sou-
tenu d'autres thèses : par exemple, que ces Satyres
n'étaient qu'une espèce de singes que ce Prince
menait à sa suite ; qu'autour des Temples que lui
dressèrent les Égyptiens, l'on n'oublia pas les sta-
tues de ces animaux, et, dit l'admirable Hédelin,
que l'Egypte « matrice infortunée de l'Idolâtrie, les
ayant reçus dans son giron >, ils passèrent à la
AVANT-PROPOS
suite de Cadmus chez les Grecs, dont ils accrurent
les fausses Divinités par des mystères que les Grecs
eux-mêmes ne connaissaient pas. Ces mystères res-
sortissaient au culte de Pan, que Ton adorait à
Mendès sous la forme d'un bouc, auquel, d'après
Hérodote, les femmes se prostituaient en public.
La signification de ce rite n'est autre que l'image de
la fécondité, représentée par le bouc, et qui s'ag-
gloméra au mythe de Bacchus, principe mâle de la
génération universelle. Le bouc était sacré à Bac-
chus pour les mêmes raisons qu'au dieu Pan, et,
plus particulièrement, parce que, rongeant la vigne
il était l'animal tout désigné comme totem. Il faut
encore ajouter l'âne, dont l'organe génital rappelait
par sa proportion le phallus porté aux bacchanales,
et dont la lubricité est connue.
Notre intention n'est pas d'étudier ici le bestiaire
mythologique, qui, le plus souvent, représente par
des symboles les conjonctions planétaires ou les
phénomènes saisonniers, mais, en montrant l'âne
et le bouc comme sacrés à Dionysos, d'expliquer
pourquoi, au moyen âge et jusqu'à la fm du xvif
siècle, ces animaux figurent dans les sabbats et
reçoivent les caresses des sorcières. En effets les
sabbats n'étaient qu'une survivance des antiques
bacchanales ; les mêmes orgies s'y répétaient, et le
christianisme primitif ayant rangé les faux-dieux
au nombre des démons, le bouc et l'âne incarnè-
rent le principe du mal aux yeux du vulgaire et des
LES PROCES DE BESTIALITE
juges ecclésiastiques. La fornication asine ou
caprine était donc un rite véritable, et non pas,
comme l'ont avancé de graves historiens et de non
moins graves légistes, soit un phantasme de l'hys-
térie, soit une copulation diabolique. Le chien,
également consacré à Osiris, parut au sabbat
comme l'âne et le bouc, et la fréquence de la for-
nication canine trouve son explication dans la curio-
sité suscitée chez les femmes par les confidences
des initiées, et dans la facilité qu'elles trouvaient à
jouir d'un animal si docile, si lubrique et d'un com-
merce domestique si répandu.
Il est certain que les rites égyptiens corrom-
pirent la religion hébraïque (i), puisqu'au livre II des
Paralipofnènes et dans plusieurs chapitres àuLévi-
tique on trouve que Jéroboam institua des prêtres
pour le service des veaux et des boucs, et que les
Juifs des deux sexes s'accouplèrent avec des velus ^
nom qui fut donné aux boucs et, partant, aux
satyres. Ces accouplements dégénérant en orgies
secrètes, où se mêla plus tard la sorcellerie, nommée
sahbatum chez les Romains, il fut ordonné que les
coupables de ces turpitudes seraient punis de mort
en même temps que l'animal. La loi hébraïque,
insérée au chapitre XVII du Lévitique, fut l'origine
des pénalités romaines et germaniques qui châtiè-
rent les actes de bestialité et qui restèrent en
(i) A moins que ce ne soit le contraire, car on a identifié Bacchus à Moïse.
AVANT-PROPOS
vigueur jusqu'à la fin du xvif siècle. Ce sont donc
les procès intentés aux bestiaires de 1540 à 1692
que nous offrons à la curiosité du lecteur, d'après
une copie de Simon Gueulette, Procureur du Roi,
copie conservée aux Manuscrits de la Bibliothèque
Nationale sous la cote fr. logô^.
« On a déjà dit, écrit Voltaire, dans son Diction-
naire Philosophique, {Bouc) que plus de cent mille
prétendus sorciers ont été exécutés à mort en
Europe. La seule philosophie a guéri enfm les
hommes de cette abominable chimère, et a ensei-
gné aux juges qu'il ne faut pas brûleries imbéciles.»
C'est bien le seul passage à peu près sensé de cet
article, où Voltaire, tout à ses plaisanteries favo-
rites contre la Bible et les Juifs, affecte d'ignorer
les raisons qui firent adorer les animaux et por-
taient encore, au temps de sa jeunesse, les derniers
fidèles d'un culte millénaire à copuler avec les
bêtes. Quoi qu'il en soit, son jugement n'a pas été
sans influencer le Grand Frédéric, à qui l'on avait
donné à signer la condamnation d'un de ses sujets,
convaincu de relations avec une ânesse. Le Roi-
Philosophe ne confirma pas la sentence, mais il
écrivit au bas « qu'il donnait dans ses états liberté
de conscience et de v.t. » (i)
(i) Un cavalier était convaincu d'avoir couvert une jument : « Ce gail-
lard-là est un cochon, dit Frédéric ; qu'on le mette dans l'infanterie. »
Il y devint peut-être sodomite, mais le roi, l'étant aussi, ne pouvait que
s'en réjouir.
LES PROCES DE BESTIALITE
On ne croira pas, avec Voltaire, que les reli-
gions aient servi de couverture à des actes infâmes
auxquels elles auraient incité, ni que la bestialité
fût un des effets de l'ignorance, par elles jalouse-
ment entretenue. La bestialité ne s'est pas seule-
ment rencontrée chez les juifs et dans le nome de
Mendès ; là n'est pas son berceau : elle est, comme
on le sait, propre à tous les peupjes, et toutes les
religions, y compris la nôtre, avec la figure du
Paraclet, ont établi des rapports de fécondation
entre les dieux métamorphosés et les femmes. C'est
ainsi que Jupiter, tour à tour cygne, aigle, cour-
sier, etc., engrosse les mortelles qu'il convoite; et,
— sans parler des autres Olympiens d'Ovide, ni du
Minotaure et de Pasiphaé, — qu'un roi des Goths,
au dire de Saxon le Grammairien, tirait son origine
d'une vierge noble qui avait eu commerce avec un
ours. Soit qu'il faille y voir, comme nous l'avons
dit, les symboles de conjonctions planétaires sous
un signe zodiacal, soit que la Fable eût semblé plus
merveilleuse, soit enfin que les premiers hommes
eussent voulu se ménager un totem, la bestialité
sacrée n'eut qu'une faible influence sur les cas qui
nous occupent, et l'on ne saurait accuser les cultes
d'avoir inventé un acte qui n'a généralement pour
AVANT-PROPOS
moteur que le besoin naturel, la facilité de le satis-
faire par la violence, ou quelque perversion pas-
sionnelle.
On a d'ailleurs la preuve que les bêtes, sans y
être contraintes, ont parfois pour nous des senti-
ments amoureux qui se traduisent par le viol ou
par un attachement plus marqué. « Les animaux,
dit Montaigne, sont beaucoup plus réglés que nous
ne sommes, et se contiennent avecques plus de
modération soubs les limites que nature nous a
prescripts ; mais non pas si exactement qu'ils n'ayent
encores quelque convenance à nostre débauche, et
tout ainsi, comme il s'est trouvé des désirs furieux
qui ont poulsé les hommes à l'amour des bestes,
elles se trouvent aussi parfois esprinses de nostre
amour, et receoivent des affections monstrueuses,
d'une espèce d'aultre : tesmoins l'elephant corrival
d'Aristophane le grammairien, en l'amour d'une
jeune bouquetière en la ville d'Alexandrie, qui ne
lay cedoit en rien aux offices d'un poursuyvant
bien passionné ; car se promenant par le marché où
l'on vendoit des fruicts, il en prenoit avec sa
trompe, et les luy portoit ; il ne la perdoit de
vue que le moins qu'il luy estoit possible ; et luy
mestoit quelquesfois la trompe dans le sein par
dessoubs son collet, et luy tastoit les festins. Ils
recitent aussi d'un dragon amoureux d'une fille ; et
d'une oye esprinse de l'aniour d'un enfant, en la
ville d'Asope ; et d'un bélier serviteur de la menés-
10 LES PROCES DE BESTIALITE
trière Clausia ; et il se veoit tous les jours des
magots furieusement espris de l'amour des
femmes... »
Sans nous occuper, avec Dubois-Desaulle, des
animaux domestiques couchant avec leurs maîtres,
comme le lion de Caracalla, ou les deux ourses
favorites de Valentinien, nous rappellerons seule-
ment les serpents qu'affectionnaient les matrones
romaines, qui tétaient à la mamelle ainsi que des
nourrissons, et que Bœttiger, dans Sabine, conjec-
ture avoir été des engins lubriques, témoin celui
qui, selon Suétone, se glissa près d'Atia ensom-
meillée, et la força, par le plaisir qu'il lui donna, de
se purifier comme si elle fût sortie des bras de son
mari. Croirons-nous, avec Plutarque, qu'une vieille
femme d'Antée fut surprise gisant au côté d'un cro-
codile nonchalamment allongé sur son grabat?...
Les procès qui nous ont été conservés vont nous
permettre de faire revivre les Justiniens modernes,
ou les émules de cette jeune fille toscane qui se fît
couvrir par un chien, au temps de Pie V, selon
Venette et Forberg. Mais ce n'est pas l'acte de ces
pauvres honteux, sans lustre et sans raffinement,
qui doit, à vrai dire, éveiller et soutenir la curio-
AVANT-PROPOS 1 1
site. Ce sont des détails de mœurs, le plus sou-
vent comiques, rapportés avec naïveté, et dont
quelques-uns s'éclairent des brandons fumeux de
la Jalousie ou de la Vengeance. Car il est cer-
tain, pour les psychologues les moins avertis, qu'un
grand nombre de ces accusés sont innocents. En
ces temps où la simple inculpation de sodomie, de
blasphème ou de bestialité suffisait à perdre un
homme, les femmes délaissées, violentées, ou
même dédaignées, les envieux sans scrupules, ne
se faisaient pas faute de désigner une victime à la
maréchaussée, de montrer un crime aux exempts
à travers une bouteille de rogomme ou de vin
clairet. D'autres sont des simples d'esprit, ou des
méprisés de l'amour, que le rut aiguillonne.
Puisque nous avons parlé de sodomie, il est bon
de remarquer que la coutume judiciaire était de
confondre sodomie et bestialité, comme si les
antiques coupables des trois villes de la Bible
eussent été indistinctement adonnés aux deux vices
qui passent pour les plus monstrueux. Quelques
textes ajoutent la hougrerie, chargeant à leur tour
les Bulgares d'une pratique qui ne leur est généra-
lement pas imputée, mais que leur sauvagerie, et
surtout leur hérésie sexuelle, sans compter leur
orthodoxie religieuse, désignaient à la générosité
des accusateurs...
Il ne faut donc pas entendre que nos accusés sont
des sodomites à la manière du « malheureux Chaus-
12 LES PROCES DE BESTIALITE
son, dit des Estangs », cet ami du poète Claude
Le Petit, qui fut brûlé en place de Grève,
En montrant, le vilain, son cul à tout le monde.
Un romancier du plus grand talent, doublé d'un
essayiste ingénieux, M. Pierre _Mac Orlan, après
avoir évoqué (i) ce Chausson,
Ce coquin si fameux à la tête frisée,
trouve dans le détail pittoresque de cet alexandrin
un « élément merveilleux y> pour créer l'atmo-
sphère du roman d'aventures, qui, selon lui, doit
être cherchée de préférence dans le spectacle des
vies anormales. Eh bien, les comparses du malheu-
reux Chausson, « les personnages étranges et
misérables », dont parle l'écrivain avec le plus vif
désir de les voir se dresser devant lui, les voici,
chacun dans son costume décrit par le Prévôt ou le
Bailly, entouré de ses témoins aux noms de tribu-
nal correctionnel — il en est d'exprès pour atten-
drir l'austérité de l'inflexible Thémis — et des
exempts qui l'ont conduit.
Voici, disons-nous, Guillaume Garnier, un qui-
dam vêtu de drap gris de fer ; — Pierre Grondeau,
gagne-deniers de Loiidiin, et son témoin Adrian
(i) Cf. Pierre Mac Orlan, La Clique du Café Brebis, Paris, La Renais-
sance du Livre, 1919.
AVANT-PROPOS 13
Septbois ; — Devialle et son témoin Antonie Pode-
lette, la grosse femme de Jacques Mesnard ; —
Jacques Prenault, tin quidam vêtu de drap rouge,
avec des culottes de peau et des bas de chausses y
jointes ; — Macé Avril, //;/. quidam vêtit de drap
gris, et son témoin Roger Trippeville, maréchal
ferrant, autre quidam vêtu de drap cannelle, avec
des culottes de panne rouge ; — Pierre Poulain
qu'accompagnent Barthélémy Ognon et Geoffroy
le Sec, deux antithèses; — Bernard Bouttesolle, un
quidam vêtu de gris fer, avec un bonnet rouge;
— Claudine Culam, une quidamne accusée de
copulation avec un chien blanc tacheté de roux,
et qu'accompagnent Jeanne La Picarde, maîtresse
sage-femme et matrone jurée, plus Geneviève Mal-
voye . et Guillemette Bontemps. Voici Eutrope
Bedeau, un quidam vêtu de drap cannelle, ayant
un bonnet rouge et des bas blancs; — Perrichon,
lin quidam vêtu de toile grise, conduit par Tous-
saint Picot, dit Martel, exempt, lequel est assisté
de Thierry Soudoyer, de Jean Thomas, dit Bras-
de-Fer et d'Etienne Bodin, dit Èrindavoine, cava-
liers de la Brigade. Voici Jean Cochon (i), garçon
jardinier; — Anthoine de La Rue, un quidam vêtu
d'un habit brun, avec des boutons d'orfèvrerie et
des culottes de panne rouge; — Pierre Fontaine,
(i) Il est singulier de noter que ce Cochon ne choisit pas une truie
pour épouse, et que le susdit Poulain préféra une vache à une jument.
14 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
qui a envoûté la vache d'Albert Trottemenu et qui
prit pour femme une inûle et bête asine, que le
diable lui a donnée ; — Charles Chambery, dont
un des témoins accusateurs se nomme Gillette de
Trouvillain. Et voici enfin Sébastien Barillet,
accompagné d'un témoin au nom molièresque :
Pierre Trissotin. Pour tout dire, ils ont forniqué
avec des ânesses, des chiennes noires ou tachetées,
des truies, des vaches ou des cavales, les uns mon-
tés sur des fagots, qui leur serviront de bûcher,
les autres sur des herses, avec un entêtement rus-
tique et borné de parvenir à leurs fms honteuses,
au prix des plus grands efforts et des équilibres les
plus subtils...
Pauvres et grimaçantes victimes, misérables
témoins ! le vieux Breughel d'Enfer eût aimé vous
peindre, sous vos habits cannelle, vos culottes de
panne rouge et vos bas blancs, auprès de la petite
église pointue devant laquelle se dresse l'amoncel-
lement des fascines, ou sur le mail de la petite ville,
dont les maigres platanes sont chargés de curieux
ricaneurs et tâte-fessiers!... Et n'est-ce pas le cas
de répéter le refrain d.u Chevalier de Rivière, sur
l'infortuné Vigeon, ce maître d'école convaincu de
commerce avec un oison, et dûment supplicié :
Vraiment! voilà bien de la joule
Pour îin simple fauteur de Poule !
Nous ne brûlons plus ces malheureux qu'abusent,
AVANT-PROPOS 1 5
le plus souvent, les vapeurs de Bacchus devant la
Vénus satyriaque ; nous ne brûlons plus Claude
Le Petit, ni le chevalier de la Barre, pour quelques
chansons impies; mais il est toujours des Jésuites
prêts à dénoncer comme infernales la gauloiserie
de nos pères et la liberté d'écrire : Vraiment, voilà
bien de la foule...
D' LuDOVico Hernandez.
OUVRAGES A CONSULTER
Del Rio, Disquisitions magiques, 1599 ; — Montaigne,
Essais, livre II, chap. XII ; — François Hédelin, Satyres,
Brutes, Monstres et Démons, réimpress- Liseux, j888; —
Voltaire, Dict. Philosophique, {Bouc) ; — Mirabeau, Erotika
Biblioyi [Behemah), 1783, réimp. dans l'Œuvre du comte de
Mirabeau, Paris, l'Édition, 4, rue de Furstenberg; — For-
berg. De Figuris Veneris {De coitu cum Brutis) ; — Delatre
et Linas, Sodomie bestiale. Soc. de méd. légale, 1873-74, III,
p. 165; — Brouardel, Pédérastie d'un chien à l' homme , Sem.
méd., 1887, VII, p. 318; — A. Montalti, La Pederastia tra il
cane e l'uomo, Sperimentale, 1887, L. X, p. 285 ; — Mante-
gazza, YJ Amour dans l'hu^nanité, 1886 ; — Boissier et Lachaud,
Per^oersion sexuelle à forme obsédante, Arch. de neuroL, 1893,
t., XXVI, p. 383; — Boëleau, U71 Cas de bestialité, France
médic, XXXVIII, p. 593; L. Thoinot, Attentats aux mœurs
et perversions du sens génital, 1818, p, 268; — Ch. Féré,
Note sur un cas de bestialité chez la femme, Archives de neu-
rol. 1903, n^ 90; — Dubois-Desaulle, Étude sur la Bestialité,
Paris, 1905.
Les Procès de Bestialité
PROCES CRIMINEL
DE GUILLAUME GARNIER
ACCUSÉ DU CRIME DE SODOMIE AVEC UNE CHIENNE NOIRE
13 août 15^0.
L'an mil cinq cent quarante, le quatorzième jour
de mars, fut amené pardevant le seigneur Bailly de
cette ville de Meaux un quidam vêtu de drap gris
de fer, auquel ledit seigneur Bailly ayant demandé
comment il se nommoit et de quel endroit il étoit,
l'âge qu'il avoit, a répondu qu'il s'appelloit Guil-
laume Garnier, étoit de cette ville, et pouvoit avoir
environ trente-cinq ans.
Et ledit seigneur Bailly luy ayant demandé s'il
connoissoit une grande chienne noire, qui luy
fut alors représentée, a repondu ledit Guillaume
Garnier que ladite chienne luy appartenoit.
Interrogé si ce qu'on disoit de luy étoit vray, à
sçavoir qu'il avoit habité charnellement avec ladite
chienne noire : a répondu que ladite chienne luy
ayant été donnée très jeune, et l'ayant élevée, il
LES PROCES DE BESTIALITE
Taimoit beaucoup, mais qu'il étoit faux qu'il eut
jamais habité charnellement avec ladite chienne,
ny qu'il y eut jamais pensé. Après lesquels inter-
rogatoires, ledit Guillaume Garnier a été recon-
duit dans les prisons.
Et le samedy dix-neuvieme jour du mois de mars
furent amenez en présence de mondit seigneur le
Bailly de cette ville de Meaux, Jean Durand, Guil-
laume Bradefer, Simon du Taule et Antoinette
Bardou, témoins et accusateurs de Guillaume Gar-
liier, lesquels, après avoir .prêté serment de dire
pure et entière vérité touchant ledit Garnier, et
encore qu'ils n'avoient jamais eu aucune dispute ou
démêlé avec luy, témoignèrent ce qui suit :
Sçavoir ledit Jean Durand, que le jour des
Mardy gras derniers, ledit Guillaume Garnier luy
avoit dit qu'il ne vouloit point se marier, ni avoir
de maîtresse, attendu qu'il en avoit une qui ne luy
coutoit point d'entretien et luy étoit fîdele, ajoutant
que ledit Garnier lui avoit en même tems avoué qu'il
habitoit charnellement avec sa grande chienne
noire.
Témoignèrent aussi lesdits Guillaume Bradefer
et Simon du Taule, que depuis très long tems ledit
Garnier leur avoit fait semblable aveu, surquoy ils
luy avoient représenté la grandeur de son crime.
GUILLAUME GARNIER IQ
mais que ledit Garnier, secouant la tête, avoit dit
que chacun avoit son goût et que c'étoit le sien.
Témoigna laditte Antoinette Bardou que vers le
mois d'octobre dernier, ledit Guillaume Garnier
luy avoit dit que laditte chienne noire etoit un tré-
sor inestimable, et que si elle sçavoit sa valeur, et
ce qu'elle sçavoit faire, elle voudroit en posséder
une semblable; qu'ensuite ayant pressé instament
ledit Garnier de luy dire à quoy cette chienne luy
servoit, et quel profit il pouvoit en retirer, ledit
Garnier luy avoit dit que cette chiene le conduisoit
tous les samedis au sabbat, et que là le Diable luy
donnoit autant d'or et d'argent qu'il vouloit.
Et le vendredi quinzième jour d'avril, après lec-
ture faite des témoignages, et ledit Garnier s'étant
jette aux pieds de mondit sieur Bailly, et luy ayant
demandé grâce, avoua que toutes lesdittes déposi-
tions etoient vrayes. Sur quoy mondit sieur Bailly
luy ayant dit qu'il ne pouvoit luy faire grâce, mais
qu'il auroit qu'à se pourvoir au Parlement, lors-
qu'il auroit rendu sa sentence.
Nous avons déclaré ledit Guillaume Garnier
atteint et convaincu du crime de sodomie commis
20 LES PROCES DE BESTIALITE
avec une grande chienne noire, pour réparation
duquel cas, Tavons condamné et condamnons à être
attaché à un poteau qui sera planté pour cet effet
dans la place du marché de cette ville, et là brûlé
vif; ordonnons que tous ses biens seront acquis et
confisquez au seigneur Roy ; sur lesquels sera prise
la somme de cent livres d'amende envers ledit sei-
gneur Roy ; et en outre ordonnons que la chienne
noire avec laquelle ledit Guillaume Garnier a com-
mis et perpétré ledit crime, sera tuée et occise par
l'exécuteur des hautes œuvres et son corps enfouy
en terre. Donné àv Meaux le mercredy 20^ jour
d'avril 1540, avant mi dy.
La Cour de Parlement modifie ainsi la sentence :
Ce néanmoins ordonné qu'après que ledit Gar-
nier aura senti un peu le feu, il sera étranglé, et son
corps brûlé ensuite ; pareillement que laditte grande
chienne noire sera brûlée audit lieu où l'exécution
dudit Garnier aura été faite, et consommée en
cendres, ensemble les pièces du procès. Fait au
Parlement aujourd'huy 13^ jour d'août 1540.
PROCÈS CRIMINEL DE PIERRE GRONDEAU
ACCUSÉ d'abuser d'une anesse
24 novembre 1542
A tous ceux qui ces présentes verront ou orront,
Pierre de Brueres, juge Royal de Loudun, sçavoir
faisons que sur les plaintes et réquisition faites par
Jean Dumas, Pierre Brunel, Adam Le Coq, David
Terreau, Jeanne Vallée, et Adrian Septbois,
témoins et se portans pour accusateurs à rencontre
de Pierre Grondeau, gagne deniers de cette ville,
et par eux surpris habitant charnellement et détes-
tablement avec une anesse appartenante audit Jean
Dumas, suivant les témoignages et dépositions des
témoins susdits, par nous receues le vingt et un du
présent mois, les conclusions du procureur du
Roy audit siège, avons déclaré et déclarons ledit
Pierre Grondeau atteint et convaincu du crime dont
il est accusé ; et en conséquence ordonnons que
pour réparation desdits crimes et cas, il sera étran-
glé, et son corps brûlé avec celuy de Tanesse, et le
présent procès ; donné au siège de Loudun ce jeudy
vingt neuf octobre mil cinq cent quarante deux.
Cet arrêt a été confirmé par le Parlement le
24 novembre 1542.
PROCES CRIMINEL DE JEAN DEVIALLE
ACCUSÉ DE SODOMIE AVEC PLUSIEURS BRUTES
9 janvier 1545.
L'an mil cinq cent quarante quatre, le mercredy
vingt deux novembre, fut amené et conduit en pré-
sence du juge de Chaslard, Jean Devialle, Berger
dudit lieu, de présent constitué prisonnier es prison
de ce lieu, et accusé d'avoir habité charnellement
avec plusieurs brutes. En présence duquel fut
amené Joseph Valdatte, Chirurgien dudit lieu de
Chaslard, lequel, après avoir prêté serment de dire
pure et entière vérité, a déclaré que le vingt trois
aoust précèdent, en sortant dudit Chaslard, il avoit
surpris ledit Devialle en copulation charnelle avec
une chèvre noire, et qu'ayant menacé ledit
Devialle d'aller le dénoncer à la justice, ledit
Devialle l'avoit supplié de ne le point faire, et
qu'il ne retomberoit jamais dans un pareil crime.
Fut amené ensuite Hugues Minelle, gagne
deniers, et cousin germain dudit Devialle, lequel,
après le serment accoutumé de dire vérité, a
déclaré que connoissant la détestable inclination du-
dit Devialle, il l'en avoit souvent repris, mais sans
aucun fruit, et même qu'un jour, qui estoit la
JEAN DEVIALLE 23
veille de la saint Denis dernière, ledit Devialle,
irrité des remontrances qu'il luy faisoit, prit un
gros bâton pour luy en donner, mais que par bon-
heur il manqua son coup.
Fut ensuite amené Jean Carpin, laboureur, dudit
lieu de Chaslard, lequel, après le serment accou-
tumé de dire vérité, a déclaré que le onze aoust
dernier il avoit surpris ledit Devialle en copulation
charnelle avec une génisse, dans une etable appar-
tenante au fermier dudit Chaslard, et qu'il n'en
avoit jamais voulu parler, sur la promesse que luy
fit alors ledit Devialle de ne plus commettre un
pareil crime.
Fut ensuite amenée Jeanne, la grosse femme de
Jacques Mesnard, tisserand, laquelle, après le ser-
ment de dire vérité, déclare qu'elle avoit plusieurs
fois trouvé ledit Devialle enfermé dans son etable,
et que le croyant un voleur, elle luy avoit deffendu,
sous peine de le faire prendre prisonnier, de mettre
jamais le pied dans sa maison.
Fut amené ensuite Antoine Podelette, ouvrier en
toille, lequel, après le serment accoutumé de dire
pure et simple vérité, a déclaré que sçachant la
détestable passion dudit Devialle, il l'en avoit sou-
vent réprimandé, et que ledit Devialle luy avoit
avoué qu'il n'en étoit pas le maître.
Apres lesquelles dépositions se sont retirez.
24 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Et le lundy vingt-sept novembre, sur les huit
heures du matin, fut amené en présence du juge
Royal de Chaslard, Jean Devialle, lequel, après le
serment de dire vérité, et lecture faite en sa pré-
sence des dépositions et témoignages, a reconnu la
vérité desdittes dépositions et a requis pardon,
après quoy s'est retiré.
Nous avons déclaré et déclarons ledit Jean De-
vialle duement atteint et convaincu d'avoir habité
charnellement avec plusieurs brutes ; en consé-
quence, et pour réparation desdits crimes, nous
ordonnons que pour la détestable et ignominieuse
habitation contre nature par luy commise avec des
brutes, il sera pendu et étranglé, son corps brûlé,
et ses cendres jetées au vent, tous et chacun ses
biens confisqués au profit de qui il appartiendra.
Donné en notre siège de Chaslard, le treize
décembre mil cinq cent quarente quatre.
Sentence confirmée par le Parlement le 9 jan-
vier 1545.
PROCES CRIMINEL DE JACQUES GION
ACCUSÉ DU CRIME DE SODOMIE AVEC UNE VACHE
30 avril 1550.
Uan mil cinq cent cinquante, le jeudy vingt-trois
février, fut amené en présence du juge de Chama-
roUes, Jacques Gion, Laboureur audit lieu, accusé
par les témoins cy après dénommez d'avoir commis
crime de sodomie avec une vache, ensuitte dequoy
fut interrogé le premier témoin cy après.
Charles Bouffain, vigneron dudit lieu, après
avoir prêté serment de dire pure et entière vérité,
a déclaré avoir, ce jourd'huy sept heures du matin,
surpris ledit Jacques Gion commettant sodomie
avec une vache dans la basse Cour du Château.
Second témoin : Adrian Lejuge, valet de la
ferme, après le serment accoutumé de dire pure et
entière vérité, a déclaré que sur la même heure de
sept heures du matin, il l'avoit aussy surpris
appuyé contre un fagot.
Troisième témoin : Thomas Trouffe a déclaré la
même chose qu' Adrian Lejuge, après avoir fait le
serment accoutumé.
Lesdits témoins ouïs et entendus se sont retirez.
26 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Et le mercredy huitième jour de mars, fut amené
en présence du sieur juge de Chamarolles, ledit
Jacques Gion, Laboureur, accusé et prisonnier es
prisons dudit lieu, auquel fut faite lecture des
témoignages et dépositions, ensuite dequoy ledit
Jacques Gion, accusé, a reconnu ses crimes, et a
requis pardon, après quoy s'est retirez.
Nous avons déclaré et déclarons ledit Jacques
Gion bien et duement convaincu du crime de sodo-
mie avec une vache, et en conséquence, et pour
réparation desdits crimes, ordonnons que ledit
Jacques Gion sera brûlé dans la place de ce lieu,
avec la vache avec laquelle il a commis ledit crime,
ensemble le fagot sur lequel ledit Jacques Gion
étoit appuyé pour commettre ledit crime de bou-
grerie, et le tout réduit en cendres. Donné à Cha-
marolles le dix-septieme jour de Mars mil cinq
cent cinquante.
Dans sa sentence de confirmation, datée du
30 avril 1550, le Parlement de Paris ajoute :
Ordonne ladite Cour que ledit Jacques Gion sera
JACQUES GION 27
ramené audit lieu de Chamarolles, pour y être exé-
cuté sur le grand chemin qui va à Poitiers, et sera
attaché à un poteau qui sera planté dans ce lieu
pour cet effet, et ensuitte brûlé, ensemble la vache
avec laquelle il a commis ledit crime, et le fagot
sur lequel il etoit pour commettre ladite bougrerie,
et néanmoins, par grâce et sans tirer à consé-
quence, sera ledit Gion étranglé avant de sentir le
feu. Fait en Parlement ce trentième jour d'Avril
mil cinq cent cinquante.
PROCES CRIMINEL DE JACQUES PRENAULT
ACCUSÉ DU CRIME DE SODOMIE AVEC UNE CHÈVRE
7 aoust 1551.
L'an mil cinq cent cinquante et un, le Lundy
vingt quatrième avril, deux heures après midy, fut
amené par-devant nous, juge Royal de Tlsle de Ré,
un quidam vêtu de drap rouge, avec des culottes
de peau, et des bas de chausses y jointes, conduit
par Le Roux, chef de la Brigade de la Maréchaus-
sée de cette ville ; lequel Le Roux nous déclara
avoir surpris ledit quidam cydessus designé, et
accusé par les nommez Pierre Du Loir, Claude
Dubois, Eustache Robinet, Louis Grandjean et Jean
Levire, d'abuser charnellement et detestablement
d'une Chèvre noire que ledit Le Roux nous amena
en même tems.
Interrogatoire fait par nous audit quidam cydes-
sus designé, sçavoir comment il se nommoit, a
repondu qu'il s'appelloit Jacques Prenault.
Interrogé par nous duquel lieu il etoit, a repondu
être du bourg de Saint-Martin.
Interrogé par nous quelle etoit sa profession et
quel âge il avoit, a repondu qu'il etoit vigneron et
qu'il avoit quarente deux ans.
JACQUES PRENAULT 29
Interrogé par nous s'il connoissoit la Chèvre
noire amenée par la brigade dudit Le Roux, a
repondu qu elle appartenoit à Denis Robinet, Mar-
chand de Bled de l'Isle de Ré.
Interrogé si ce qu'on luy objectoit étoit vray,
sçavoir qu'il eut commis acte de sodomie avec
ladite Chèvre, a repondu que cette accusation
etoit entièrement fausse, et qu'il deffîoit aucun de
le luy prouver; après lesquels procès verbaux et
interrogatoire ledit Jacques Prenault déclarant per-
sister dans la susdite déposition, nous l'avons fait
conduire en prison.
Et le Mercredy vingt six avril sont comparus
devant nous les témoins, auxquels après avoir fait
prêter serment de dire et déclarer pleine et entière
vérité, nous ont déclaré et certiffîé ce qui suit :
Sçavoir lesdits Du Loir, Dubois et Robinet qu'ils
avoient plusieurs fois surpris ledit Prenault en
copulation charnelle avec laditte chèvre noire,
appartenante à Denis Robinet, marchand de bled,
frère dudit Eustache Robinet.
Ledit Grandjean a déclaré que ledit Prenault luy
avoit dit plusieurs fois qu'il aimoit mieux laditte
Chèvre noire qu'une femme.
Et ledit Levire a déclaré la même chose que les
susnommez Duloir, Dubois et Robinet.
30 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Après lesquels sermens et déclarations se sont
retirez.
Et le samedy vingt neuvième avril fut amené en
notre présence Jacques Prenault, auquel lecture a
été faite des dépositions, témoignages et déclara-
tions faites pardevant nous, lequel Jacques Prenault
a soutenu que lesdits témoins a voient déclarez faux
et qu'entre autres lesdits Du Loir, Dubois et Le
Vire avoient été subornez par ledit Eustache Robi-
net, frère de Denis Robinet, à qui laditte chèvre
appartient, et avec lequel, il y a plus d'un an, ledit
accusé avoit eu plusieurs querelles, entr'autres le
jour de la S* Rémi précédente, que luy et ledit
Denis Robinet s'etoient pris de parole et s'etoient
frappés, dans laquelle dispute luy, susdit accusé,
auroit eu la tête cassée, de laquelle chose Allexis
Prade, Chirurgien du bourg de Saint-Martin, pou-
voit rendre témoignage ; ajoutant ledit Jacques Pre-
nault qu'à l'égard de Louis Grandjean il etoit bien
vray qu'il luy avoit dit qu'il aimoit mieux laditte
Chèvre que sa propre femme, mais qu'il n'avoit
point prétendu par là luy faire entendre qu'il eut
aimé mieux habiter charnellement avec laditte
chèvre qu'avec saditte femme ; après lesquelles
choses ledit accusé a été reconduit en prison.
JACQUES PRENAULT 31
Et le lundy quinzième may audit an, furent ame-
nez en présence de nous, juge Royal de l'Isle de Ré,
Jacques Prenault, vigneron, du bourg de saint
Martin, Pierre Duloir marchand audit bourg de saint
Martin, Claude Dubois, gagnedeniers, Eustache
Robinet, aubergiste, Louis Grandjean, vigneron, et
Jean Le Vire, tisserand, auxquels lecture a été faite
tant du procès verbal et informations faites par nous
le vingt-quatre avril dernier, que des dépositions et
témoignages rendus en notre présence à la charge
dudit Prenault, le vingt-six dudit mois, et des def-
fenses alléguées par ledit Prenault le vingt neuf du-
dit, ensuite de quoy lesdits témoins persistans dans
leurs témoignages et dépositions, et ledit Prenault
en ses deffenses, après avoir entendu le procureur
fiscal de ce siège, nous avons ordonné que préala-
blement au jugement ledit Jacques Prenault, accusé
et véhémentement soupçonné des crimes à luy im-
posés, seroit appliqué à la question, pour sçavoir la
vérité des cas mentionnés au procès.
Et voulant procéder à laditte question avons fait
retirer les témoins cy dessus, ensuite de quoy ledit
Jacques Prenault nous auroit supplié de ne le point
faire appliquer à la question, et qu'il avouoit avoir
eu habitation charnelle avec laditte Chèvre, mais
qu'il nous prioit de luy faire grâce, surquoy, ayant
32 LES PROCÈS DE BESTIALITE
différé et sursis la question, nous l'aurions renvoyé
en prison pour communiquer et délibérer sur ledit
aveu.
Avons déclaré et déclarons ledit Jacques Prenault
bien et duement atteint et convaincu d'avoir com-
mis crime de sodomie avec une chèvre noire ; pour
réparation desquels cas, ordonnons que ledit Pre-
nault sera pendu et étranglé à une potence qui pour
cet effet sera dressée dans la place et marché du
Bourg de Saint Martin, et son corps jette dans un
bûcher qui sera allumé auprès, ensemble laditte
chèvre noire. Donné en notre siège de l'isle de Ré,
par nous juge susdit, le dernier jour de may.
Cette sentence fut confirmée purement et simple-
ment par le Parlement, le 7 aoust 1551.
PROCES CRIMINEL DE MICHEL MORIN
ACCUSÉ d'avoir eu HABITATION CHARNELLE
AVEC UNE BREBIS
23 janvier 1554.
L'an mil cinq cent cinquante trois, le Mardy qua-
torzième jour de décembre, fut conduit en présence
de nous, juge et prevost de Baugé, un quidam vêtu
d'un surtout rouge, arrêté le jour d'hier, et accusé
par le Procureur du Roy de ce siège de crime de
sodomie commis avec une Brebis ; auquel quidam
nous avons demandé son nom, le nom de son pair,
sa profession, et son âge. A repondu ledit quidam
qu'il se nommoit Michel Morin, etoit natif de la
ville d'Avalon, qu'il etoit Maréchal de profession
et qu'il avoit soixante-cinq ans. Interrogé s'il etoit
vray qu'il eut habité charnellement avec laditte
Brebis, a repondu que non, et qu'il etoit impossible
que quiconque le luy puisse soutenir ; après quoy a
été ledit Michel Morin conduit dans la prison .^
Et le Samedy dix huitième jour de décembre,
deux heures de relevée, sont comparus pardevant
3
34 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
nous les quidams cy après nommez, assignez pour
être ouïs, suivant notre ordonnance donnée hier
sur le réquisitoire du procureur de cette ville ; les-
quels, après le serment par eux fait de nous dire
pure et entière vérité, ont déclaré ce qui suit :
Le premier, nommé Antoine Perrin, apotiquaire
de cette ville, a déclaré que la femme dudit Morin
luy avoit dit que son mary avoit achetté laditte
Brebis pour en jouir charnellement.
La seconde, nommée Catherine Aulard, femme
dudit Michel Morin, a dit que son mary avoit
achetté laditte Brebis le lendemain de la saint
Martin dernière, et que depuis ce tems elle l'avoit
surpris trois fois commettant acte de sodomie avec
laditte Brebis, à sçavoir le treize dudit mois de no-
vembre, le vingt cinq, jour de sainte Catherine, et
le premier jour du présent mois de décembre.
Le troisième, appelle Jeannon, garçon Maréchal,
a déclaré qu'il avoit sçu à quelle intention ledit
Morin avoit achetté cette brebis, et qu'un matin,
le jour de devant son emprisonnement, ledit Morin
luy avoit dit qu'il aimoit mieux sa brebis que sa
femme.
Et le Mercredy vingt deuxième jour du présent
mois fut amené et conduit en notre présence Michel
Morin, auquel, après lecture des témoignages, et
MICHEL MORIN 35
luy ayant demandé s'il avoit quelque chose à dire
et à repondre, a repondu que c'étoit par trahison de
sa femme, qui vouloit ainsy brasser sa mort, pour
ensuitte épouser ledit Antoine Perrin, et qu'à
l'égard de Jeannot c'etoit un de ses garçons et
qu'ainsi son témoignage n'étoit pas recevable, non
plus que ceux de laditte Catherine Aulard, et de
Perrin l'apotiquaire, au moyen des raisons sus allé-
guées.
Et le Jeudy vingt troisième jour dudit mois et an,
fut amené en notre présence ledit Michel Morin,
accusé de crime de sodomie, auquel fut prononcée
l'ordonnance par nous rendue cejourd'huy, par
laquelle nous l'avons condamné à être appliqué à la
question, pour sçavoir la vérité des cas à luy impo-
sés, resultans au présent procès ; lequel Michel
Morin prêt d'être appliqué à la question, nous
auroit supplié de différer, nous promettant de dire
vérité, ensuite dequoy il nous auroit confessé qu'il
avoit achetté laditte brebis dans l'intention susditte,
mais qu'il n'avoit commis ledit crime de sodomie
avec laditte Brebis qu'une seule fois ; sur laquelle
confession nous, prévôt susdit, l'avons renvoyé en
prison.
^6 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Avons déclaré et déclarons ledit Michel Morin
duement atteint et convaincu de crime de sodomie
avec une Brebis, pour réparation desquels cas, or-
donnons qu'il sera attaché à une potence qui sera
pour cet effet dressée dans la place et marché de
Baugé, et là y sera pendu et étranglé, son corps
mort ensuitte jette au feu, ensemble la brebis avec
laquelle il a commis ledit délit ; tous et chacun ses
biens confisqués au profit de laditte Catherine Au-
lard, sa femme, sur lesquels sera néanmoins préala-
blement pris la somme de deux cent Livres
d'amandes envers le Roy. Donné en notre siège,
par nous susdit juge de Baugé, le quatrième jour
de Janvier mil cinq cent cinquante quatre.
Sentence confirmée par la Cour le 23 Janvier
1554-
PROCES CRIMINEL DE JEAN DE LA SOILLE
ACCUSÉ DE SODOxMIE ABOMINABLE
ET CONTRE NATURE AVEC UNE ASNESSE
• 5 janvier 1556.
L'an mil cinq cent cinquante cinq,' le lundy quin-
zième jour de novembre, neuf heures du matin, en
présence de nous, juge civil et criminel, et Bailly
de la ville et Bai liage de Sens, fut amené un qui-
dam vêtu de toille" grise, auquel nous aurions
demandé son nom, celuy du lieu de sa naissance,
sa profession et son âge. A repondu qu'il s'appelloit
Jean de La Soille, etoit natif de Villeneuve L'Ar-
chevêque, et de présent asnier au service de Mon-
sieur Du Terron, Bourgeois de Paris et Seigneur
de la ferme des Bois, sise auprès de Villeneuve
L'Archevêque et qu'au reste il avoit vingt six ans.
Interrogé s'il etoit vray qu'il eut habité charnelle-
ment avec une asnesse, a repondu que non, sur
quoy nous l'aurions fait conduire en prison.
Et le samedy vingtième jour de novembre sont
comparus par devant nous Aymon Groupan, Ton-
38 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
nelier de cette ville, Josse Valcroin, Marchand
Epicier, Thomas Dupont, Marchand Mercier, et
Roger Dumoulin, Aubergiste, tous habitans et
bourgeois de cette ville, lesquels, après le serment
accoutumé de dire pleine et entière vérité, ont
déclaré que pour satisfaire à notre ordonnance ils
etoient comparus.
Apres quoy nous avons interrogé lesdits témoins
les uns après les autres, lesquels auroient déclaré
ce qui suit. Sçavoir ledit Aymon Groupan, Tonne-
lier, que depuis très long tems il sçavoit que le
sieur Du Terron avoit pris Jean de La Soille à son
service pour avoir soin de ses asnesses, et que ledit
de La Soille avoit plus de soin de l'asnesse men-
tionnée au procès, la faisant coucher dans une
Etable séparée des autres.
Le nommé Josse Valcroin, Marchand Epicier de
cette ville, a déclaré qu'il avoit eu à son service un
garçon appelé La Biche, lequel La Biche luy avoit
dit plusieurs fois que ledit de La Soille etoit un
infâme sodomite, et qu'il abusoit d'une façon abo-
minable et contre nature d'une asnesse, dont il avoit
plus soin que des autres.
Thomas Dupont, Marchand Mercier de cette
ville, a déclaré qu'il y a environ trois semaines,
que allant à la ferme des Bois, appartenant audit
sieur Terron, Bourgeois de Paris, il auroitvu entrer
de La Soille dans l'Etable aux asnesses ; lequel La
Soille, après y avoir resté quelque tems, en seroit
JEAN DE LA SOILLE 39
sorti dans un état indécent,' et ayant été frappé à la
jambe par une asnesse.
Roger Dumoulin, aubergiste de cette ville, a
déclaré qu'il y a plus d'un mois qu'il sçait à n'en
point pouvoir douter que ledit de La Soille a com-
mis journellement crime de sodomie abominable et
contre nature avec une asnesse, et qu'il l'avoit pris
plusieurs fois sur le fait, entre autres le samedy
treize de ce mois, jour de l'emprisonnement dudit
de La Soille.
Apres lesquels interrogatoires se sont retirez.
Et le lundy vingt deuxième jour de novembre fut
amené pardevant nous Jean de La Soille, asnier du
sieur Terron, Bourgeois de Paris, accusé de sodo-
mie abominable et contre nature avec une asnesse,
et Aymon Groupan, maître tonnelier, Josse Val-
croin, marchand épicier, Thomas Dupont, marchand
mercier, et Roger Dumoulin, aubergiste, tous bour-
geois et habitans de cette ville, en présence des-
quels lecture a été faite tant du procès verbal fait
pardevant nous le quinzième du présent mois que
des témoignages, dépositions et déclarations faites
en notre présence par les susnommez; lesquels
témoins ont déclarez persister dans leurs déposi-
tions, témoignages et déclarations ; ensuite dequoy,
et en présence desdits témoins, ledit Jean de La
40 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Soille a requis pardon, et a confessé avoir eu habi-
tation charnelle, abominable et contre nature avec
une asnesse; après quoy, lesdits témoins s'etant
retirez, nous avons fait reconduire ledit Jean de La
Soille en prison.
Avons déclaré et déclarons ledit Jean de La Soille
duement atteint et convaincu d'avoir plusieurs fois
habité charnellement et d'une manière abominable
et contre nature avec une asnesse, pour raison de-
quoy, et réparation duquel cas, l'avons condamné
et condamnons a être mené dans un tombereau, au
bout duquel sera attaché l'asnesse, et attaché à un
poteau, qui pour cet effet sera planté dans la grande
place de cette ville ; et que lors que ledit de La
Soille sera monté en haut de Teschelle qui sera
appuiée contre la potence, ladite asnesse sera brû-
lée en sa présence ; quoy fait, ledit de La Soille
sera pendu et étranglé, et son corps ensuite jette
dans le feu où laditte asnesse aura été consommée ;
tous et chacun ses biens confisqués au profit de qui
il appartiendra, sur lesquels sera prélevée néan-
moins la somme de cent livres d'amande envers le
Roy, et le prix auquel sera estimé l'asnesse, lequel
sera remis au sieur Du Terron ; donné en notre
siège, cejourd'huy quatrième jour de décembre mil
cinq cent cinquante trois.
JEAN DE LA SOILLE 41
La Cour de Parlement a confirmé cet arrêt, avec
cette variante : « Quoy fait ledit de La Soille sera
pendu et étranglé, son corps mort jette ensuite dans
le mesme feu où laditte asnesse aura été consom-
mée, pour y être réduit en cendres, lesquelles,
ainsi que celles de l'asnesse, seront jettées dans la
Rivière d'Yonne... Fait à Paris, en Parlement, ce
cinquiesme jour de janvier mil cinq cent cinquante
six. »
PROCÈS CRIMINEL DE MACE AVRIL
ACCUSÉ d'avoir connu contre nature des bêtes brutes
7 octobre 1560.
L'an mil cinq cent soixante, le vendredy qua-
trième jour de juillet, fut amené pardevant nous,
Juge de Magny, un quidam vêtu de drap gris, accusé
à la requête du procureur fiscal de ce lieu, d'avoir
connu abominablement et contre nature des betes
brutes; Lequel, interrogé par nous comment il se
nommoit a repondu être appelle Macé Avril.
Interrogé de quel païs il etoit, a répondu qu'il
etoit de Gisors.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
trente ans, ou environ.
Interrogé quelle etoit sa profession, a repondu
qu'il etoit venu jeune de Gisors, et avoit été valet
de laboureur à Magny, et enfin à présent garçon
maréchal.
Interrogé s'il etoit vray qu'il eut jamais connu
charnellement et detestablement des betes brutes, a
repondu que jamais cela ne luy etoit arrivé, et qu'il
deffioit qu'on luy puisse soutenir.
Apres lesquels interrogatoires, ledit accusé s'est
retiré, et a été reconduit en prison.
MAGE AVRIL 43
Aujourd'huy mercredy neuvième jour de juillet,
sont comparus en présence de nous, juge de Magny,
les témoins cy après dénommez, auxquels, après
avoir fait prêter serment de dire pure et entière
vérité, nous avons demandé ce qui suit :
Le premier, qui a déclaré s'appeller Pierre
Othaire, jardinier, a déclaré qu'il avoit sçu d'Adam
Duchesne, laboureur, demeurant à Magny, que du
tems que ledit Macé Avril etoit à son service, il
craignoit que ce garçon n'eut la malheureuse incli-
nation de connoître des brutes, mû à cela par quel-
que indice qu'il en avoit eu ; et que sur ce soupçon
il ne vouloit jamais luy donner en garde aucune
Cavalle, jument, vache, anesse, brebis, ou autre
femelle.
Le second, qui a déclaré être appelle Jean de La
Plante, a déclaré qu'il avoit ouy dire audit Adam
Duchesne, laboureur, qu'il soupçonnoit fort ledit
Macé d'avoir cette malheureuse passion, et qu'il y
prenoit toutes les précautions possibles pour l'en
empêcher, à cause que ledit Macé lui paroissoit
d'un bon esprit et fort adroit.
Le troisième, qui a déclaré être appelle Robert
Vignot, et être fermier de la ferme de Monseigneur
de Magny, a dit que dans le tems que ledit Macé
Avril etoit à son service, et qu'il gardoit ses
44 LES PROCES DE BESTIALITE
ledit Avril s'enfermoit toujours dans
retable aux dittes asnesses, sous prétexte de dor-
mir plus chaudement, à cause que c'etoit en hyver,
mais qu'enfin ayant ouy parler de la détestable
inclination de ce garçon, il luy avoit absolument
deffendu de dormir dans cette etable, et enfin l'avoit
mis dehors et donné son congé.
Lesquels témoins ouïs se sont retirez.
Et le samedy deuxième jour de juillet audit an,
sont comparus en présence de nous, juge de Magny,
les témoins cy après dénommez, auxquels, après
avoir fait prêter serment de dire pure et entière
vérité, ils nous ont déclaré ce qui suit :
Le premier, nommé Adam Duchesne, laboureur,
demeurant en ce lieu de Magny, nous a déclaré
qu'ayant eu ledit Macé Avril à son service pendant
près de trois ans, il l'avoit toujours reconnu fort
adroit à tout ce qu'il l'avoit occupé, mais qu'il
s'etoit apperçu qu'il avoit une passion détestable de
connoître des bêtes brutes, qu'il caraissoit beau-
coup, sur tout les femelles, en sorte que luy, Adam
Duchesne, n'osoit luy donner en garde aucune
cavalle, jument, vache, brebis, chèvre, asnesse, ou
truye, craignant que ce misérable ne voulut com-
mettre quelque crime avec quelqu'une desdites
femelles, et que ce soupçon luy etoit venu d'un jour
MACÉ AVRIL 45
que voyant ledit Macé Avril caresser et flatter une
anesse, luy, Duchesne, avoit dit audit Avril qu'il
avoit plus de complaisance pour laditte anesse que
pour une fille, surquoy ledit Avril lui avoit repondu
ces mots : « Je suis si laid qu'aucune fille ne vou-
droit souffrir mes caresses, mais cette femelle n'est
pas si délicate. » Depuis lequel tems, luy, Duchesne,
avoit toujours soupçonné ledit Avril, et enfin auroit
donné audit Avril son congé, luy promettant de ne
point parler à personne du soupçon qu'il avoit de
sa malheureuse inclination.
Le second, appelle Hillaire Bastard, a déclaré
qu'étant camarade dudit Macé Avril, et comme luy
garçon maréchal au service de Roger Trippeville,
ayant entendu parler de l'inclination dudit Avril,
connu dans le lieu pour tel, il luy avoit plusieurs
fois reproché qu'il ne vouloit pas se marier, par ce
que sa femme l'empecheroit de caresser des anesses
et des chèvres, surquoy ledit Avril se seroit mis
en colère, et ils se seroient battus ensemble le pre-
mier de ce mois, dans laquelle dispute, luy, Bas-
tard, auroit reçu un coup de poing dans le visage
et plusieurs egratignures.
Lesquels témoins ouïs, se sont retirez.
Et le lundy quatorzième jour de juillet audit an,
est comparu pardevant nous, juge de Magny, un
46 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
quidam vêtu de drap canelle avec des culottes de
panne rouge, lequel nous a déclaré s'appeller Roger
Trippeville, être maréchal, et habitant de ce bourg
de Magny, et enfin qu'il venoit pour satisfaire à
notre ordonnance à luy signifiée samedy dernier
douze du présent mois, et pour sçavoir ce que nous
voulions de luy.
Interrogé s'il connoissoit un garçon appelle Macé
Avril, a repondu que ouy.
Interrogé depuis quel tems il etoit à son service,
a repondu que ledit Macé Avril etoit entré à son
service depuis la veille de Noël dernière.
Interrogé s'il avoit reconnu quelque mauvaise in-
clination dans ledit garçon, et entr'autres celle de
la sodomie avec les bêtes brutes, a repondu qu'il
n'avoit jamais reconnu que ledit Macé Avril eut de
pareilles inclinations, et que comme il etoit fort
adroit, il en etoit fort content.
Apres lequel interrogatoire et déclaration, ledit
Roger Trippeville s'est retiré.
Et le mercredy vingt troisième jour de Juillet
audit an, fut amené en présence de nous, susdit
Juge de Magny, Macé Avril, garçon maréchal,
auquel lecture a été faite des proces-verbaux faits
en notre présence et des témoignages et déclarations
faites pardevant nous, quoy fait nous avons ordonné
MACE AVRIL 47
audit Macé Avril, accusé d'avoir commis sodomie
avec des bêtes brutes, de repondre, s'il pouvoit,
aux charges et dépositions insérées dans lesdits
procès verbaux cy dessus.
Lequel Macé Avril nous aurait repondu qu'à
l'égard des dépositions et témoignages des nom-
mez Pierre Othaire, jardinier, et Jean de La Plante,
comme elles n'etoient fondées que sur des ouïs
dire, elle ne pouvoient conclure contre luy, et qu'à
l'égard de Robert Vignot, fermier de Monseigneur
de Magny, ses soupçons n'avoient encore pour fon-
dement qu'un bruit vague et injurieux, et semé par
jalousie ; qu'il est vray qu'étant naturellement fril-
leux, il aimoit à dormir dans l'etable, à cause de la
chaleur du lieu, mais qu'il n'y avoit jamais commis,
ny pensé commettre les crimes qu'on luy imputoit
faussement.
Qu'à l'égard des témoignages et dépositions
d'Adam Duchesne, laboureur, au service duquel,
luy, Macé Avril, auroit été pendant trois ans, qu'il
etoit bien vray qu'un jour, en flattant une asnesse,
et ledit Duchesne luy ayant reproché qu'il caressoit
cette asnesse mieux qu'il ne feroit une fille, il avoit
repondu que cet animal n'etoit pas si délicat qu'une
belle fille, qui, vu la laideur de luy, Macé Avril,
seroit peut être plus difficile, mais enfin qu'il n'avoit
pu s'imaginer que cette réponse ait pu occasionner
le soupçon que ledit Duchesne avoit conçu ; qu'au
reste, ledit Duchesne etoit imbecille et de peu d'es-
48 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
prit, et que la preuve en etoit visible puis qu'ayant
promis, comme il Tavoit avoué luy même, de ne
point parler à personne de ce soupçon, il en avoit
néanmoins entretenu plusieurs particuliers, et entr'-
autres les nommez Pierre Othaire, jardinier, et
Jean de La Plante, comme il est constant par les
dépositions et témoignages de ces derniers, qui
confessent ne sçavoir cela que de luy, et que ce
fait prouve encore que tout ce mauvais bruit n'est
fondé que sur les soupçons injurieux dudit André
Duchesne, qui luy avoit brassé ce mal à cause qu'il
le soupçonnoit avec plus de raison de carresser sa
femme, ce qui cependant n'est point vray.
Ajouta encore ledit Macé Avril que les témoi-
gnages et dépositions du nommé Hilaire Bastard
pouvoient encore moins luy nuire que les précé-
dentes, puis qu'il est bien vray que ledit Bastard luy
avoit dit qu'il ne vouloit point se marier dans la
crainte que sa femme ne l'empêchât de caresser des
asnesses, mais qu'il luy avoit repondu que ce n'etoit
point cette crainte qui l'empechoit de se marier,
mais seulement de prendre une femme coquette,
comme etoit celle dudit Hilaire Bastard, et qui luy
fit- porter des cornes ; que là dessus ledit Bastard
ayant répliqué : « Je suis donc cocu? » luy, Macé
Avril, auroit ajouté : « Oui, tu l'es d'autant plus
que tu ne l'ignores pas » et que sur ces paroles ils en
etoient venus aux prises, mais que leur Maître,
Roger de Trippeville, les avoit séparés.
o
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Q
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MACE AVRIL 49
Et ledit Macé Avril ajouta qu'enfin on ne pouvoit
avoir une preuve plus claire de son innocence que
le témoignage et déposition de Roger Trippeville
son Maître, chez qui il demeuroit depuis sept mois,
et qui n'avoit jamais reconnu en luy aucune mau-
vaise inclination, ni rien qui tendit aux crimes à
luy imputés. C'est pourquoy ledit Macé Avril nous
auroit requis, en le déchargeant desdittes accusa-
tions, le déclarer innocent, et condamner les nom-
mez Pierre Othaire, jardinier, Jean de La Plante,
Robert Vignot, fermier de la ferme de Monseigneur
de Magny, Adam Duchesne, laboureur, et Hilaire
Bastard, garçon maréchal, comme calomniateurs,
suivant la rigueur des lois, et solidairement en telle
amande qu'il nous plaira, ensuite dequoy ledit
Macé Avril s'est retiré, et a été reconduit en
prison.
Et le vendredy huitième jour d'aoust, sont com-
parus en présence de nous. Juge de Magny, Macé
Avril, garçon maréchal, accusé d'avoir commis
crime de sodomie avec bêtes brutes, Pierre Othaire,
Jean de La Plante, Robert Vignot, Adam Duchesne,
Hilaire Bastard et Roger Trippeville, en présence
desquels lecture a été faite des procès verbaux, de-
positions, témoignages et déclarations ; lesquels
témoins ayans déclaré persister en leurs temoi-
50 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
gnages et dépositions, et ledit Macé Avril dans ses
deffenses et requête verbale. Les nommez Adam
Duchesne et Hilaire Bastard nous supplièrent d'or-
donner en jugeant que ledit Macé Avril seroit tenu
préalablement à se dédire et retracter des injures
contre eux dites par ledit Macé Avril, comme aussi
le condamner et débouter ses demandes portées par
saditte requête, ensuite dequoy lesdits témoins se
sont retirez et ledit Macé Avril a été reconduit en
prison.
Avons déclaré et déclarons ledit Macé Avril, gar-
çon maréchal de Roger Trippeville, suffîsament
atteint et convaincu d'avoir connu contre nature des
bêtes brutes, pour raison et réparation desquels
crimes nous le condamnons à être attaché à un po-
teau qui pour cet effet sera planté dans la place de
Magny, et là brûlé vif; tous et chacun ses biens
confisqués à qui il appartiendra, sur lesquels néan-
moins sera prélevée la somme de cinquante Livres
d'amande envers le Seigneur. Donné à Magny, en
notre siège, par nous juge susdit, le premier jour de
septembre mil cinq cent soixante.
Cejourd'huy lundy quinzième jour de septembre,
a été amené en cette Conciergerie ou Palais de
MACE AVRIL 51
Paris Macé Avril, garçon maréchal du nommé
Roger Trippeville, Maréchal à Magny, accusé de
sodomie avec bêtes brutes, lequel nous a dit qu'il
est appelant, comme de présent il se porte pour tel,
d'une sentence rendue contre luy par le juge de
Magny, offrant de prouver son innocence par toutes
sortes de voyes ; en foy de quoy j'ay, greffier de la
Cour du Parlement, receu le présent appel, les jour
et an que dessus.
Et le mercredy dix septième jour de septembre
fut amené en présence de nous. Conseiller commis-
saire en cette partie, un quidam vêtu de drap gris
auquel nous avons demandé qui il etoit, a repondu
être appelle Macé Avril.
Interrogé s'il etoit vray qu'il eut commis les
crimes à luy imposez, a repondu que non, et qu'il
ofïroit de prouver son innocence par telle voye qu'il
plairoit à la Cour, et qu'il persistoit dans ses def-
fenses alléguées.
Apres quoy ledit Macé Avril s'est retiré et a été
conduit à la Conciergerie.
Cejourd'huy samedy vingtième jour du mois de
septembre, fut amené en notre présence Macé
52 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Avril, accusé d'avoir connu abominablement et
contre nature des bêtes brutes, lequel persistant
toujours en ses deffenses alléguées pardevant le
juge de Magny, a été appliqué à la question extra-
ordinaire. Lequel Macé Avril, après avoir souffert
ladite question extraordinaire, a déclaré qu'il etoit
innocent des crimes à luy imputez, et qu'il persis-
toit dans ses deffenses par luy alléguées et dans sa
requête verbale, ajoutant encore ledit Macé Avril
qu'il demandoit à la Cour de luy adjuger tels dom-
mages et interests pour les tortures qu'il avoit
souffert, sur les dépositions desdits témoins, qu'il
maintenoit et maintient faussaires et calomnia-
teurs; quoy fait ledit Macé Avril a été reconduit
en prison.
La Cour, faisant droit sur le tout, a mis et met à
néant l'appel interjette par ledit Avril à la sentence
rendue par le juge de Magny le premier jour de
septembre dernier. Met aussi à néant laditte sen-
tence dudit jour ; déclare néanmoins ledit Macé
Avril véhémentement soupçonné du crime de sodo-
mie commise avec des betes brutes, et en consé-
quence ordonne que ledit Macé Avril sera fouetté
dans les trois places principales de Magny pendant,
trois jours de marché consécutifs, et ensuite banni
pour neuf ans hors du Royaume. Enjoint audit
MAGE AVRIL 53
Macé Avril de garder son ban sous peine d'être
pendu, sans qu'il soit besoin d'information, sen-
tence ou arrest. Et pour le surplus des requêtes et
demandes dudit Macé Avril contre les nommez
Pierre Othaire, Jean de La Plante, Robert Vignot,
Adam Duchesne et Hilaire Bastard, aussi bien que
des requêtes desdits Adam Duchesne et Hilaire
Bastard, met laditte Cour les parties hors de cause
et de procès. Fait au Parlement, par la Chambre
des vacations, ce septième jour d'octobre l'an de
grâce mil cinq cent soixante.
PROCES CRIMINEL DE JEAN GERBOURT
ACCUSÉ d'avoir habité avec une asnesse
I 9 octobre 1560
L'an mil cinq cent soixante, le vendredy vingt
deuxième jour d'Aoust, fut amené en présence de
nous juge et Bailly de Lagny, un quidam vêtu de
grosse toile grise, conduit par les nommez Joseph
Castagne, Paul Duguerra, Abraham Bansy, Jérôme
Vitard et Toussaint Piquot, exempt et cavaliers de
la brigade de cette ville, lesquels nous ont déclaré
que, sur les plaintes des habitans de cette ville, ils
nous amenoient ledit quidam, accusé d'avoir habité
avec une asnesse, surquoy nous aurions dressé
procès verbal de ce fait et ensuite interrogé ledit
quidam.
Interrogé quel nom il avoit, a repondu être
appelle Jean Gerbourt.
Interrogé de quel païs il etoit, a repondu qu'il
etoit de Dammartin.
Interrogé de quelle profession il etoit, a repondu
qu'il etoit chartier, au service d'Adrien Martel,
fermier de la ferme de la Geolle.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
quarente huit ans.
JEAN GERBOURT 55
Apres lesquelles demandes nous avons fait con-
duire Jean Gerbourt es prisons de cette ville, et
lesdits exempt et cavaliers se sont retirez.
Et le mercredy vingt septième jour d'aoust audit
an, pour satisfaire à l'ordonnance rendue le jour
d'hier, par nous, Bailly de Lagny, sont comparus
en notre présence trois quidams.
Le premier, vêtu de rouge, interrogé par nous
quel nom il avoit, a repondu qu'il s'appelloit
Etienne Dutrot, Boulanger de cette ville.
Interrogé s'il sçavoit que ledit Jean Gerbourt
avoit commis crime de sodomie avec une asnesse,
a repondu que ouy et que le bruit en etoit public.
Interrogé s'il sçavoit quelque particularité tou-
chant ce fait, a repondu que non.
Le second, vêtu de drap bleu et veste rouge,
interrogé par nous quel nom il avoit, a répondu
être appelle Robert Du Buisson.
Interrogé par nous quelle etoit sa profession et
s'il connoissoit ledit Jean Gerbourt, a repondu qu'il
etoit brasseur et qu'il connoissoit ledit Jean Ger-
bourt.
Interrogé s'il sçavoit que ledit Jean Gerbourt
avoit la détestable inclination de commettre sodo-
mie avec les betes brutes, a repondu que ouy, et
56 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
qu'il sçavoit bien que ledit Gerbourt avoit une
Asnesse dont il usoit comme d'une femme.
Interrogé par nous s'il sçavoit quelques particu-
larités touchant le fait, a repondu que ledit Ger-
bourt luy avoit avoué qu'il avoit cette détestable
passion, et que luy ayant remontré l'enormité de ce
crime, ledit Gerbourt avoit repondu qu'il n'en
etoit pas le maitre.
Le troisième, aussi vêtu de bleu avec des culottes
de peau, interrogé par nous quel nom il avoit, a
repondu être appelle Simon Bonhomme.
Interrogé par nous quelle etoit sa profession et
s'il connoissoit le nommé Jean Gerbourt, a repondu
qu'il etoit tanneur, qu'il connoissoit ledit Jean Ger-
bourt, qui avoit été à son service pendant quatre
ans et demy, qu'il avoit toujours soupçonné ledit
Gerbourt de crime de sodomie avec les brutes,
mais qu'il ne l'en avoit jamais pu convaincre.
Lesquels témoins, après avoir certiffié leurs dépo-
sitions et déclarations véritables, et fait le serment
qu'ils n'avoient rien dit que de vray, se sont reti-
rez.
Et le mercredy troisième jour du mois de sep-
tembre audit an, est comparu pardevant nous Joseph
Martel, fils d'Adrien Martel, fermier de la ferme de
la Geolle, lequel comparant pour son père a
JEAN GERBOURT 57
déclaré que sondit père étant de présent incommodé
ne pouvoit satisfaire à l'ordonnance à luy signifiée le
samedy trente aoust dernier, pourquoy luy Joseph
Martel venoit devant nous savoir ce que nous sou-
haitions de luy, sur lesquelles choses nous, Bailly
susdit, aurions fait dresser le présent procès ver-
bal et ensuite interrogé ledit Joseph Martel s'il con-
noissoit ledit Jean Gerbourt, lequel Joseph Martel
a répondu que ouy et qu'il y avoit très peu de tems
qu'il était entré au service d'Adrien Martel son
père, 3^ étant entré le dix neuvième jour de juillet
dernier.
Interrogé s'il avoit ouy dire que ledit Jean Ger-
bourt étoit adonné au crime de sodomie avec des
betes brutes, et entr'autre avec une asnesse, a
repondu qu'il en avoit entendu parler depuis que
ledit Gerbourt avoit été arrêté, et que ledit Ger-
bourt avoit toujours grand soin de laditte asnesse
emmenée avec luy par la brigade du nommé
Joseph Castagne, mais que jamais il ne s'était
apperçu qu'il eut commis avec elle aucun acte cri-
minel.
Apres lequel interrogatoire nous avons donné
audit Joseph Martel congé de se retirer, lequel
Joseph Martel nous auroit déclaré que préalable-
ment il requeroit qu'en cas qu'on jugeât ledit Jean
Gerbourt à mort, et conséquemment ladite asnesse
à être brûlée, ladite asnesse fut estimée par experts
et le prix remis entre les mains dudit Adrien Mar-
58 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
tel, son père, à qui elle appartenoit ; quoy fait s'est
retiré.
A tous ceux qui les présentes verront et orront ;
Pierre de Hautefeuille, juge Bailly de Lagny, salut.
Vu le procès verbal et informations faites par
devant nous ; vu aussi les confessions et aveux faits
à la question par Jean Gerbourt, avons déclaré et
déclarons ledit Jean Gerbourt atteint et convaincu
d'avoir habité charnellement avec une asnesse;
pour réparation desquels crimes et cas étranges,
ordonnons que ledit Jean Gerbourt sera attaché à
un poteau qui sera planté pour cet effet dans la
grande place et marché de Lagny, et là, après avoir
été pendu et étranglé, son corps sera jette dans un
feu qui sera allumé auprès dudit poteau pour y être
consommé ; l'asnesse avec laquelle il a commis
ledit délit assommée et son corps jette dans le
même feu, pour le tout être réduit en cendres, les-
quelles seront jettées dans la rivière de Marne.
Déclarons tous et chacun les biens dudit Jean Ger-
bourt acquis et confisqués au Roy, sur lesquels
seront néanmoins prélevés la somme de cent
livres d'amande envers le Roy, et celle de vingt six
livres à laquelle a été estimée laditte asnesse,
laquelle somme de vingt six livres sera remise
entre les mains d'Adrien Martel, fermier de la
JEAN GERBOURT 59
ferme de la Geolle. Donné en notre siège, par
nous, Bailly susdit, cejourd'huy samedy vingtième
jour de septembre mil cinq cent soixante.
Le Parlement de Paris a confirmé ladite sentence
le 19 octobre 1560, après avoir toutefois réduit à
50 livres l'amende envers le Roy.
PROCES CRIMINEL DE PIERRE POULAIN
ACCUSÉ d'avoir connu charnellement une vache
31 juillet 1561.
L'an mil cinq cent soixante et un, le jeudy pre-
mier jour de juin, fut amené pardevant nous juge
d'Angoudeffus en Picardie, Pierre Poulain, berger,
accusé d'avoir connu charnellement une vache
rouge, lequel avons interrogé en la manière qui
s'ensuit.
Interrogé ledit Pierre Poulain s'il connoissoit la
vache rouge quiluy a été présentée, a repondu que
ouy.
Interrogé s'il a connu charnellement laditte
vache, a repondu que non, et qu'il n'entend pas
ce qu'on luy veut dire, surquoy a été de notre
ordre reconduit en prison.
Cejourd'huy mercredy septième jour du mois de
juin, sont comparus en notre présence Jean Rebule,
Barthélémy Ognon, Geoffroy Le Sec et Jacques
Therancourt, lesquels, après avoir fait serment
qu'ils n'alloient rien dire que de vray et dans la
PIERRE POULAIN 6l
simple vérité, ont déclaré et certifié ce qui suit.
Ledit Jean Rebule, tisseran, demeurant en ce lieu,
a dit qu'il sçavait que ledit Pierre Poulain usoit
de la vache rouge comme de sa femme, et qu'il
Tavoit un jour surpris auprès de laditte vache dans
une attitude deshonnete, et que luy ayant reproché
le crime qu'il venoit ou alloit commettre, ledit Pou-
lain l'avoit prié de ne point parler à qui que ce fut
de ce qu'il venoit d'appercevoir, ce que luy Rebule,
luy avoit promis, à condition qu'il n'y retomberoit
plus ; ajoutant ledit Rebule qu'il sçavoit que mal-
gré cette promesse ledit Poulain n'avoit point dis-
continué son malheureux commerce.
Barthélémy Ognon, chirurgien de la paroisse de
Champcourt, a déclaré qu'un jour ledit Pierre Pou-
lain l'etoit venu trouver pour le prier de le guérir
pour quelqu'accident qui luy etoit arrivé, et
quayant pensé ledit Pierre Poulain, il avoit reconnu
que ce mal ne pouvoit être survenu que de la vache,
dont luy, Ognon, sçavait bien que ledit Poulain
usoit comme d'une femme.
Geoffroy le Sec, teinturier, a déclaré que ledit
Pierre Poulain luy avoit avoué plusieurs fois qu'il
habitoit charnellement avec laditte vache rouge, et
avoit ajouté qu'il ne la troqueroit pas pour la plus
belle fille du village, et même de la Picardie.
Jacques Therancourt a déclaré que la vache
rouge dont il etoit question luy appartenoit, et
qu'ainsi elle luy soit restituée ; qu'à l'égard dudit
62 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Pierre Poulain, il l'avoit pris à son service depuis
près de deux ans, mais qu'il ignore absolument si
ledit Poulain est sujet à cette détestable passion.
Apres lesquels interrogatoires que lesdits témoins
ont certifié de nouveau être véritables, se sont reti-
rez.
Avons déclaré ledit Pierre Poulain bien et due-
ment atteint et convaincu d'avoir connu charnelle-
ment laditte vache rouge ; pour réparation desquels
crimes ordonnons que ledit Poulain sera pendu et
étranglé, quoy fait son corps jette dans un feu avec
celuy de laditte vache préalablement étranglée ; et
faisant droit sur la requête verbale dudit Jacques
Theraucourt, propriétaire de laditte vache, avons
ouy le rapport des experts, taxé le prix de laditte
vache à la somme de cinquante quatre livres, la-
quelle somme de cinquante quatre livres ledit
Jacques Therancourt prendra sur tous les biens
dudit Poulain, et tous autres qu'il appartiendra.
Donné cejourd'huy lundy, deuxième jour de juillet
mil cinq cent soixante et un.
Veu parla Cour le procès Criminel fait pardevant
le Bailly d'Angoudeffus en Picardie, contre Pierre
PIERRE POULAIN 6^
Poulain, berger, accusé d'avoir connu charnelle-
ment une vache rouge, a mis et met Tappellation
dudit Pierre Poulain au néant, déclare ledit Pierre
Poulain convaincu d'avoir habité charnellement
avec la vache rouge mentionnée audit procès crimi-
nel ; ordonne que la sentence rendue contre luy
sera exécutée selon sa forme et teneur, et en con-
séquence que ledit Pierre Poulain sera pendu et
étranglé sur le grand chemin dudit village d'An-
goudeffus qui conduit à Amiens. Quoy fait, le
corps dudit Poulain jette dans un feu, dans lequel
sera jette aussi le corps de laditte vache rouge préa-
lablement étranglée, et leurs cendres jetées au
vent. Déclare en outre laditte Cour tous et chacun
les biens dudit Pierre Poulain acquis et confisqués
au profit de qui il appartiendra, sur lesquels néan-
moins sera prélevée la somme de dix livres d'amande
envers le Roy, et celle de cinquante quatre livres,
à laquelle s'est trouvé monter le prix de laditte
vache rouge, suivant le rapport fait par les nommez
Isaac Serran et Pierre Bouticourt, experts, laquelle
somme de cinquante quatre livres à Jacques The-
rancourt (sic) propriétaire de laditte vache. Fait en
Parlement ce trente et unième jour de Juillet mil
cinq cent soixante et un.
PROCES CRIMINEL DE COLLAS HILLAIRE
ACCUSÉ DE CRIME DE BESTIALITÉ
20 janvier 1600.
Veu par la Cour le procès criminel fait à la re-
quête du procureur fiscal du Baillage de Thouars,
demandeur et accusateur, pardevant le Baillv, dudit
Thouars, le lundy quinzième jour de novembre mil
cinq cent quatre vingt dix neuf, à rencontre de
Collas Hillaire, valet de Basse court de Thomas
Blanchamps, fermier de la ferme dudit Thouars,
deffendeur, et accusé d'avoir commis acte de Bes-
tialité et sodomie détestable avec une vache ; le
rapport fait ledit jour quinzième novembre par les
nommez Pierre Dufort, chef de la brigade dudit
Thouars, et les nommez Henry Simon, Claude
Brusquet, Mathieu Cordel, et Louis Le Pleutre,
cavaliers de laditte Brigade, de Tetat où ils avoient
trouvé ledit Collas Hillaire, et pour lequel ils
l'avoient amené pardevant le Juge de Thouars ; les
dépositions, témoignages et déclarations faites par-
devant le Bailly de Thouars, le Lundy vingt
deuxième jour du mois de Novembre audit an, par
les nommez Josse Perdu, Jean Duffault, Baptiste
Condray et Regnault Le Fevre, à la charge dudit
COLLAS HILLAIRE 65
Collas Hillaire ; les dépositions, témoignages et
déclarations faites le mercredy vingt quatre no-
vembre audit an pardevant le Bailly de Thouars
par les nommez Odon Marquets, boulanger dudit
Thouars, et Allexandre Priday, médecin demeurant
audit lieu; autres, déclarations, témoignages et de-
positions faites pardevant ledit Bailly de Thouars
par le nommé Vincent Bourdesiere, Chirurgien du-
dit Thouars ; la requête présentée audit Baillage de
Thouars par Robert Fortin, soydisant propriétaire
d'une vache noire mentionnée au présent procès,
requérant qu'en cas que ledit Collas Hillaire soit
condamné à mort et que consequemment laditte
vache noire soit brûlée avec luy, laditte vache soit
préalablement estimée et prisée par experts, et le
prix auquel elle se trouvera monter soit pris préa-
lablement sur tous les biens dudit Collas Hillaire,
pour luy être délivré, laditte requête en datte du
premier jour de décembre audit an ; l'ordonnance
donnée par le Bailly de Thouars le cinq dudit mois
de décembre, qui commet et nomme Benjamin
Duflos et Thomas Minière pour procéder à l'esti-
mation et prisée de laditte vache noire mentionnée
au procès ; rapport fait par lesdits Benjamin Duflos
et Thomas Minière, experts, qui déclarent que
laditte vache ne peut être estimée que quarente
deux livres et que c'est tout ce qu'elle peut valoir,
ledit rapport fait pardevant ledit Bailly de Thouars
le neuf dudit mois de décembre audit an ; interro-
66 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
gatoire fait audit Collas Hillaire le dix septième
jour de décembre, contenant les dénégations dudit
Collas Hillaire ; sentence rendue le dix huitième
jour dudit mois par le Bailly de Thouars, qui or-
donne que ledit Collas Hillaire sera appliqué à la
question, et dans lesquelles il a déclaré persister
ledit jour dix huitième décembre ; sentence rendue
par ledit juge de Thouars sur les conclusions du
procureur fiscal le vingt neuvième jour dudit mois
de décembre, portant condamnation contre ledit
Collas Hillaire, accusé et convaincu du crime de
sodomie et bestialité détestable avec une vache, et
sur la requête et demande de Robert Fortin, pro-
priétaire de laditte vache ; vu aussi l'acte d'appel
interjette a minima par le procureur fiscal dudit
Baillage de Thouars ledit jour vingt neuvième
décembre ; l'interrogatoire fait audit Collas Hillaire,
accusé d'avoir habité charnellement avec une vache
noire, par le Conseiller rapporteur, le quinzième
du présent mois de janvier ; vues aussy les conclu-
sions du procureur gênerai du Roy en datte du dix
neuf du présent mois ;
La Cour, faisant droit sur le tout, a mis et met à
néant l'appellation interjettée au nom dudit Collas
Hillaire le vingt neuvième de décembre par le pro-
cureur fiscal du Baillage de Thouars à la sentence
rendue ledit jour par ledit Bailly de Thouars, or-
donne qu'elle sera exécutée selon sa forme et
teneur ; déclare ledit Collas Hillaire bien et duement
COLLAS HILLAIRE 67
atteint et convaincu d'avoir plusieurs et souventes
fois commis et perpétré acte de sodomie détestable
avec la vache noire mentionnée au présent procès
criminel ; en conséquence ordonne laditte Cour que
ledit Collas Hillaire sera conduit dans un tombereau
jusqu'à la potence qui sera pour cet effet dressée
dans le marché et place publique dudit Thouars, et
que lors qu'il sera monté au haut de l'échelle
appuyée contre laditte potence, laditte vache sera
assommée et ensuite son corps brûlé dans un feu
qui sera allumé auprès ; quoy fait ledit Collas Hil-
laire sera pendu à laditte potence, et ensuite son
corps brûlé au même feu où laditte vache aura été
consommée, et leurs cendres jetées auvent. Déclare
en outre tous et chacun les biens dudit Collas Hil-
laire acquis et confisqués au profit de qui il appar-
tiendra, sur lesquels néanmoins sera préalablement
prélevée la somme de dix livres d'amande envers
qui il appartiendra, et celle de quarente deux livres,
à laquelle s'est trouvé monter le prix et estimation
de laditte vache, laquelle somme de quarente deux
livres sera délivrée et remise entre les mains de
Robert Fortin, habitant dudit Thouars et proprié-
taire de laditte vache. Fait en Parlement ce ving-
tième jour du mois de janvier, l'an de grâce mil six
cent.
PROCES CRIMINEL DE GILLES DOBREMER
ACCUSÉ d'avoir commis crime détestable
DE SODOMIE AVEC UNE VACHE
9 février 1600.
L'an mil cinq cent quatre vingt dix neuf, le jeudy
deuxième jour du mois de décembre, à la requête
et poursuite du procureur du Roy de cette ville et
Baillage d'Abbeville, fut amené un quidam vêtu de
drap rouge, accusé et pris en flagrant délit et
crime abominable de sodomie avec une vache
rousse, par les nommez Gilles Preaucourt, chef de
la brigade de cette ville, Mathurin Cordon, Benoit
Lavallée, Bernard Trippet et Raoul Hamon, Cava-
liers de laditte Brigade ; lesquels ont certifié ledit
délit, et signé le présent proces-verbal.
Ensuite nous aurions interrogé ledit quidam., et
luy ayant demandé son nom, a repondu être appelle
Gilles Dobremer.
Interrogé de quel païs il etoit, a repondu qu'il
etoit de Mondidier.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
cinquante deux ans.
Interrogé quelle etoit sa profession^ a repondu
GILLES DOBREMER 69
qu'il etoit laboureur, habitant à Favencourt, village
du voisinage.
Interrogé s'il avoit achetté cette vache et à quelle
intention, a repondu qu'il l'avoit achetté pour en
avoir du lait seulement.
Interrogé s'il avoit coutume de commettre sodo-
mie avec laditte vache, a repondu que c'etoit pour
la première fois que ce malheur luy etoit arrivé.
Apres lequel interrogatoire ledit Gilles Dobre-
mer a été reconduit en prison.
Cejourd'huy mercredy vingt deuxième jour de
décembre, sont comparus en notre présence les
nommez André Potelle, Gilles Guerin et Alizon
Soquier, femme de Benjamin Crespet, lesquels,
après avoir prêté serment de dire pure et entière
vérité, ont déclaré ce qui suit :
Sçavoir ledit André Potelle, premier témoin, a
déclaré que ledit Gilles Dobremer ayant vu laditte
vache chez luy Potelle, l'avoit examinée avec beau-
coup d'attention, sa taille, sa forme, et que luy
Potelle, ayant dit audit Gilles Dobremer que
laditte vache n'avoit pas beaucoup de lait, ledit
Dobremer avoit repondu que s'il vouloit la luy
vendre il etoit prêt de l'achetter, sur quoy ledit
Potelle luy auroit repondu que laditte vache luy
70 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
revenoit à vingt cinq Ecus et qu'elle n'avoit encore
vêlé que trois fois ; ledit Dobremer répliqua que
c'etoit justement ce qu'il luy falloit, et sur l'heure
il luy voulut donner une pistolle pour arrhes, mais
que la femme dudit Potelle avoit voulu rompre ce
marché, alléguant que laditte vache etoit bonne et
qu'elle seroit abondante en lait; que le lendemain
ledit Dobremer revint à la charge et offrit cent
livres, que sur cet offre la femme dudit Potelle
consentit à la livrer; que luy, Potelle, avoit tou-
jours été étonné de cette attache dudit Dobremer,
mais que sur le bruit qui a couru depuis, il n'en
est plus en doute.
Gilles Guérin, boulanger, second témoin, a
déclaré qu'il sçavoit depuis très long tems que
ledit Gilles Dobremer avoit habité charnellement
avec laditte vache, et qu'il l'en avoit aussi souvent
réprimandé, mais que ledit Gilles Dobremer avoit
toujours tourné la chose en raillerie.
Alizon Socquier, femme de Benjamin Crespet,
jardinier, a déclaré que le vingt cinq de novembre
dernier, jour de S'' Catherine, en passant par la
ruelle qui communique par derrière aux maisons
de Benjamin Crespet, son mari, et dudit Gilles
Dobremer, elle avoit apperçu ledit Dobremer en
copulation charnelle avec laditte vache, sur quoy
elle auroit pris la fuite, et fermé la porte du jardin
sur elle ; laquelle chose elle avoit racontée à son
mary qui, depuis ce jour-là, ne voulut plus fre-
GILLES DOBREMER 71
quenter ledit Dobremer, avec lequel il alloit cepen-
dant tous les dimanches et fêtes, à cause que ledit
Dobremer aime beaucoup à boire, aussi bien que
ledit Benjamin Crespet, mary de laditte Alizon
Socquier.
Apres lequel interrogatoire fait en présence de
nous, Lieutenant criminel de la ville d'Abbeville,
lesdits témoins ont certifié leurs dires véritables et
se sont retirez.
Nous, Lieutenant criminel de cette ville et bail-
lage d'Abbeville, avons déclaré et déclarons ledit
Gilles Dobremer duement atteint et convaincu et
même ayant été surpris sur le fait et commettant
ledit délit, d'avoir habité plusieurs fois avec une
vache, pour lequel crime et réparation desquels
cas l'avons condamné et condamnons à être pendu
et étranglé à une potence qui sera pour cet effet
dressée dans la place d'Abbeville, son corps jette
ensuite dans un feu, où sera aussi jettée la vache
avec laquelle il a commis ledit crime et délit,
laditte vache préalablement étranglée ; quoy fait les
cendres jettées dans la Rivière de Somme. Décla-
rons en outre tous et chacun les biens dudit Gilles
Dobremer acquis et confisquez au profit de Sa
Majesté, sur lesquels sera néanmoins prélevée la
somme de cent livres d'amande envers ledit sei-
72 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
gneur Roy. Donné par nous, Lieutenant criminel
susdit, l'an de grâce mil six cent, le neuvième jour
de janvier.
Cet arrêt a été confirmé le 9 février 1601, par la
Cour de Parlement, qui précise que la potence sera
plantée sur le grand chemin de Favencourt à Abbe-
ville.
PROCES CRIMINEL
DE BERNARD BOUTTESOLLE
ACCUSÉ DU CRIME DE BESTIALITÉ COMMIS
AVEC UNE CAVALLE
17 aoust 1600.
L'an mil six cent, le Jeudy quinzième jour du
mois de Mars, fut amené pardevant nous, Bailly de
Grouche-le-Chastel, un quidam vêtu de gris de fer,
avec un bonnet rouge, accusé d'avoir commis acte
de bestialité avec une Cavalle.
Le premier témoin, après avoir fait serment de
dire pure et entière vérité, nous a déclaré être
appelle Toussaint Peruchon, garçon jardinier du
nommé Marcel Bellot, et que ce jourd'huy, passant
sur les huit heures du matin par le chemin qui passe
auprès des terres appartenantes à Thomas Le Roux,
il avoit apperçu dans la Cour du nommé Jean Bout-
tesolle, ledit quidam, présentement accusé, lequel,
monté sur une herse, faisoit tous ses efforts pour
connoitre charnellement une Cavalle, laquelle
Cavalle etoit attachée à un anneau contre les murs
de laditte Cour, et qu'enfin s'etant approché pour
surprendre ledit quidam, il l'avoit trouvé accouplé
74 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
avec laditte Cavalle, desquelles choses il avoit
averty Monsieur le Procureur fiscal, ajoutant qu'il
y avoit plusieurs personnes qui avoient vu cette
chose.
Le second témoin, après avoir fait serment de
dire pure et entière vérité, a déclaré être nommée
Catherine Dumay, veuve d'Antoine Foreau, et que
ce jourd'huy sur les huit heures du matin, en pas-
sant près de la maison de Jean BouttesoUe, elle
avoit entendu du bruit dans laditte Cour, et avoit
apperçu ledit quidam accusé dans un état indécent
auprès de laditte Cavalle, et les nommés Jean
BouttesoUe, Toussaint Peruchon et Jacqueline
Montée querellans ensemble, surquoy laditte Jac-
queline Montée, femme de Marcel Bellot, jardinier,
luy avoit dit qu'on venoit de surprendre ce jeune
homme accusé, commettant acte de sodomie avec
laditte Cavalle.
Le troisième témoin, après le serment accoutumé
de dire pure et entière vérité, a déclaré être appelle
Jacqueline Montée, femme de Marcel Bellot, jardi-
nier, et que cejourd'huy passant auprès de la mai-
son du nommé Jean BouttesoUe, pour gagner le
chemin qui passe auprès des terres appartenantes à
Thomas Le Roux, accompagnée de Thomas Peru-
chon, garçon jardinier étant à son service, ledi^
Peruchon auroit apperçu ledit quidam, monté sur
une herse, et faisant ses efforts pour connoître
charnellement une Cavalle attachée à un anneau de
BERNARD BOUTTESOLLE 75
laditte Cour, et que s'etant approchez doucement,
de peur que ledit quidam ne prit la fuite, ils
Tavoient surpris en copulation charnelle avec laditte
Cavalle, et que grondans fort ledit quidam, etoit
survenu Jean Bouttesolle, qui avoit dit que ledit
quidam etoit son fils ; et que quoy que ledit Jean
Bouttesolle ait encore trouvé ledit quidam dans un
état qui a du luy faire aisément juger de l'action
dudit quidam, cependant il a soutenu que ledit qui-
dam qui est son fils n'est point capable de cette
action, et a fort injurié laditte Jacqueline Montée,
pourquoy laditte Jacqueline Montée nous requeroit
d'interposer notre autorité et justice contre ledit
Jean Bouttesolle.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires
avons interrogé ledit quidam accusé, et luy avons
demandé son nom : a repondu qu'il s'appelloit Ber-
nard Bouttesolle.
Interrogé quel etoit son père, a déclaré que son
père etoit Jean Bouttesolle, laboureur.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
seize ans et demi.
Interrogé s'il osoit desavouer qu'il eut commis
sodomie avec laditte cavalle, comme lesdits témoins
qui venoient de le surprendre l'assuroient, a re-
pondu qu'il n'avoit jamais connu laditte Cavalle, et
que ce qu'il en faisoit etoit pour essayer, sans qu'il
ait eu dessein de l'accomplir.
Interrogé que cependant lesdits témoins soute-
76 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
noient qu'il avoit commis ledit délit, et avoit été
trouvé en copulation charnelle avec laditte cavalle,
a repondu qu'il soutenoit n'avoir jamais commis
ledit crime.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires les-
dits témoins se sont retirez, et ledit Bernard Bou-
tesolle, accusé, conduit en prison.
Cejourd'huy vendredy vingt troisième jour de
mars, fut amené en notre présence Jean Boutte-
solle, laboureur, auquel nous avons demandé s'il
connoissoit ledit Bernard Bouttesolle, accusé d'avoir
commis bestialité avec une Cavalle ; a repondu que
ledit Bernard Bouttesolle étoit son fils.
Interrogé s'il n'etoit pas vray que le jeudy quin-
zième de ce mois ledit Bernard Bouttesolle avoit
été surpris en flagrant délit, et commettant acte de
sodomie détestable avec une Cavalle dans sa Cour,
monté sur une herse pour pouvoir atteindre à
laditte Cavalle, s'il sçavoit et eut reconnu que ledit
Bernard Bouttesolle fut sujet à cette malheureuse
inclination : a repondu que jamais son fils n'avoit
été sujet à cette inclination, qu'il est bien vray que
le jeudy quinzième de ce mois les nommez Tous-
saint Peruchon, Jacqueline Montée et Catherine
Dumay ayant vu ledit Bernard Bouttesolle qui ba-
dinoitavec cette cavalle, étoient entrez dans sa cour
BERNARD BOUTTESOLLE 77
et avoient fait un grand bruit, crians que ledit Ber-
nard Bouttesolle avoit voulu connoître charnelle-
ment laditte Cavalle, q^ioy que cependant cela fut
faux ; qu'au reste il est bon de remarquer que ledit
Bernard Bouttesolle est un innocent et un peu
simple, et que par hazard ledit Toussaint Peruchon
ayant dit que ledit Bernard Bouttesolle etoit prêt à
connoître charnellement ladite Cavalle, ladite Jac-
queline Montée, femme de Marcel Bellot, qui aime
ledit Peruchon, a cru devoir tenir le même langage,
et qu'en fin, luy, Jean Bouttesolle, et ledit Tous-
saint Peruchon avoient eu ensemble une querelle
le Carnaval dernier, dans laquelle ledit Toussaint
Peruchon luy avoit promis de s'en venger tôt ou
tard.
Après lesquelles demandes et interrogatoires
dans lesquelles ledit Jean Bouttesolle a déclaré per-
sister, et a soutenu qu'ils etoient selon la pure et
simple vérité, ledit Bouttesolle s'est retiré.
Nous, Bailly de Grouche-le-Chatel, avons déclaré
et déclarons ledit Bernard Bouttesolle, fils de Jean
Bouttesolle, laboureur, bien et duement atteint et
suffisamment convaincu d'avoir habité charnelle-
ment avec une Cavalle, pour réparation desquels
cas et crime énorme, avons ordonné et ordonnons
que ledit Bernard Bouttesolle sera pendu et étranglé
78 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
à une potence qui sera pour cet effet dressée au
milieu de la place de Grouche-le-Chastel ; quoy fait
son corps, ainsy que celuy de laditte Cavalle, préa-
lablement étranglée, êtrejettez au feu, et les cendres
qui en proviendront jettées et semées au vent.
Déclarons tous et chacun les biens dudit Bernard
Bouttesolle, en cas qu'il en ait, acquis et confisquez
au profit de qui il appartiendra, sur lesquels sera
néanmoins prélevée la somme de deux cents livres,
laquelle sera remise par forme de dommages et
interests, entre les mains de Jacqueline Montée, à
cause des injures à elle dites par ledit Jean Boutte-
solle, laquelle somme de deux cent livres sera
prise sur les biens appartenant audit Bernard Boutte-
solle, ou en cas qu'il ne s'en trouve point, ou qu'il
n'y en ait pas suffisamment, sur les biens propres
dudit Jean Bouttesolle, que nous debouttons de sa
requête dudit jour. Donné par nous, bailly susdit
de Grouche-le-Chastel, ce vingt sixième jour de
juillet mil six cent.
Cejourd'huy mercredy trente et unième jour de
juillet, a été amené en cette conciergerie au Palais
le nommé Bernard Bouttesolle, accusé d'avoir
connu charnellement une Cavalle, lequel nous a
déclaré qu'il se tient à l'appel par luy interjette le
vendredy vingt sixième du présent mois de Juillet
BERNARD BOUTTESOLLE 79
de la sentance rendue ledit jour contre luy par le
Bailly de Grouche-le-Chastel, comme d'effet il
déclare se porter appellant et offre de justifier son
innocence, requérant dommages et interests, avec
la condamnation contre Toussaint Peruchon, Cathe-
rine Dumay et Jacqueline Montée.
Cejourd'huy samedy troisième jour du mois
d'aoust est comparu au greffe de cette Cour le
nommé Jean BouttesoUe, lequel nous a déclaré
qu'il s'est porté et se porte encore pour le présent
appellant de la sentence rendue tant contre luy que
contre Bernard BouttesoUe, son fils, offrant de jus-
tifier son innocence et celle dudit Bernard Boutte-
soUe son fils, dont il a requis acte.
La Cour a ordonné et ordonne qu'avant de faire
droit sur ledit appel interjette par lesdits Jean et
Bernard BouttesoUe, ledit Bernard BouttesoUe sera
conduit sous bonne et sûre garde audit lieu de
Grouche, et là, en présence du procureur fiscal du-
dit lieu, il sera conduit au lieu où les témoins ont
déclaré que ledit délit a été commis, et ensuite exa-
miné par trois experts qui seront nommez à cet
effet par le Bailly de Grouche, lesquels experts, la
8o LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
herse apportée et la cavalle amenée, examineront
si ledit Bouttesolle a pu commettre ledit délit, pour
le rapport par eux dressé être rapporté à la Cour
et ordonné ce que de raison. Fait en Parlement ce
jourd'huy sixième jour d'aoust.
Nous, Bailly de Grouche-le-Chastel, ordonnons
que les nommez Maurice Troppy, chirurgien,
Michel Boudance, praticien, et Georges Castrelle,
garçon chirurgien, procéderont à l'information et
examen ordonné par ledit arrest du Parlement.
Donné à Grouche-le-Chastel, cejourdhuy jeudy
huitième jour d'aoust.
Nous, Maurice Troppy, chirurgien-juré, Michel
Boudance, praticien, et Georges Castelle, garçon
chirurgien, nous serions transporté cejourdhuy
samedy dixième jour du présent mois d'aoust, en
la maison de Jean Bouttesolle, laboureur en ce
lieu, et là, estant dans une grande cour aboutis-
sante au chemin qui passe auprès des terres appar-
tenantes à Thomas Le Roux, et là ayant fait appor-
ter une herse et amener une Cavalle de poil bay^
laquelle les nommez Toussaint Peruchon, Cathe-
rine Dumay et Jacqueline Montée nous auroient
BERNARD BOUTTESOLLE 8l
dit être la même avec laquelle le nommé Bernard
Bouttesolle aurait accompli son désir charnel de
sodomie, et après que lesdits témoins eurent
reconnus laditte herse pour la même sur laquelle
ledit Bouttesolle etoit monté pour commettre ledit
délit ; en présence de Monsieur le Procureur fiscal,
et du nommé Jean Bouttesolle, père de l'accusé,
et desdits témoins, nous aurions fait venir ledit
Bernard Bouttesolle, lequel après avoir examiné
s'il etoit habile et en état de connoître charnelle-
ment laditte femelle, nous luy aurions ordonné de
monter sur laditte herse, et de faire ce qu'il pour-
roit pour connoître charnellement laditte Cavalle,
ce que ledit Bernard Bouttesolle exécutant, nous
nous serions apperçus, en présence des personnes
cydessus, qu'à la vérité ledit Bernard Bouttesolle
avait pu connoître charnellement laditte Cavalle,
quoiqu'avec bien de la peine, étant même persua-
dez qu'il n'auroit pu l'exécuter que lors qu'on tien-
droit laditte cavalle ; quoy fait, nous avons ordonné
audit Bernard Bouttesolle de s'habiller et avons
dressé le présent procès verbal, lequel nous avons
signé, les jour et an que dessus, pour servir ce que
de raison.
La Cour, faisant droit sur le tout, a mis et met à
néant l'appel de la sentence interjette par lesdits
6
82 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Jean et Bernard Bouttesolle ; met aussi laditte sen-
tence à néant; déclare ledit Bernard Bouttesolle
véhémentement suspect du crime de copulation
charnelle avec laditte cavalle; néanmoins, ordonne
qu'il sera incessament elargy et remis entre les
mains de son père, que la Cour charge des apre-
sent de sa conduite et garde. Et pour le surplus des
dittes requêtes présentées par la nommée Jacque-
line Montée, et ledit Jean Bouttesolle, met la Cour
les parties hors de cause et procès, tous dépens
compensez. Fait à Paris en Parlement, ce dix sep-
tième jour du mois d'aoust mil six cent.
PROCES CRIMINEL
DE CLAUDINE DE CULAM
ACCUSÉE d'avoir EUE COPULATION ET HABITATION
CHARNELLE AVEC UN CHIEN
15e octobre 1601.
L'an mil six cent et un, le mardy septième jour
de septembre, à la requête et sur les plaintes por-
tées pardevant nous par le procureur fiscal de ce
siège, demandeur et accusateur, à rencontre d'une
quidamne, deffenderesse et accusée d'avoir eue
habitation et copulation charnelle avec un chien
blanc tachette de roux, nous, juge et Bailly de
Rognon et Saint Lubin de Cravant, aurions mandé
laditte quidamne accusée pour venir cejourdhu}^
se justifier des cas à elle imposez ; laquelle qui-
damne ayant refusé de comparoître, nous aurions
cejourdhuy, sur le réquisitoire dudit procureur fis-
cal, décrété laditte quidamne et ordonné qu'elle
seroit. prise et appréhendée aii corps ; fait par nous
Bailly susdit de Rognon et Saint Lubin de Cravant,
les jour et an que dessus.
84 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
L'an mil six cent et un, le samedy onzième jour
du mois de septembre, nous, Philippe Guedier,
huissier à cheval, assisté et accompagné d'Estienne
Bridon, Simon Roger et Regnault Galbonet,
serions transporté à l'hôtel et maison du sieur
Prieur de Reverecourt, où nous aurions trouvé
laditte quidamne, laquelle nous aurions amenée
pardevant mondit sieur le Bailly. Ce fait, nous
aurions demandé acte de l'exécution de notre ditte
commission. Fait ce jour et an que dessus.
Et cedit jour de samedy onzième jour de sep-
tembre, nous, Bailly de Rognon et Saint Lubin de
Gravant, aurions interrogé laditte quidamne
amenée devant nous, en la manière qui s'ensuit :
Interrogée quel etoit son nom, a repondu qu'elle
s'appelloit Claudine de Culam.
Interrogée quel âge elle avoit, a repondu qu'elle
avoit eu seize ans au dix sept jour d'aoust dernier.
Interrogée quelle était sa vacation, et à quoy elle
etoit occupée, a repondu qu'elle etoit domestique
de Monsieur le Prieur de Reverecourt, au service
duquel elle étoit depuis quatre années.
Interrogée pourquoy elle avoit eu copulation
CLAUDINE DE CULAM 85
charnelle avec le chien blanc tachette de roux, qui
luy a été en même tems représenté, a repondu
qu'elle ne sçavoit ce qu'on lui vouloit dire ; après
lequel interrogatoire, ladite Claudine de Culam a
été de notre ordre conduite en prison.
Cejourd'huy lundy treizième jour du mois de sep-
tembre, fut amenée en présence de nous, Bailly de
Rognon et saint Lubin de Gravant, Claudine de
Culam, prisonnière es prisons de ce lieu, et accusée
d'avoir habité charnellement avec un chien ; en
présence de laquelle nous luy aurions fait lire les
procès-verbaux et l'interrogatoire à elle fait, ensuite
de quoy laditte Claudine de Culam a déclaré per-
sister et n'avoir rien autre chose à dire que ce
qu'elle avoit déjà dit ; quoy fait, aurions de nou-
veau interrogé laditte Claudine de Culam en la
manière qui s'ensuit :
Interrogée de la raison pour laquelle, étant inno-
cente comme elle l'assure, elle avoit refusé de com-
paroitre le mardy septième de septembre, a
repondu qu'elle n'étoit pas au logis lorsqu'on est
venu l'avertir, et qu'elle etoit fort éloignée de
croire qu'on put la soupçonner de pareil crime,
après lequel interrogatoire laditte Claudine de
Culam a été par notre ordre ramenée en prison.
86 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Cejourd'huy mercredy quinzième jour de sep-
tembre, sont comparus en présence de nous, Bailly
de Rognon et saint Lubin de Gravant, les témoins
cy après nommez, lesquels, après avoir fait le ser-
ment accoutumé de dire pure et entière vérité, ont
déclaré ce qui suit :
Le premier, nommé David Bonamy, hotellier de
ce lieu, a déclaré que le jour et fête de saint Louis
dernière, vingt cinquième jour du mois d'Aoust
passé, étant allé chez Monsieur le Prieur de Reve-
recourt pour affaire, en passant dans la Cour dudit
sieur Prieur, il avoit apperçû laditte Claudine de
Culam en copulation charnelle avec ledit chien
blanc, mais qu'il n avoit osé dire cecy à Monsieur
le Prieur, et en avoit seulement parlé à la nommée
Jeanne Dubois, veuve de Claude de Culam, garçon
jardinier, et mère de laditte Claudine de Culam,
laquelle Jeanne Dubois n'en avoit voulu rien
croire, soutenant que sa fîUe etoit trop sage et trop
innocente, et qu'il falloit qu'il se fut trompé.
Le second témoin, appellée Marie Neufbois,
femme de Mathieu Gourdin, maréchal, a déclaré
qu'elle avoit vu, sur la fin du mois d'aoust dernier,
laditte Claudine de Culam jouant et badinant fort
indécemment avec ledit chien blanc tachette de
roux, et qu'elle luy en avoit fait même des
reproches.
CLAUDINE DE CULAM 87
Le troisième, nommé Nicolas Perrautelle, domes-
tique dudit sieur Prieur de Reverecourt, a déclaré
que le premier jour du présent mois de septembre,
en entrant dans le sallon dudit sieur prieur, il avoit
trouvé laditte Claudine de Culam couchée sur un
lit de repos, et ledit chien blanc marquette de roux
étant auprès d'elle et se mettant en devoir de la
connoître charnellement, mais que lors qu'il fut
entré dans ledit sallon, laditte Claudine de Culam
baissa ses juppes et chassa le chien, qui ne laissa
pas de faire résistance, et de lever avec son muzeau
les juppes de laditte de Culam ; mais que luy, Nico-
las Perrautelle, s'etoit enfin approché et avoit
donné un coup de pied au chien, duquel coup de
pied ledit chien criant et paroissant boiter, laditte
Claudine de Culam s'etoit écriée : « Pourquoy bat-
tés vous mon chien et vous mêlez vous de mes
affaires? » Que sur cela, luy, Nicolas Perrautelle,
avoit répondu qu'il etoit bien honteux à elle de se
laisser trousser ses jupes, et se découvrir si indé-
cemment devant tout le monde.
Apres lesquels interrogatoires, lesdits témoins se
sont retirez.
Cejourd'huy vendredy dix septième jour du mois
de septembre, est comparu pardevant nous, Bailly
de Rognon et saint Lubin de Cravant, Jeanne
88 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Dubois, veuve de Claude de Culam, garçon jardi-
nier, habitant de Rozay, laquelle après avoir fait
le serment accoutumé de dire pure et entière vérité,
et après la lecture à elle laite des procès verbaux
et interrogatoires, laditte Jeanne Dubois nous
auroit déclaré que laditte Claudine de Culam, sa
fille, etoit innocente, simple, et sans aucune malice;
qu'apparament c'etoit l'envie qui avoit fait parler
lesdits témoins, et qu'à l'égard dudit Nicolas Per-
rautelle toute la maison de Monsieur le Prieur de
Reveraucourt sçavoit bien qu'il avoit été amou-
reux de laditte Claudine de Culam, mais que
laditte fille n'avoit jamais voulu l'écouter, tant elle
est niaise et sotte, et enfin, pour preuve de ce
qu'elle avançoit, laditte Jeanne Dubois nous a
requis que laditte Claudine de Culam, sa fille, fut
par notre ordre visitée par des matronnes et sages
femmes, telles qu'il nous plairoit nommer, les-
quelles feroient leur rapport, pour ensuite par nous
être fait droit, ainsy qu'il appartiendroit. Fait les-
dits jour et an que dessus.
Nous Pierre de Bruymont, licencié es loix,
Bailly de Rognon et saint Lubin de Cravant, nous
ordonnons que les nommées Jeanne La Picarde,
sage femme, veuve de Thomas Brehault, accompa-
gnée de Geneviève Malnoye, femme d'André
CLAUDINE DE CULAM 89
Girard, apotiquaire, et de Guillemette Bontemps,
femme de Michel François Le Brun, chirurgien,
procéderont Lundy prochain vingt du présent mois
à la visite et examen tant de laditte Claudine de
Culam que le chien blanc tachette de roux avec
lequel elle est accusée d'avoir eue habitation char-
nelle, pour ensuite nous remettre leur rapport, et
être par nous ordonné que de raison. Donné par
nous le samedy dix huitième jour de septembre.
L'an mil six cent un, le lundy vingtième jour de
septembre, nous, Jeanne La Picarde, Maitresse
sage femme et matrone jurée, assistée et accompa-
gnée de Geneviève Malnoye et de Guillemette
Bontemps, nous nous serions assemblées et aurions
comparues pardevant mondit sieur le Bailly et luy
aurions déclaré être prêtes d'exécuter ses ordres.
Et ledit jour huit heures du matin, nous susdittes
Matrones, aurions prêté serment entre les mains
de mondit sieur le Bailly de procéder fidèlement et
exactement à la visite et examen tant de la nommée
Claudine de Culam, accusée d'avoir connu charnel-
lement un chien blanc tachette de roux, que ledit
chien blanc tachette de roux ; après lequel serment
nous serions retirées dans un cabinet, où l'on nous
auroit amenée la nommée Claudine de Culam et
ledit chien blanc tachette de roux; laquelle Clau-
90 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
dine de Culam nous aurions exactement et fidèle-
ment visitée, et aurions apperçu qu'elle auroit eu
copulation charnelle avec un masle, et ce qui nous
auroit encore persuadées entièrement, c'est qu'a-
près avoir déshabillé laditte Claudine de Culam,
ledit chien roux est sauté sur elle et s'est mis en
devoir de la connoître charnellement, ce qu'il eut
peut être exécuté si nous ne l'en avions empêché ;
quoy fait, nous aurions fait rhabiller laditte Clau-
dine de Culam, et dressé le présent rapport, que
nous certifions véritable et selon la vérité et notre
conscience. Fait par nous, Matrones susnommées,
les jour et an que dessus.
Cejourd'huy mercredy vingt deuxième jour du
présent mois de septembre, fut amenée pardevant
nous, Bailly de Rognon et saint Lubin de Cravant,
Claudine de Culam, en présence de laquelle a été
fait lecture tant des interrogatoires que des déposi-
tions charges témoignages et du rapport tait par
lesdittes Matrones par nous commises, ensuite de
quoy, nous aurions interrogée laditte Claudine de
Culam, et luy aurions demandé si elle avoit à
repondre aux charges et témoignages à elle impo-
sés; laquelle Claudine de Culam se seroit jettée à
genoux devant nous, et nous auroit avoué et con-
fessé qu'elle avoit eu copulation et habitation char-
CLAUDINE DE CULAM 91
nelle avec ledit chien blanc tachette de roux,
qu'elle meritoit d'être punie, mais elle auroit ajouté
qu'elle etoit grosse de trois mois et qu'elle prioit
de différer le jugement et l'exécution jusqu'au
tems qu'elle auroit accouchée ; surquoy nous,
Bailly susdit, aurions renvoyé laditte Claudine de
Culam en prison pour, après avoir entendu les con-
clusions du procureur fiscal, à ordonner ce que de
raison. Fait par nous, Bailly susdit, les jour et an
que dessus.
Nous, Pierre de Bruymont, licencié es loix,
Bailly de Rognon et saint Lubin de Gravant, vue
la requête verbale à nous faite par Claudine de
Culam, ayant aucunement égard à laditte requête,
ordonnons que les nommées Jeanne La Picarde,
accompagnée de Geneviève Malnoye et de Guille-
mette Bontemps, procéderont lundy prochain vingt
septième jour du présent mois de septembre, à la
visitte et information sur la prétendue grossesse de
laditte Claudine de Culam. Donné par nous, ce
samedy vingt cinquième jour de septembre.
L'an mil six cent et un, le lundy vingt septième
jour de septembre, nous, Jeanne La Picarde, mai-
92 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
tresse sage femme et matrone jurée, accompagnée
de Geneviève Malnoye et de Guillemette Bontemps,
aussi matrones jurée, nous serions transportées
chez mondit sieur le Bailly, en son siège de justice
de Rognon, et avons prêté et fait serment entre ses
mains d'examiner et visiter bien et fidèlement
laditte Claudine de Culam.
Et nous étant ensuite retirées dans un cabinet,
environ sur les neuf heures du matin fut amenée en
notre présence Claudine de Culam, laquelle aj^ant
fait deshabiller et visité tant son sein que son
ventre, et autres parties, après avoir mûrement et
longtems examiné, nous n'aurions reconnu aucun
signe de grossesse, et au contraire, nous y aurions
reconnu tous les indices et marques d'une femme
non enceinte, pourquoy nous aurions dressé le pré-
sent procès verbal, les jour et an que dessus, lequel
nous avons remis cejourd'huy entre les mains de
mondit sieur le Bailly, le certifiant pour véritable et
dicté selon nos lumières et notre conscience.
Nous, Pierre de Bruymont, Licencié es Loix,
Bailly de Rognon et saint Lubin de Cravant, faisons
savoir que nous avons déclaré et déclarons laditte
Claudine de Culam, fille de Claude de Culam et de
Jeanne Dubois, duement atteinte et convaincue
d'avoir contre nature habité charnellement avec un
CLAUDINE DE CULAM 93
chien blanc tachette de roux ; pour raison et répa-
ration desquels cas ordonnons que laditte Claudine
de Culam sera brûlée vive à un feu qui sera pour
cet effet dressé dans la grande place dudit Rognon,
quoy fait ses cendres jettées au vent. Déclarons en
outre tous et un chacun ses biens acquis et confis-
qués au profit de qui il appartiendra, sur lesquels
seront néanmoins pris la somme de dix livres
d'amende envers le Roy. Donné à Rognon par
nous, susdit Bailly, le quatrième jour du mois
d'octobre mil six cent et un.
La Cour a déclaré laditte Claudine de Culam
bien et duement atteinte et convaincue d'avoir
contre nature eue habitation et copulation char-
nelle avec un chien blanc tachette de roux ; en
conséquence, a mis et met à néant l'appel interjette
par le procureur fiscal de Rognon au nom de laditte
Claudine de Culam; ordonne que la sentence du
Bailly sera exécutée; en conséquence, ordonne
laditte Cour que laditte Claudine de Culam sera
pendue et étranglée à une potence qui sera pour cet
effet dressée dans la place et marché dudit Rognon,
avec ledit chien blanc tachette de roux, lequel sera
pendu et étranglé à laditte potence avant laditte
Claudine de Culam; quoy fait leurs corps jettez
dans un feu qui sera allumé auprès, et le tout con-
94 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
sommé les cendres jettées et semées au vent.
Déclare en outre tous les biens appartenans à ladite
Claudine de Culam acquis et confisquez au profit
de qui il appartiendra, sur lesquels néanmoins, en
cas qu'il s'en trouve, sera prélevée la somme de
trois livres d'amende envers le Roy ; et pour exé-
cuter le présent arrest, renvoyé laditte Claudine de
Culam prisonnière par devers ledit Bailly de Ro-
gnon et saint Lubin de Cravant. Fait en Parlement
en vacations, ce quinzième jour d'octobre l'an de
grâce mil six cent et un.
PROCES CRIMINEL DE EUTROPE BEDEAU
ACCUSÉ DU CRIME DE BESTIALITÉ AVEC UNE JUMENT
5 janvier 1604.
Cejourd'huy vendredy quatorzième jour de
novembre mil six cent trois, à la requête et sur la
plainte de Remy Lobliniere, hotellier de cette ville
de Provins, fut amené par les nommez Eustache
Robin, Louis Poltrot, Cezar Mangelle, et Thierri
Dupuis, un quidam vêtu de drap canelle, ayant un
boi;inet rouge et des bas blancs, lequel ledit Remy
Lobliniere nous auroit assuré avoir cejourd'huy
deux heures après midi surpris accouplé et en
copulation charnelle et contre nature avec une
jument étant dans Tecurie, et appartenante à un
particulier qui logeoit chez luy depuis hier au soir,
lequel particulier et plusieurs autres pourroient
rendre ample témoignage du fait, l'ayans vu comme
luy ; dequo}^' ledit Remy Lobliniere nous requeroit
de faire justice, ce que nous luy aurions promis, et
en même tems aurions fait conduire ledit quidam en
prison.
Cejourd'huy samedy quinzième jour de novembre,
96 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
a été amené pardevant nous, Bailly de laditte ville
et Baillage de Provins, un quidam vêtu de drap
canelle, ayant un bonnet rouge et des bas blancs,
lequel, à la requête du procureur du Roy de ce
Baillage et de Remy Lobliniere, hotellier de cette
ville, nous aurions interrogé en la manière qui s'en-
suit :
Interrogé quel nom il avoit, il a repondu être
appelle Eutrope Bedeau.
Interrogé quel est son père et sa mère et quel est
son pays, a repondu qu'il est fils de Gervais
Bedeau, teinturier à Sezanne, et de Marie Boullay,
sa femme, lesquels étant morts il y a près de trois
ans, luy, Eutrope Bedeau, se seroit trouvé dans la
nécessité de se mettre au service de quelqu'un, et
qu'il etoit entré le vingt quatre juin dernier au ser-
vice de Remy Lobliniere, hotellier du Lyon d'argent.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
eu treize ans le dernier jour de may dernier.
Interrogé s'il avoit coutume de connoitre charnel-
lement les cavalles et juments, a repondu que non
et qu'il n'avoit jamais commis ledit crime.
Interrogé s'il n'etoit pas vray qu'il eut commis
ledit crime hier sur les deux heures après midy, a
repondu que non.
Interrogé sur ce qui luy fut par nous répliqué
qu'il etoit bien insolent et un effronté menteur, a
repondu qu'il n'était point menteur, et qu'il n'y
avoit personne qui put luy soutenir le contraire.
PASIPHAE ET DEDALE
(Palazzo Spada, Rome)
EUTROPE BEDEAU 97
Apres lequel interrogatoire ledit Eutrope Bedeau
a été par notre ordre reconduit en prison.
Et cejourd'huy samedy vingt deuxième jour du
mois de novembre, sont comparus en présence de
nous, Bailly de Provins, les personnes suivantes,
lesquels, après leur avoir fait faire le serment accou-
tumé de dire pure et entière vérité, avons inter-
rogé en la manière qui ensuit.
Le premier témoin, qui a déclaré être appelle
Raoul Duplessis, sieur de Noleau, ancien officier
de cavallerie, a déclaré que le vendredy quatorze
du présent mois de novembre, ayant entendu du
bruit dans la cour du nommé Remy Lobliniere,
hotellier du Lyon d'argent, et chez qui il demeuroit
depuis trois jours, qu'à ce bruit il etoit decendu
dans laditte cour, où étant entré dans une écurie il
y avoit apperçu un quidam vêtu de drap canelle
avec un bonnet rouge et des bas blancs, qu'il a sçu
depuis être appelé Eutrope Bedeau, et du nombre
des domestiques du nommé Remy Lobliniere,
lequel quidam etoit accouplé charnellement et en
copulation contre nature avec une jument. Laquelle
déposition et témoignage ledit sieur Duplessis
Nolleau nous a certiffié véritable et a signé.
Le second témoin a dit être appelle Michel de
L'Epine, et qu'il etoit marchand de vin, demeurant
9B LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
ordinairement à Paris, et arrivé, pour le fait de son
commerce, en cette ville le dernier jour d'octobre
passé, depuis lequel tems il loge chez ledit sieur
Remy Loblinière; a déclaré ledit de Lepine que le
vendredy quatorzième de ce mois sur les deux
heures après midy, ayant entendu un grand bruit
dans la cour, il etoit descendu et avoit trouvé cinq^
ou six personnes assemblées, et qui etoient attentifs
à un jeune garçon que ledit Loblinière nommoit son
valet, lequel valet etoit accouplé avec une jument ;
lequel valet se seroit bientôt caché sous l'auge pour
s'habiller, et a sçu ledit témoin que ledit "valet s'ap-
pelloit Eutrope Bedeau.
Le troisième témoin a dit être appelle Olivier
Varrouges, et qu'il etoit valet de chambre du sieur
de Bellemont, secrétaire du Roy maison couronne de
France, demeurant ordinairement à Paris, ledit Oli-
vier Varrouges envoyé par son maître à Troyes, et
passant par Provins y avoit séjourné quelque tems;
a déclaré que le vendredy quatorzième du présent
mois, sur les deux heures après midy, il avoit ouy
un grand bruit dans la cour de la maison du Lyon
d'argent où il demeure, et avoit apperçu de la
fenestre le nommé Eutrope Bedeau, valet de Remy
Loblinière, maitre de laditte hôtellerie, entouré de
plusreurs personnes qui luy reprochoient qu'ils le
venoient de surprendre en commettant copulation
charnelle et contre nature avec une jument, lequel
Eutrope Bedeau n'osoit dire le contraire, et enfin
EUTROPE BEDEAU 99
avoit été emmené prisonnier pour ledit crime, ajou-
tant ledit Varrouges que c'etoit tout ce qu'il en
sçavoit et certifiant son témoignage véritable.
Le quatrième témoin a dit être appelle Jean Dau-
bry, et être huissier à Cheval au Chatelet de Paris,
de présent demeurant à Provins pour affaires, lequel
Jean Daubry auroit rendu un témoignage pareil à
celuy du sieur Raoul Duplessis Noleau, lequel
témoignage il auroit certifié véritable, et a signé.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires,
lesdits témoins se sont retirez.
Et cejourd'hy samedy vingt neuvième jour du
mois de novembre, fut amené en présence de nous,
Bailly de Provins, le nommé Eutrope Bedeau, de
présent détenu prisonnier es prisons de cette ville,
auquel lecture a été faite tant du proces-verbal que
de l'interrogatoire et des dépositions, charges,
témoignages et déclarations^ lequel Eutrope Bedeau
auroit continué à nier, et à soutenir que tout ce que
les témoins sunommez avoient déposé etoit entiè-
rement faux, et inventé exprès et calomnieusement
pour le faire périr, que ces témoins etoient tous des
étrangers et des fripons qui, pour complaire à Rem}^
Lobliniere, leur hôte, disoîent tout ce qu'il vouloit,
et que ledit Remy Lobliniere etoit aussi un fripon,
qui ne vouloit pas luy payer ses gages.
100 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
A quoy nous, Juge susdit, aurions répliqué audit
Eiitrope Bedeau que tout ce qu'il disoit n'etoit pas
vraisemblable, que ces témoins etoient tous hon-
nêtes gens et de marque, qui n'avoient aucun inte-
rest à luy faire du mal, et que Remy Lobliniere
etoit aussy connu pour un honnête homme, et qu'à
son égard il eut à confesser la vérité, sinon qu'il
seroit pendu ; a répliqué ledit Eutrope Bedeau qu'il
ne pouvoit dire autrement que ce qu'il avoit déjà dit,
à quoy persistant, nous l'aurions fait reconduire en
prison.
Cejourd'huy mercredy troisième jour du mois de
décembre comparurent en présence de nous, juge et
Bailly de Provins, Remy Lobliniere, hôtelier du
Lyon d'argent de cette ville de Provins, lequel,
après luy avoir fait prêter serment de dire pure et
entière vérité, nous l'aurions interrogé en la ma-
nière qui suit :
Interrogé s'il connaissoit le nommé Eutrope Be-
deau, et s'il avoit reconnu en luy quelque mauvaise
inclination^ a repondu qu'il y avoit près de quatre
ans qu'il avoit ledit Eutrope Bedeau à son service
et qu'il n'en avoit jamais reconnu aucune marque
ou indice de cette passion, si ce n'est que depuis
environ quatre mois qu'il avoit surpris plusieurs
fois ledit Bedeau dans l'écurie avec sa jument et
EUTROPE BEDEAU lOI
qu'il l'avoit plusieurs fois battu pour l'empêcher d'y
entrer, sans que ledit Eutrope Bedeau se soit voulu
corriger, jusqu'audit jour quatorzième de novembre
dernier que ledit Eutrope Bedeau a été surpris en
flagrant délit.
Et ledit jour troisième de décembre, fut amené
en présence de nous, Bailly susdit, Eutrope Bedeau,
prisonnier es prison de cette ville, et accusé d'avoir
connu charnellement une jument, auquel lecture a
été faite des témoignages et déclarations faites ce-
jourd'huy par le nommé Remy Lobliniere, à ce
présent, et persistant en ses dits témoignages et
dépositions. Lequel Eutrope Bedeau a persisté aussi
à nier tout ce que ledit Lobliniere avoit déposé, sur
quoy nous aurions dit audit Eutrope Bedeau qu'il
etoit bien impudent et ensuite nous l'aurions fait
emmener en prison.
Nous, Jérôme Antoine de Bordis, Licencié es lois,
Bailly de la Ville et Baillage de Provins, avons
déclaré et déclarons ledit Eutrope Bedeau duement
atteint et convaincu d'avoir habité charnellement et
contre nature avec une jument, pour réparation des-
quels cas et crime abominable, ordonnons que ledit
Eutrope Bedeau sera pendu et étranglé à une
102 LES PROCES DE BESTIALITE
potence qui sera pour cet effet dressée dans la place
de Provins, quoy fait son corps jette dans un feu,
où. sera pareillement jette la jument avec laquelle
ledit Eutrope Bedeau a commis ledit crime et délit,
préalablement étranglée, et ensuite leurs cendres
jettées au vent. Déclarons en outre tous et chacun
les biens dudit Eutrope Bedeau acquis et confisqués
au profit de sa Majesté, sur lesquels sera prélevée
la somme de trois livres d'amende envers le dit sei-
gneur Roy, et cinquante livres pour le prix de
ladite jument. Lesquels cinquante livres seront
remises es mains de Remy Lobliniere, propriétaire
de laditte Cavalle. Donné à Provins par nous,
Bailly susdit, cejourd'hy jeudy onzième jour de
décembre mil six cent trois.
La Cour a mis et met à néant la sentence rendue
le jeudy onzième décembre dernier par le Bailly de
Provins; met pareillement à néant l'appellation
interjette par le substitut du procureur gênerai du
Roy, à Provins, au nom d'Eutrope Bedeau ; et fai-
sant droit sur le tout, a déclaré ledit Eutrope Bedeau
atteint et convaincu d'avoir habité et connu charnel-
lement une jument; néanmoins, eu égard à son âge,
ordonne que ledit Eutrope Bedeau sera mis sous la
custode, et renfermé dans l'hôpital de Bicestre deux
mois consécutifs, pendant lequel tems il aura le
EUTROPE BEDEAU IO3
fouet en correction deux fois la semaine ; quoy fait
sera Banni à perpétuité de toute l'étendue du
Royaume et terres de l'obeïssance de sa Majesté,
au profit de qui elle a déclaré et déclare tous les
biens dudit Eutrope Bedeau (s'il y en a) confisqués,
sur lesquels néanmoins sera prise la somme de trois
livres d'amende envers ledit seigneur Roy, et la
somme de cinquante livres pour le prix et valeur de
la jument avec laquelle ledit Bedeau a commis ledit
délit ; laquelle jument laditte Cour ordonne qu'elle
sera assommée et son corps jette à la voirie, et les-
dittes cinquante livres remises à Remy Lobliniere,
propriétaire de laditte jument. Ordonne en outre
laditte Cour que quinze jours après que ledit Eutrope
Bedeau sera sorti de prison et du Château de Bi-
cestre, il ait à se trouver hors du Royaume, et en
cas qu'il y soit trouvé passé ledit tems, qu'il soit
pendu et étranglé sans aucune forme ou figure de
procès, et sans qu'il soit besoin d'autre jugement
que le présent arrest. Fait à Paris en Parlement le
cinquième jour de Janvier, l'an de grâce mil six
cent et quatre.
PROCES CRIMINEL DE DIDIER LENGARAT
ACCUSÉ DU CRIME DE BESTIALITÉ AVEC UNE JUMENT
27 octobre 1604.
L'an mil six cent quatre, le mardy treizième jour
du mois d'octobre, fut amené et conduit en pré-
sence de nous Bailly de Joinville, ' par la brigade
dudit Joinville, et les nommez Charles Rozeloy,
Thibaud Le Gendre, François Frappin, Gautier Le
Sueur et Jean Trompette, exempt et archers de
laditte Brigade de Maréchaussée, un quidam accusé
et pris présentement, heure de midy, en flagrant
délit, en copulation et habitation charnelle et
contre nature avec une jument, lesquels Charles
Rozeloy, etc., nous auroient assuré qu'ils ont été
mandez par plusieurs Bourgeois de cette ville, sur
l'heure de Midy, et qu'ayant suivi une servante,
appelée la grosse Fanchon, ils etoient venus der-
rière l'église, rue de Baffroy, où ils avoient trouvé
ledit quidam, que lesdits Bourgeois accusoient et
assuroient avoir trouvé présentement en copulation
charnelle et contre nature avec une jument. Pour
raison dequoy ils s'en seroient saisis et nous l'au-
roient amené.
DIDIER LENGARAT 105
Et ledit jour treizième jour d'octobre, nous,
Bailly de Joinville, avons interrogé ledit quidam en
la manière et forme qui s'ensuit :
Interrogé quel etoit son nom, a repondu qu'il
etoit appelle Didier Lengarat.
Interrogé de quel païs il etoit, a repondu qu'il
etoit natif de Sancerre, diocèse de Bourges.
Interrogé quelle etoit sa vacation et profession,
a repondu qu'il etoit garçon cordonnier, et qu'il
travailloit depuis six semaines qu'il etoit arrivé
dans cette ville chez le nommé Etienne Taillard,
cordonnier.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
trente sept ans.
Interrogé s'il etoit vray qu'il eut eu copulation et
habitation charnelle avec laditte jument, a repondu
que non, et que s'etant mis pour lascher de l'eau
auprès de laditte Cavalle, plusieurs particuliers
etoient accourus, et l'avoient accusé de ce qu'il n'a
point pensé.
Interrogé à qui appartient laditte jument, a
repondu qu'il ne sçait à qui elle appartient.
Apres lequel interrogatoire ledit Didier Lengarat
a été par notre ordre conduit et mené es prisons
de cette ville.
I06 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Cejourd'huy mercredy quatorzième jour du mois
d'octobre, sont comparus en présence de nous
Bailly de Joinville, André Dupont, maitre apoti-
quaire de cette ville, Pierre Thoury, compagnon
maréchal, Bastien Languedoc, garçon tanneur, la
grosse Fanchon, servante du sieur de Sirevancourt,
et Alexandre Dumontelle, serrurier, lesquels,
après avoir fait serment de dire et déclarer la pure
et entière vérité, ont tous déclaré unanimement
que le jour d'hier sur le midy, en passant par la
rue de Basfroy, ils avoient apperçu contre les murs
de l'église principale de cette ville un quidam
accouplé et en copulation charnelle et détestable
avec une jument, qu'etans tous approchez de luy
ils l'avoient lié et en même tems envoyé la grosse
Fanchon, aussy présente, pour chercher les
archers, pour se saisir de ce misérable, lequel en
se débattant, tandis qu'on etoit allé chercher les
archers, avoit donné un coup de pied dans la jambe
du nommé Bastien Languedoc, et avoit enlevé la
chair vive presqu'à l'os, et que voyant venir les
archers, ils leur avoient remis ledit quidam et leur
avoient dit le sujet pour lequel ils l'avoient arrêté
et lié, lesquels témoins cydessus ayant assuré que
leur témoignage etoit entièrement véritable se sont
retirez.
DIDIER LENGARAT IO7
Nous, Jules Henry d'Armanse, conseiller du
Roy, Bailly de la Ville et principauté de Joinville,
Ecuyer, sieur de la Berthe, Heronges et autres
lieux, sçavoir faisons que , vu la requête à nous
présentée le jour d'hier quinzième de ce mois par
Nicolas Rousseau, vigneron, tendante à ce qu'en le
procès criminel de Didier Lengarat; et au cas qu'on
jugeât à propos de tuer la jument avec laquelle
ledit Didier Lengarat a été trouvé en copulation
charnelle, il soit retenu et pris sur les biens dudit
Lengarat la somme de soixante et dix livres pour le
prix de laditte jument, dont luy Nicolas Rousseau
est propriétaire ; vu aussi l'aveu et confession faite
cejourd'huy par ledit Didier Lengarat, avons
déclaré et déclarons le nommé Didier Lengarat,
garçon cordonnier, bien et duement convaincu
d'avoir été surpris le mardy treizième du présent
mois en copulation charnelle avec une jument,
pour réparation duquel cas et crime énorme ordon-
nons qu'il sera pendu et étranglé à une potence qui
sera pour cet effet dressée dans la grande place de
Joinville ; quoy fait son corps et celuy de la jument,
qui sera préalablement étranglée, jettez au feu et le
tout consommé les cendres jettées au vent. Ordon-
nons en outre que tous les biens dudit Didier Len-
I08 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
garât seront acquis et confisquez au profit de qui il
appartiendra, sur lesquels néanmoins sera prélevée
la somme de dix livres d'amende appliquable à qui
il appartiendra, et celle de soixante et dix livres,
laquelle sera remise à Nicolas Rousseau, vigneron,
pour le prix et valeur de laditte jument mentionnée
au procès, dont il est propriétaire. Donné par nous,
Bailly susdit de la ville et principauté de Joinville,
le vendredy seizième jour d'octobre mil six cent
quatre.
Dans l'arrêt de confirmation, en date du mardy
27 octobre 1604, 1^ Parlement de Paris ordonne que
ledit Didier Lengarat sera conduit, la corde au col
et tenant au poing une torche de cire jaune du
poids de deux livres, devant l'église principale
dudit Joinville, et là fera amande honnorable et
déclarera que mechament il a souillé et pollué les
murs de laditte église auprès desquels il a commis
et perpétré son crime détestable ; quoy fait sera
pendu et étranglé, etc.
PROCES CRIMINEL DE PIERRE GAUTIER
DIT BARAT
ACCUSÉ DE BESTIALITÉ AVEC UNE BREBIS
30 juin 1606.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait à la poursuite et diligence du procureur gênerai
du Roy au Baillage et sénéchaussée de Riom, païs
d'Auvergne, demandeur et accusateur, à rencontre-
de Pierre Gautier, dit Barat, deffendeur et accusé
d'avoir connu detestablement et contre nature une
brebis noire ; le proces-verbal fait par devant le
juge senechal de laditte ville de Riom, le mardy
vingt huitième jour du mois d'avril mil six cent
six, par les nommez Pierre Legeret, exempt et
chef de la Brigade de la Maréchaussée de cette
ville, Barthélémy Didier, Joseph Ignace La Fleur,
Bernard L'Abbé du Timont, et Alexis Flamand,
Cavaliers de laditte Brigade ; l'interrogatoire fait
par ledit senechal de Riom ledit jour vingt huitième
avril audit Pierre Gautier, dit Barat, et les déné-
gations dudit accusé ; les dépositions, témoignages,
charges et informations faites le samedy deuxième
jour de May en présence dudit senechal par les
X
110 LES PROCES DE BESTIALITE
nommez Melchior Gaspard Du Trollet, Ecuyer,
Seigneur de Raniere, Conseiller du Roy et Prési-
dent des Trésoriers du Bureau des Finances en
cette ville de Riom, René Du Manoir, Ecuyer,
Conseiller du Roy, Notaire et garde notte royal en
laditte ville, Pierre Jacques Mautrey, marchand de
vin audit lieu, et Jean Joseph de La Maripaudiere,
commis et intéressé dans les affaires du Roy, les-
dits témoignages et déclarations signées ; autre
procès verbal contenant les dépositions, témoi-
gnages, charges informations et dépositions [sic)
faites pardevant ledit juge par Lancelot Dupradel,
Bourgeois et habitant de laditte ville de Riom,
Michelle Françoise Des Portes, veuve de Toussaint
Bellemontée, Ecuyer, Conseiller du Roy maison
couronne de France et de ses finances ; Barbe Les-
cot, femme d'Adrien Gentillet, marchand de Bled,
habitant à Clermont, lesdits témoignages et infor-
mations faites le mardy cinquième dudit mois de
May ; L'interrogatoire fait par le dit juge le lundy
onzième jour de may, audit Pierre Gautier, dit
Barat, lequel a déclaré être un des commis de Mon-
sieur l'Intendant en ce païs et Comté d'Auvergne,
avec les detfenses et allégations dudit Pierre Barat;
autre interrogatoire fait le samedy seizième jour
dudit mois de May, audit Pierre Gautier, dit Barat,
soy disant Commis de Monsieur l'Intendant de jus-
tice, police et finances en cedit païs de Riom, Comté
d'Auvergne ; la requête verbale faite ledit jour sei-
PIERRE GAUTIER, DIT BARAT III
zieme May par ledit Pierre Gauthier, dit Barat,
tendante à ce qu'il soit visité, ainsi que laditte
Brebis ; la sentence rendue par le senechal de
Riom, par laquelle les nommez Pierre Puget, Chi-
rurgien de cette ville de Riom, et Thomas Hillaire
Barbeville, aussi chirurgien juré audit lieu, sont
nommez et commis pour procéder Mercredy on-
zième jour de May à l'information et état du corps
dudit Pierre Gautier, dit Barat, soy disant impuis-
sant et inhabile à pouvoir connoitre la Brebis qu'il
est accusé d'avoir connu charnellement et contre
nature, laditte sentence rendue le lundy dix hui-
tième jour dudit mois de May ; le procès verbal con-
tenant la visite et examen fait par les nommez
Pierre Puget et Thomas Hillaire Barbeville, Chi-
rurgiens jurez, lesquels, procedans ledit jour ving-
tième May, à la visite et état du corps dudit Pierre
Gautier, dit Barat, ont déclaré que vu ledit Pierre
Gautier, dit Barat, ledit Pierre Gautier, dit Barat,
avoit bien pu connoitre charnellement laditte Bre-
bis, mais non engendrer, pourquoy ont déclaré les-
dits experts que ledit Pierre Gautier, dit Barat,
pouvoit connoitre charnellement seulement mais
non engendrer ; la confrontation dudit Pierre Gau-
tier, dit Barat, faite le samedy vingt troisième jour
de May, en présence dudit juge senechal de Riom,
des témoins et des deux chirurgiens jurez ; l'aveu
fait ledit jour vingt troisième May par ledit Pierre
Gautier, dit Barat, qu'il avoue et confesse avoir
112 LES PROCES DE BESTIALITÉ
malheureusement et detestablement habité et connu
charnellement une Brebis ; la sentence rendue le
samedy trentième jour dudit mois de May par le
senechal de laditte Ville de Riom ou son Lieutenant
criminel audit siège, par laquelle ledit Pierre Gau-
tier, dit Barat, est condamné pour crime de sodo-
mie et habitation charnelle et détestable avec une
brebis, à être attaché à un poteau planté dans la
grande place et marché de Riom, et là à être brûlé
vif, ses cendres jettées au vent, tous et chacun ses
biens confisqués ; l'appel interjette de laditte sen-
tence ledit jour trentième jour de May par ledit
Pierre Gautier, dit Barat ; l'interrogatoire fait audit
Pierre Gautier, dit Barat, parle Conseiller commis-
saire rapporteur de la Cour, le lundy quinzième
jour du présent mois de Juin : La Cour a mis et
met à néant l'appel interjette par Pierre Gautier,
dit Barat, déclare ledit Pierre Gautier, dit Barat,
bien et duement atteint et convaincu d'avoir com-
mis crime de sodomie et d'habitation et copulation
charnelle, détestable et contre nature avec une
Brebis, ordonne que laditte sentence sera exécutée ;
en conséquence, ordonne que ledit Pierre Gautier,
dit Barat, sera pendu et étranglé à une potence qui
sera pour cet effet plantée dans le marché et place
de laditte ville de Riom, quoy fait son corps jette,
avec celuy de laditte brebis préalablement étranglée,
à la voirie, et pour l'éxecution du présent arrêt
renvoyé la Cour ledit Pierre Gautier, dit Barat, pri-
DIT BARAT II3
sonnier pardevers ledit Lieutenant Criminel dudit
siège de laditte ville de Riom. Déclare en outre la-
ditte Cour tous et un chacun les biens appartenans
audit Pierre Gautier, dit Barat, acquis et confisqués
au profit de sa Majesté, sur lesquels néanmoins sera
prélevée la somme de deux cents livres d'amende
au profit dudit seigneur Roy. Fait en Parlement
Mardy trentième jour du mois de Juin, l'an de
grâce mil six cent six, et du règne de Sa Majesté
le dix septième.
PROCÈS CRIMINEL DE JEAN SARDON
ACCUSÉ d'avoir commis bestialité avec une vache
6 juin 1606.
L'an mil six cent six, le lundy premier jour du
mois de juin, fut amené en présence de nous, Bailly
de Chasteau Regnault, un quidam vêtu de toille à
carreaux gris et blancs, accusé d'avoir eu copula-
tion et habitation charnelle avec une vache, et con-
duit le jour d'hier en prison pour ledit délit par luy
commis, lequel quidam nous aurions interrogé en
la manière et forme qui s'ensuit :
Interrogé quel nom il avoit, a repondu être
nommé et appelle Jean Sardon.
Interrogé de quel païs il etoit, a repondu qu'il
etoit né natif du Pont de Ce, diocèse d'Angers.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
vingt sept ans et demy, étant né le 6 janvier 1579.
Interrogé s'il avoit coutume et habitude de con-
noitre charnellement les betes brutes, a repondu
que non, et que c'etoit pour la première fois que ce
malheur luy etoit arrivé, dont il requeroit pardon
à Dieu, au Roy, à nous et à la justice et nous prioit
de luy faire grâce ; à quoy nous avons repondu que
cette grâce ne dépendant pas de nous, tout ce que
JEAN SARDON II5
nous pouvions faire en sa faveur etoit de le juger
suivant l'ordonnance, et ensuite de le renvoyer
au Parlement de Paris, qui feroit ce qu'il jugeroit
à propos, et auprès desquels juges il devoit solli-
citer sa grâce ; après quoy ledit Jean Sardon s'étant
pris à pleurer, nous lui aurions dit qu'il devait com-
mencer par demander pardon à Dieu, qu'il avait si
horriblement offensé, et qui etoit cependant celuy
auprès de qui il obtiendroit le plutôt sa grâce, s'il
avoit un sincère repentir.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires,
nous avons ordonné que ledit Jean Sardon fut recon-
duit en prison.
Cejourd'huy mercredy troisième jour du mois de
juin 1606 sont comparus pardevant nous Ambroise
d'Outremer, Licencié es Loix, Bailly de Chasteau
Regnault, les témoins cy après nommez, auquels
après avoir fait prêter serment de dire et déclarer
la pure et simple vérité, nous avons fait les de-
mandes et interrogatoires qui s'ensuivent :
Le premier, nommé Augustin Brouillard, mar-
chand épicier et chandelier, nous a déclaré que
dimanche dernier, trente et unième jour du mois
de May passé, sur les neuf heures et demie du
matin, en sortant de l'Eglise où il venoit d'entendre
la S'^ Messe, il auroit apperçu un quidam vêtu de*
Il6 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
toille à carreaux gris et blancs, avec un bonnet de
laine rouge, lequel quidam il auroit trouvé accou-
plé et en copulation actuelle et charnelle avec une
vache, tout auprès de laditte Eglise ; que sur cela
il auroit été audit quidam pour l'empêcher de con-
tinuer laditte corpulation, et qu'en même tems plu-
sieurs personnes se seroient ameutées.
Le second témoin, qui a dit être appelle Georges
Thomasseau, taillandier, a déclaré que ledit jour
de dimanche dernier, en allant à l'Eglise pour y
entendre la sainte Messe, et appercevant plusieurs
personnes qui parloient haut à coté de laditte
Eglise, il se seroit approché et auroit vu un quidam
vêtu de toille à carreaux accouplé et en copulation
détestable et contre nature avec une vache blanche
et rousse, ce qui l'auroit engagé à réprimander fort
ledit quidam, et à dire tout haut qu'il falloit
envoyer chercher la justice pour châtier un crime
si énorme; surquoy se seroit approché le nommé
Du Barteau, chef de la Brigade, assisté de quatre
Cavaliers de sa brigade, entre les mains desquels
ledit quidam auroit été remis.
Le troisième témoin, qui a déclaré être nommé
Rolland Le Nain, vigneron, a dit que le dimanche
dernier, étant à l'Eglise sur les neuf heures et
demie du matin, et entendant du bruit dans la rue,
il etoit sorty et avoit apperçu un quidam étant dans
une posture malhonnête, et plusieurs personnes
autour de luy, et qu'ayant demandé ce que c'etoit.
JEAN SARDON II7
un de la compagnie luy avoit repondu qu'on venoit
de surprendre ledit quidam en copulation charnelle
et contre nature avec la vache blanche tachettée de
roux qu'il voyoit aussy auprès de luy, et qu'un
autre de la même compagnie ayant ensuite appelle
le nommé Du Barteau, chef de Brigade, il avoit fait
prendre et constituer prisonnier ledit quidam.
Le quatrième témoin, qui a dit être nommée
Catherine Rouget, a déclaré que dimanche dernier,
en allant à l'Eglise sur les dix heures du matin
ou environ, elle avoit apperçu auprès de laditte
Eglise un quidam vêtu de toille grise et blanche-,
avec un bonnet rouge, lequel quidam etoit accouplé
avec une vache blanche et rousse ; que sur le cri
qu'elle fit alors plusieurs personnes se seroient
amassées, tant qu'enfin ledit quidam avoit été
remis entre les mains du nommé Du Barteau, pour
le conduire en prison.
Le cinquième témoin, appellée Gillette Harang,
a déclaré les mêmes choses que le précèdent témoin^
Catherine Rouget.
Le sixième témoin, appelle Marc Antoine Han-
gard, a déclaré les mêmes choses que le 3*" témoin
cydessus appelle Rolland Le Nain, vigneron.
Le septième témoin a dit être appellée Margue-
rite Plumet, veuve de Pierre Moron, et a déclaré
les mêmes choses que les troisième et sixième
témoins cydessus appeliez.
Le huitième témoin a dit être appelle Jean Bap-
Il8 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
liste Michel Ange Boileau, compagnon serrurier,
a déclaré et affirmé les mêmes choses que le pre-
mier témoin susnommé, appelé Augustin Brouil-
lard.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires
lesdits témoins ont déclaré et affirmé qu'ils persis-
toient en leurs dépositions, témoignages et décla-
rations cydessus, après quoy se sont retirez.
Cejourd'huy samedy sixième jour du mois de
juin, fut amené et conduit en présence de nous
Bailly de Château Regnault, le nommé Jean Sar-
don, accusé d'avoir eu copulation charnelle et
contre nature avec une vache, en présence duquel
a été fait lecture tant du procès-verbal et interroga-
toire prêté par luy accusé, que des dépositions,
témoignages, charges et déclaration faites parde-
vant nous.
Ensuite dequoy sont comparus devant nous les
nommez Simon Du Barteau, chef de la Brigade de
ce Bourg et des environs, Mathieu Brisebarre,
Jean Joseph Simon Bethaney, Grégoire Le Fort,
Hugues François Labbé, cavaliers de laditte Bri-
gade, lesquels après le serment par eux fait de nous
dire pure et entière vérité, ont déclaré que di-
manche dernier sur les neuf à dix heures du matin,
JEAN SARDON II9
il avoient entendu beaucoup de bruit vers l'Eglise
de ce lieu, et qu'y étant accourus, ils avoient
trouvé un grand nombre d'hommes et de femmes,
qui tous leur avoient dit et affirmé qu'ils venoient
de trouver un quidam qu'ils leur montrèrent, vêtu
de toile à carreaux gris et blancs, avec un bonnet
rouge, accouplé et en copulation charnelle, détes-
table et contre nature, avec une vache blanche
tachettée de taches rousses, qui leur fut aussi mon-
trée, pourquoy requeroient lesdits hommes et
femmes que ledit quidam fut par eux pris et con-
duit devant nous, pour être jugé selon ses crimes,
en conscience de quoy ils auroient amené ledit
quidam, que nous n'aurions pu interroger ledit jour
de dimanche, pourquoy nous l'aurions renvoyé en
prison jusqu'au lendemain.
Apres quoy ledit Jean Sardon, en présence des
susdits, se seroit mis à genoux et nous auroit requis
humblement de luy pardonner, attendu que c'etoit
la première fois que ce malheur luy etoit arrivé, et
qu'il nous protestoit qu'il n'y vouloit plus retom-
ber ; pourquoy nous Bailly susdit luy aurions répli-
qué comme cydevant qu'il nous etoit impossible de
luy accorder sa demande, attendu que nous ne pou-
vions nous dispenser d'exécuter les loix qui seules
le condamnoient, après quoy nous avons fait recon-
duire ledit Jean Sardon, prisonnier es prison de ce
lieu.
I20 LES PROCES DE BESTIALITE
Nous, Ambroise d'Outremer, Licencié es Loix,
Bailly de Château Regnault, avons déclaré et décla-
rons ledit Jean Sardon atteint et convaincu d'avoir
eu habitation charnelle, détestable et contre nature,
avec une vache blanche tachettée de roux, pour
réparation desquels crimes et cas énormes, l'avons
condamné à faire amande honorable la torche au
poing 'du poids de deux livres devant l'Eglise de
Chasteau Regnault, et ensuite attaché à un poteau
qui pour cet effet sera planté dans la place devant
laditte Eglise de Château Regnault, et là brûlé vif,
ensemble la vache préalablement étranglée, quoy
fait leurs cendres jettées au vent ; déclarons en
outre tous et chacun les ^biens 'appartenans audit
Jean Sardon acquis et confisqués au profit de qui il
appartiendra. Donné à Château Regnault, par nous
Bailly susdit, le lundy quinzième jour du mois de
juin Tan de grâce mil six cent six.
La Cour ordonne que laditte sentence sera exé-
cutée, et en conséquence que ledit Jean Sardon sera
conduit dans un tombereau avec la torche au poing
JEAN SARDON 121
du poids de deux livres de cire jaune, jusqu'au
devant de la principale porte de l'Eglise de Chas-
teau Regnault, et là fera amende honorable que
méchamment et abominablement il a commis ledit
délit, quoy fait sera ledit Jean Sardon pendu et
étranglé à une potence qui sera pour cet effet dres-
sée dans la grande place voisine de laditte Eglise,
et ensuite son corps jette avec celuy de laditte
vache blanche tachettée de roux, préalablement
étranglée, dans un feu allumé auprès de laditte
potence; quoy fait leurs cendres jettées et semées
au vent... (le reste sans changement). Fait à Paris
en Parlement ce sixième jour de juillet, l'an de
grâce mil six cent six.
PROCES CRIMINEL DE DIDIER NOTEE
ACCUSÉ DU CRIME DE BESTIALITÉ AVEC UNE JUMENT
12 aoust 1606.
Veu par la Cour de Parlement le procès crimi-
nel fait pardevant le Prévôt de Coissy-le-Chastel, à
la poursuite et diligence du substitut du procureur
gênerai du Roy audit siège, demandeur et accusa-
teur, à rencontre de Didier Notel, garçon maréchal,
natif et habitant audit lieu, deffendeur et accusé
d'avoir eu habitation charnelle et sodomitique
avec une jument ;
Le procès-verbal et emprisonnement dudit Didier
Notel fait le samedi quatrième jour de juillet der-
nier, par les nommez Pierre Gensivoire, Exempt
du Prevot des Mareschaux de France assisté et
accompagné de Robert François Le Frère de Laval,
Jean Armand Théodore Brettanville , Mathieu
Guillaume de Poussemotte, et André Maquere, les-
quels ont amené et conduit ledit Didier Notel,
par ordre dudit Prévôt de Coissy-le-Chastel, es
prisons de ce lieu ;
L'interrogatoire fait audit Didier Notel par ledit
Prévôt le lundy sixième jour dudit mois de juillet,
et les dénégations dudit accusé, lequel prétend
DIDIER NOTEL 123
dommages et interests contre qui il appartien-
dra;
Les dépositions, témoignages et charges et décla-
ration faites pardevant le susdit Prévost, le mer-
credy huitième dudit mois de juillet, par les nom-
mez André Baratel, vigneron, habitant à Coissy-
le-Chastel; Marie Anne Le Maistre Desprez, femme
de Thierry Vallere de Blomelle, fermier de la ferme
de Lavaux, proche de Coissy-le-Chastel, apparte-
nante au sieur de Tremblaye ; Marguerite La Mor-
tellière, veuve de Nicolas Le Blond, marchand et
facteur de bois audit lieu de Coissy-le-Chastel; et
Pierre Coulongne de Trevenan, concierge de la
prison dudit lieu de Coissy-le-Chastel ; lesquels
témoins susnommez, après avoir fait serment de
dire pure et entière vérité, ont déclaré qu'ils
avoient trouvé ledit Didier Notel, le vendredy troi-
sième jour dudit mois de juillet dernier accouplé
et en habitation charnelle et contre nature avec une
jument isabelle ;
L'interrogatoire fait audit Didier Notel par ledit
Prévost de Coissy-le-Chastel le vendredy dixième
jour dudit mois, et la confrontation dudit accusé
avec lesdits André Baratel, Marie Anne Desprez,
Marguerite de La Mortelliere et Pierre Coulongne
de Trevan, lequel accusé a persisté dans ses déné-
gations et lesdits témoins en leurs dépositions et
témoignages ;
La requête présentée audit Prévost de Coissy-le-
124 LES PROCES DE BESTIALITE
Chastel, le samedy dix-huitieme jour dudit mois
de Juillet, par laquelle Jullien Etienne Dubois,
laboureur et habitant audit lieu de Coissy-le-Chas-
tel, en se déclarant propriétaire de la jument cou-
leur Isabelle avec laquelle ledit Didier Notel est
accusé d'avoir eu habitation charnelle, a requis, en
cas que ledit Notel fut déclaré criminel et con-
vaincu d'avoir commis le délit mentionné au pré-
sent procès, que sur les biens dudit accusé seroit
prise et prélevée la somme à laquelle se trouveroit
monter le prix de laditte jument couleur Isabelle,
suivant l'estimation et arbitrage des experts qu'il
supplioit de nommer en ce cas à cet effet ;
La sentence rendue le vingtième dudit mois par
le Prévôt de Coissy le-Chastel, sur la requête pré-
sentée par Jullien Etienne Dubois, laboureur, le
samedy dix huit dudit mois ; laquelle sentence
ordonne que Thomas Girard, maréchal, et Simon
Jordannis procéderont à la prisée et estimation: de
la jument couleur Isabelle mentionnée au présent
procès.
Le rapport fait par lesdits Thomas Girard et
Simon Jordannis, par lequel ils certifient que
laditte jument couleur isabelle ne peut être estimée
et prisée que quarante cinq livres, attendu qu'elle
a un œil dont elle ne voit point, et qu'elle paroit
être sujette aux eaux; ledit rapport fait le vingt
unième jour dudit mois :
La requête présentée le mercredy vingt deuxième
DIDIER NOTEL 125
dudit mois, par le susdit Jullien Etienne Dubois,
par laquelle il demande à être receu opposant au
rapport fait par lesdits Thomas Girard et Simon
Jordannis, attendu que laditte jument couleur isa-
belle, quoique n'ayant qu'un œil etoit fort en état
de service, et qu'il est faux qu'elle puisse être sujette
aux eaux; partant, requeroit ledit Dubois qu'il fut
nommé d'autres experts pour faire une nouvelle pri-
sée et estimation de laditte jument couleur isabelle ;
La sentence rendue par ledit Prevot de Coissy-le-
Chastel, le vendredy vingt quatrième jour dudit
mois de juillet, sur les conclusions du substitut du
Procureur gênerai du Roy, par laquelle ledit Di-
dier Notel est condamné à être brûlé vif; le rap-
port des experts fait le vingt unième jour dudit
mois de juillet approuvé et ledit Dubois deboutté
de sa requête en datte du vingt deuxième dudit ;
L'acte d'appel interjette ledit jour vingt quatrième
juillet au nom dudit Didier Notel, par ledit substi-
tut dudit procureur gênerai du Ro)^ ;
Autre appel interjette contre ladite sentence par
Jullien Etienne Dubois le mercredy vingt neuf
dudit mois de juillet ;
Vues aussi les conclusions du procureur gênerai
du Roy, et tout considéré ;
La Cour, faisant droit sur le tout, a mis et met à
néant l'appel interjette au npm de Didier Notel ;
déclare ledit Didier Notel bien et duement con-
vaincu d'avoir plusieurs et souventes fois habité
126 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
charnellement et contre nature avec une jument
couleur Isabelle ; ordonne que la sentence dont est
appel sera exécutée en ce qui concerne seulement
ledit Didier Notel, et, en conséquence, ordonne que
ledit Didier Notel sera pendu et étranglé à une
potence, à laquelle sera aussi étranglée laditte
jument couleur Isabelle ; quoy fait leurs corps jettes
dans un feu qui sera pour cet effet allumé auprès de
laditte potence dans la grande place et marché de
Côissy-le-Chastel, et leurs cendres mêlées ensemble
jettées au vent ; déclare tous et un chacun les biens
appartenans audit Didier Notel acquis et confis-
qués au profit de qui il appartiendra, sur lesquels
néanmoins sera prélevée la somme de dix livres
d'amende envers qui il appartiendra, et celle de
quatre vingt dix livres à laquelle s'est montée
l'achapt de ladite jument Isabelle, fait par ledit
Etienne Dubois le neuf avril dernier, laquelle
somme de quatre vingt dix livres sera remise audit
Dubois aussitôt qu'il aura fait apparoître audit Pré-
vôt de Coissy-le-Chastel le marché et advis fait par
ledit Dubois et le nommé André Sarriette le neuf
avril dernier, laquelle représentation ledit Dubois
sera tenu de faire audit Prévôt le jour même que le
présent arrest luy sera signiffié, à faute de quoy
déclare laditte Cour l'appel par luy interjette à
laditte sentence du vingt quatre juillet nul et mis à
néant. Fait à Paris en Parlement ce douzième jour
du mois d'aoust, l'an de grâce mil six cent six.
PROCÈS CRIMINEL DE JEAN POIGNON
ACCUSÉ d'avoir eu HABITATION CHARNELLE
AVEC UNE JUMENT
30 octobre 1607.
L'an mil six cent sept, le lundy deuxième jour du
mois d'aoust, fut amené en présence de nous Fran-
çois Etienne Dnbourg, Licencié es Loix, Bailly de
Boursault, un quidam vêtu de drap rouge, conduit
par les nommez Pierre d'Apremont, chef de Bri-
gade de Nosseigneurs les Maréchaux de France,
Trajan Dumoulin, Michel Jean Timonville, Re-
gnault de la Tarpondière, et Marie Jacques Le
Noir, cavalliers de laditte Brigade, lesquels ont
déclaré que cejourd'huy huit heures du matin, en
passant sur le chemin qui va de Boursault à Chailly
ils avoient trouvé ledit quidam entouré de plu-
sieurs particuliers de l'un et l'autre sexe, lesquels
particuliers leur avoient dit qu'ils venoient de sur-
prendre ledit quidam en copulation charnelle, bes-
tiale et contre nature avec ime jument, pour quoy
requeroient qii'ils l'emmenassent prisonnier par
devers nous j surquoy eux susdits chef de Brigade
et Cavalliers de Nosseigneurs les Maréchaux de
128 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
France, auroient pris et saisy ledit quidam, et en
même tems auroient ordonné auxdits particuliers
de les suivre vers nous.
Ensuite de quoy avons interrogé ledit quidam
accusé, en la manière et forme qui suit.
Interrogé quel nom il avoit, a repondu être
appelle Jean Poignon.
Interrogé quelle etoit sa profession et vacation, a
repondu qu'il etoit chartier au service de Guérin
Bousquin, laboureur à Boursault.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
trente neuf ans.
Interrogé si la jument avec laquelle il est accusé
d'avoir eu habitation est à luy, ou audit Guerin
Bousquin, laboureur, a repondu qu'elle appartenoit
audit Guerin Bousquin.
Interrogé s'il y avoit longtemps qu'il etoit au ser-
vice dudit laboureur, a repondu qu'il y avoit six
mois.
Apres lesquelles interrogatoires, nous, juge sus-
dit, avons interrogé les particuliers suivant, après
leur avoir fait prêter serment de dire pure et simple
vérité, lesquels particuliers ont dit être appeliez
Jacques Minerve, tisseran, Alexandre Filloque,
boulanger, Marie Anne Dupuy, femme de Laurent
Turgolissen, suisse de nation, Benjamin Lombestat,
commis intéressé dans les affaires du Roy, Remy
Angliverne, languelleur de cochons, Josse Durand,
laboureur, et Guerin Bousquin, aussy laboureur, et
JEAN POIGNON 129
ont déclaré que cejourd'huy sur les sept heures du
matin ils avoient surpris ledit accusé appelle Jean
Poignon sur le grand chemin de Boursault à Chailly
en copulation charnelle avec une jument noire, der-
rière une haye, que sur cela ils avoient appelle la
Maréchaussée pour emmener ledit quidam. Apres
lesquelles demandes et interrogatoires lesdits té-
moins se sont retirez et avons renvoyé ledit accusé
en prison.
Nous, François Etienne Dubourg, Licencié es
Loix et Bailly de Boursault, avons déclaré ledit
Jean Poignon duement atteint et convaincu d'avoir
habité et connu charnellement une jument noire
mentionnée au présent procès, et pris en commet-
tant ledit délit et crime énorme ; pour raison dequoy
et réparation desquels cas, ordonnons que ledit
Jean Poignon sera pendu et étranglé à une potence
qui sera pour cet effet plantée sur le grand chemin
de Boursault à Chailly, quoy fait son corps, et
celuy de laditte jument préalablement étranglée,
brûlés et leurs cendres jettées au vent ; déclarons en
outre tous les biens dudit Jean Poignon confisqués
au profit de qui il appartiendra, sur lesquels néan-
moins sera prélevée la somme de cent vingt livres,
pour le prix et valeur de laditte jument, laquelle
somme de cent vingt livres sera remise entre les
130 ^ LES PROCES DE BESTIALITE
mains de Guerin Bousquin, laboureur, propriétaire
de laditte jument. Donné par nous Bailly susdit,
cejourd'huy samedy trentième jour d'aoust mil six
cent sept.
Sentence confirmée purement et simplement par
le Parlement de Paris, le 30 octobre 1607,
PROCES CRIMINEL DE ETIENNE PASIN
ACCUSÉ d'avoir eu HABITATION CHARNELLE
AVEC UNE JUMENT
17 juin 1609.
L'an mil six cent neuf, le vendredy deuxième jour
du mois de may, fut amené pardevant nous, Pierre
de Bruere, Docteur es Loix, Bailly du Duché et
Seigneurie de Montmorency, un quidam vêtu de
toille grise, conduit par Richard de Beaulieu,
exempt et chef de la Maréchaussée, Brigade de
Montmorency, assisté et accompagné de Thomas
Henry Du Luart, Zacharie Perdelot, Georges Divi-
nemont, et Jean Antoine Duvaur, lesquels nous ont
déclaré que cejourd'huy sur l'heure de trois heures
après midy, en faisant leur tournée du côté de
Pierre Laye et de Franconville, ils avoient apperçu
auprès du grand chemin qui va de Pierre Laye à
Pontoise ledit quidam qu'ils amenoient, lequel etoit
descendu de dessus une jument baye, et seroit entré
dans des bruyères, où, monté sur un tronc d'arbre,
il auroit connu charnellement laditte jument ; c'est
pourquoy euxdits Exempt et Cavaliers de la sus-
ditte Brigade, Tauroient pris et amené avec laditte
jument. Apres quoy nous avons ordonné que ledit
132 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
quidam seroit conduit en prison, attendu qu'il n'etoit
pas tems ni heure de pouvoir l'interroger.
Cejourd'huy samedy troisième jour de may, fut
amené en présence de nous Bailly de Montmo-
rency, un quidam vêtu de toille grise, lequel nous
aurions le jour d'hier envoyé en prison, lequel qui-
dam nous aurions interrogé en la manière et façon
suivante :
Interrogé quel nom il avoit, a repondu qu'il s'ap-
pelloit Etienne Pasin.
Interrogé quelle est sa profession et vacation, a
repondu qu'il etoit domestique du sieur Taillardy,
secrétaire du Roy, qui a une maison audit village
de Franconville.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
cinquante et un ans.
Interrogé à qui appartenoit laditte Cavalle, a
repondu qu'elle etoit au sieur Taillardy, son
maître.
Interrogé s'il avoit coutume de co.nnoitre char-
nellement et contre nature laditte cavalle, a repondu
que non.
Apres lequel interrogatoire et réponses faites par
ledit Etienne Pasin, l'avons renvoyé en prison.
ETIENNE PASIN 133
Cejourd'huy samedy, dixième jour de may 1609,
sont comparus en notre présence les témoins cy-
apres nommez, lesquels, après avoir prêté serment
de dire et déclarer la pure et entière vérité, ont
déclaré ce qui suit :
Le premier, qui a dit être appelle André Faucon-
neau, a déclaré qu'il y avoit près d'un an qu'un jour
ayant surpris ledit Etienne Pasin accouplé charnel-
lement avec une cavalle, dans l'écurie de la maison
du sieur Taillardy, il luy avoit donné un coup de
pied, et luy avoit dit qu'il alloit le déclarer à la
justice ; surquoy ledit Etienne Pasin luy avoit
repondu qu'il le prioit d'excuser, et qu'il ne sçavoit
pas ce qu'il venoit de commettre, et qu'eh fm il se
garderoit d'y plus jamais retomber; surquoy luy
témoin n'avoit pas voulu révéler ledit crime et
délit.
Le second témoin, appellée Antoinette Bordel,
veuve de Pierre Morisseau, jardinier dudit lieu de
Francon ville, a déclaré que sçachant la malheureuse
et infâme inclination dudit Etienne Pasin, elle luy
avoit une fois reproché qu'il avoit fait mourir feue
sa femme, qui etoit sœur de laditte Bordel, à force
de la frapper, et que saditte sœur luy avoit dit plu-
sieurs fois que son mary ne vouloit point coucher
avec elle, et habitoit charnellement avec une petite
T34 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
jument noire qu'il avoit achepté exprès, que sur
quoy elle, susditte Antoinette Bordel, avoit dit à sa
sœur, femme dudit Pasin, qu'elle devoit le déclarer
à la justice et que sa conscience même l'y obligeoit,
mais que saditte sœur n'avoit jamais voulu exécuter
cette action.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires les-
dits tesmoins se sont retirés.
Nous, Pierre de Bruere, Docteur es Loix, Bailly
du Duché et Seigneurie de Montmorency, avons
déclaré et déclarons le nommé Etienne Pasin atteint
et convaincu d'avoir eu habitation et copulation
charnelle et habituelle avec une jument baye men-
tionnée au procès ; pour réparation desquels crimes
et cas énormes ordonnons qu'il sera conduit la
torche au poing, de cire jaune du poids de deux
livres, devant l'église de Franconville, et là dira et
déclarera que mechament il a commis ledit crime
et délit, dont il demande pardon à Dieu, au Roy et
à la justice ; quoy fait ledit Pasin sera pendu et
étranglé à une potence qui sera pour cet effet dres-
sée audit Franconville, sur le grand chemin qui va
à Pontoise, et ensuite son corps et celuy de laditte
jument baye préalablement assommée par l'Exécu-
teur de la haute justice, brûlés et leurs cendres me-
ETIENNE PASIN 135
lées ensemble jettées et semées au vent; déclarons
en outre tous et chacun les biens appartenant audit
Pasin acquis et confisqués au profit de M. le Duc de
Montmorency, seigneur de cette paroisse, sur les-
quels sera néanmoins prélevée la somme de
102 livres à laquelle s'est trouvé monter le prix et
valeur de laditte jument baye, laquelle somme de
102 livres sera remise entre les mains du sieur Tail-
lard}^ secrétaire du Roy, propriétaire de laditte
jument. Donné par nous susdit Bailly du Duché de
Montmorency, cejourd'huy lundy dix neuf may
1609.
Cette sentence a été confirmée le 17 juin par le
Parlement de Paris, « La Cour, cependant, infir-
mant laditte sentence en ce qui concerne l'amende
honnorable. »
PROCES CRIMINEL DE PIERRE DUPIN
ACCUSÉ d'avoir bestialisé avec une vache
23 aoust 1609.
Nous, Annibal Louis de Rompuy, Licencié es
Loix, Bailly de La Chapelle, vu le procès criminel
fait pardevant nous à la requête et dilligence du
Procureur fiscal de ce siège, demandeur et accusa-
teur, à rencontre de Pierre Dupin, apotiquaire de
ce lieu, deffendeur et accusé ;
La plainte faite en notre présence le mardy dix
septième jour de juin dernier, par Françoise Hen-
riette Le Large, femme dudit Pierre Dupin, ten-
dante à ce que ledit Dupin son mary fut par notre
ordre pris et appréhendé pour se deffendre du
crime de bestialité et sodomie détestable dont elle
l'accusoit et offroit de prouver par témoins bons et
suffîsans ;
Le décret par nous ordonné le dix huitième du
même mois contre ledit Pierre Dupin, amené et
conduit en vertu dudit décret par le nommé Tous-
saint Bellamy, Exempt du Lieutenant Criminel de
Robe courte de la ville et Prevosté de Paris, assisté
et accompagné de Jacques Huart, Michel Branil-
lon. Ponce Regnard et Jean François Thibaud,
PIERRE DUPIN 137
archers de la Compagnie dadit sieur Lieutenant
Criminel de Robe courte ;
L'interrogatoire par nous fait le jeudy dix neuf
dudit mois audit Pierre Dupin ;
Les dépositions, charges, témoignages et infor-
mations faites par nous le mercredy vingt cin-
quième dudit mois de juin par les nommez Cathe-
rine Du Trop, femme de Vincent Roger, vigneron,
demeurant à Belleville ; Regnault Pinchart, maître
serrurier, demeurant à La Chapelle ; Martine Gene-
viève Dubois, fille majeure de Romain Jules
Dubois, Maitre tanneur, laditte Martine Geneviève
Dubois demeurante et habitante à La Chapelle ;
La confrontation par nous faite dudit Pierre
Dupin, accusé, avec lesdits Regnault Pinchard,
Martine Geneviève Dubois et Catherine Dutrop,
femme Roger, en datte du lundy dernier jour
dudit mois de juin ;
La confrontation dudit accusé, faite le même jour
avec laditte Françoise Henriette Le Large, sa
femme et accusatrice, ledit accusé persistant en
ses dénégations et affirmations, et les affirmations
et certifications desdits témoins ;
La requête à nous présentée le samedy cinquième
jour du mois de juillet suivant par François Joseph
Dupin, bourgeois et habitant dudit village de La
Chapelle, et frère dudit accusé, laditte requête ten-
dante à ce que sans s'arrêter aux plaintes et accu-
sations formées par laditte Françoise Henriette Le
138 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Large, femme dudit accusé, et aux déclarations,
charges et témoignages desdits Regnault Pinchard,
Geneviève Dubois et Catherine Dutrop, il soit par
nous ordonné que ledit Pierre Dupin soit visité
par experts, lesquels reconnoitroient, comme il
soutient qu'il est ainsy, que ledit Dupin accusé est
impuissant et inhabile à pouvoir avoir habitation
charnelle et que par conséquent il n'a pu com-
mettre ledit délit dont il est accusé, et en consé-
quence ledit François Joseph Dupin nous supplie-
roit qu'au cas que la chose se trouve ainsy qu'il le
soutient, et que ledit Pierre Dupin fut déclaré
impuissant et inhabile à aucune copulation char-
nelle, que le mariage de luy et de laditte Françoise
Henriette Le Large fut déclaré nul, attendu l'im-
puissance dudit Dupin, et en conséquence que la
nommée Thérèse Françoise Dupin, fille prétendue
dudit Pierre Dupin et de laditte Françoise Hen-
riette Le Large, fut déclarée bâtarde, ladite requête
signée par ledit François Joseph Dupin ;
La sentence rendue par nous, le mercredy neu-
vième dudit mois de juillet, sur les fins de laditte
requête, par laquelle nous aurions ordonné que les
nommez Pierre Dutiroir, Maitre Chirurgien juré à
Paris, receu à saint Come ; Jean François Paul Le
Noir, aussi Chirurgien juré à Paris, procederoient,
en présence de Marc-Antoine Le Fevre, Médecin
de la Faculté de Paris, à la visite et examen de la
personne de Pierre Dupin, maitre apotiquaire.
PIERRE DUPIN 139
Le rapport et procès verbal fait le samedy dou-
zième jour de juillet par les nommez Marc Antoine
Le Fevre, Médecin, Pierre Dutiroir et Jean Fran-
çois Paul Le Noir, Chirurgiens jurez reçus à saint
Cosme, conformément et en exécution de notre
sentence du neuvième dudit mois ; par lequel les-
dits Médecin et Chirurgiens ont attesté et certifié
qu'après avoir meurement examiné et visité ledit
Pierre Dupin, ils avoient trouvé et reconnu qu'il
etoit bien à la vérité en état de pouvoir connoitre
charnellement, mais non d'engendrer, et partant
qu'il a bien pu connoitre charnellement tant laditte
François Henriette Le Large, sa femme, que laditte
vache mentionnée au procès, mais non pas d'avoir
pu engendrer laditte Thérèse Françoise Dupin, sa
fille prétendue, attendu qu'il est impuissant et inha-
bile à engendrer; ledit rapport et procès verbal
signé enfin Marc Antoine Le Fevre, Dutiroir, et
Le Noir, les jour et an que dessus ;
La requête présentée par la nommée Thérèse
Françoise Dupin, soy disante fille dudit Pierre
Dupin et de Françoise Henriette Le Large, son
épouse, en datte du mercredy seizième jour dudit
mois de juillet, laditte requête tendante à ce que,
sans s'arrêter à la requête présentée par François
Joseph Dupin, le samedy cinquième dudit mois, et
au rapport et procès verbal fait par les nommez
Marc Antoine Le Fevre, Pierre Dutiroir et Jean
François Paul Le Noir, lequel sera déclaré calom-
140 LES PROCES DE BESTIALITÉ
nieux et injurieux à la naissance de la suppliante,
il soit nommé d'autres experts pour visiter et exa-
miner ledit Pierre Dupin, et rendre compte de
Tetat où il peut être, et qu'il a pu, comme de fait il
a engendré laditte suppliante ;
La sentence par nous rendue le jeudy dix sep-
tième dudit mois, par laquelle, eu égard à laditte
requête présentée par Thérèse Françoise Dupin le
jour d'hier, nous aurions nommé et commis Florent
Dumontot, Médecin de la Faculté de Paris ; Joseph
Nicolas Belluze, Maitre Chirurgien, demeurant à
Paris, receu à Saint Cosme ; et François Etienne
Lambert, aussi Chirurgien demeurant à Paris,
receu à Saint Cosme, pour procéder à une seconde
visite et examen de la personne de Pierre Dupin;
Le rapport et procès verbal fait le lundy vingt
unième de Juillet par les nommez Florent Dumon-
tot, Médecin, Joseph Nicolas Belluze et François
Etienne Lambert, Chirurgiens de Paris reçus à
saint Cosme, par lequel lesdits Médecin et Chi-
rurgiens ont attesté et certifié qu'après avoir long-
tems et par l'espace de deux heures examiné, visité
meurement et à loisir Pierre Dupin, ils auroient
trouvé et reconnu que non seulement ledit Pierre
Dupin pouvoit et etoit capable de copulation char-
nelle, mais même qu'il etoit fort en état de pouvoir
engendrer ;
Nous, susdit Bailly, avons déclaré ledit Pierre
Dupin bien et duement atteint et convaincu d'avoir
PIERRE DUPIN 141
habité charnellement et contre nature avec une
vache rousse mentionnée au procès ; en consé-
quence et pour réparation desquels cas et crimes
l'avons condamné et condamnons à être pendu et
étranglé à un gibet qui sera pour cet effet dressé
dans la place de La Chapelle ; quoy fait, son corps
et celuy de laditte vache, préalablement étranglée,
jettes dans un feu qui sera allumé auprès de laditte
potence et leurs cendres jettées et semées au vent ;
déclarons en outre tous et chacun des biens dudit
Pierre Dupin acquis et confisqués au profit de qui
il appartiendra, sera sur lesquels néanmoins préle-
vée la somme de dix livres d'amende envers le Roy;
et pour le surplus debouttons laditte Thérèse Fran-
çoise Dupin, soydisante fille dudit Pierre Dupin,
des fins de sa requête présentée le seizième du
mois de juillet dernier, et en conséquence, en rejet-
tent la sentence rendue le jeudy dix septième dudit
mois, et le rapport et procès verbal fait le lundy
vingt et unième dudit mois par les nommez Florent
Dumontot, Médecin, Joseph Nicolas Belluze et
François Etienne Lembert, Chirurgiens jurez reçus
à saint Cosme, ordonnons que conformément à la
requête présentée par François Joseph Dupin, le
cinquième dudit mois de juillet dernier, et la sen-
tence rendue sur icelle le neuvième dudit mois, et
au rapport et procès verbal fait par Marc Antoine
Le Fevre, Médecin, Pierre Dutiroir et Jean Fran-
çois Paul Le Noir, en datte du douzième dudit mois
142 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
de juillet, laditte Thérèse Françoise Dupin sera
déclarée ne pouvoir être la fille dudit Pierre Dupin,
attendu l'impuissance et incapacité dudit Dupin à
pouvoir engendrer. Donné par nous Bailly susdit
le samedy deuxième jour d'aoust mil six cent
neuf.
La Cour, après avoir confirmé purement et sim-
plement la sentence rendue contre Pierre Dupin,
faisant droit sur le tout, ordonne que conformément
au rapport fait le vingt unième juillet dernier par
Florent Dumontot, Médecin, Jean Nicolas Beluze
et François Etienne Lambert, lequel sera déclaré le
plus conforme à la vérité, laditte Thérèse Françoise
Dupin sera réputée fille dudit Pierre Dupin et de
Françoise Henriette Le Large, et deboutte ledit
François Joseph Dupin de ses requêtes des cinq
juillet et treize aoust ; déclare en outre tous et cha-
cun les biens dudit Pierre Dupin acquis et confis-
qués au profit de laditte Thérèse Françoise Dupin,
sa fille, exclusivement à tous autres, et sans que
laditte Thérèse Françoise Dupin puisse être inquet-
tée ny troublée dans la possession desdits biens par
ledit Joseph François Dupin, ny par laditte Fran-
çoise Henriette Le Large, sous quelque prétexte que
ce puisse être, pas même sous celuy du douaire, et
conventions matrimoniales que laditte Le Large
PIERRE DUPIN 14
pouroit exiger et desquels elle est des à présent et
par le présent arrest decheue ; sur lesquels biens,
néanmoins, sera prélevée la somme de dix livres
d'amende envers le Roy. Fait à Paris en Parlement,
cejourd'huy vingt troisième jour d'aoust, Tan de
grâce mil six cent neuf.
PROCES CRIMINEL
DE FRANÇOIS BEAUPLED
ACCUSÉ DE SODOMIE
ET AUSSI d'avoir CONNU CHARNELLEMENT UNE CHÈVRE
i8° aoust 1611.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le juge et Bailly de Laval, à la requête
poursuite et diligence du substitut du procureur
gênerai du Roy audit siège, demandeur et accusa-
teur principal, à rencontre de François Beaupled,
Tisseran, demeurant audit lieu, accusé de crime de
sodomie, viols, et d'avoir connu charnellement et
contre nature une chèvre ;
Le procès verbal fait pardevant ledit Bailly le
lundy dix huitième jour de juin par Marie Gene-
viève Anquetil, veuve de Toussaint Perault, vivant
maitre taillandier, laditte Marie Geneviève Anque-
til soy complaignante pour Catherine Perault, sa
fille^ des violences, brutalités et violemens faits
contre la personne de laditte Catherine Perault par
le nommé François Beaupled ;
Le décret de prise de corps rendu ledit jour dix
huit juin par ledit Bailly de Laval contre ledit Beau-
LEDA
École de Léonard (Galerie Borghêse, Rome)
FRANÇOIS BEAUPLED 145
pied, et emprisonnement fait en sa personne le len-
demain ;
L'interrogatoire fait audit Beaupled le mercredy
vingtième dudit mois, et les réponses et dénégations
dudit accusé ;
L'interrogatoire fait à laditte Marie Geneviève
Anquetil, veuve Perault, et à laditte Catherine
Perault, âgée de neuf ans-, en datte du samedy vingt
trois dudit mois ;
Les dépositions, charges, témoignages et décla-
rations faites le mercredy vingt sept dudit mois
contre ledit accusé par Marie Le Morillon et Am-
broisette Le Morillon, filles majeures et ouvrières
en dentelles ;
Les charges, dépositions, témoignages et décla-
rations faites le lundy deuxième jour du mois de
juillet par Simon Beaupreau, Tisseran, Antoine
Gervais, gagne deniers, et Pierre Blanchard, car-
deur de laines, lesquels ont certifié et témoigné
que ledit François Beaupled avoit achetté depuis le
vingt cinq du mois dernier une chèvre noire, avec
laquelle il habitoit journellement.
La requête présentée audit Bailly de Laval le
samedy septième jour dudit mois par Gérard Bon-
netier, compagnon tailleur, soy complaignant pour
Biaise Gérard Bonnetier, son fils âgé de treize ans,
à rencontre dudit François Èeaupled, requérant
ledit Gérard Bonnetier que ledit accusé soit puny
pour le crime de viol et sodomie par luy commis
10
146 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
en la personne dudit Biaise Gérard Bonnetier, son
fils, le vendredy premier jour de juin dernier, et
que par forme de dédommagement il luy soit adjugé
la somme de mille livres ;
La requête présentée le mardy dixième jour de
juillet par Marie Geneviève Anquetil, pour et au
nom de Catherine Perault, sa fille, requérant outre
la punition exemplaire dudit François Beaupled
qu'il soit par ledit Bailly commis et nommé experts
pour connoitre la vérité des violences et brutalités
exercées envers laditte Catherine Perault, et en
même temps qu'il soit ordonné tels dommages, inte-
rests, et réparations qu'il appartiendroit ;
La sentence du Bailly de Laval rendue le mer-
credy onze dudit mois, par laquelle le nommé Aufroy
Le Riche, Chirurgien dudit Laval, et les nommées
Françoise Rousset et Gillette LIortense Lombard,
veuve d'Adrien Raymond, procéderont à la visite et
examen de la personne de laditte Catherine Perault;
Le procès verbal et rapport fait par les susdits
Aufroy Le Riche, chirurgien, Françoise Rousset et
Gillette Hortense Lombard, veuve Raymond, le
samedy quatorze dudit mois, par lequel lesdittes
personnes déclarent qu'après avoir examiné et vi-
sité soigneusement laditte Catherine Perault, ils
ont reconnu qu'elle avoit été forcée et violentée,
en sorte qu'elle est même en danger de rester estro-
piée jusqu'à la fm de ses jours, et que laditte force
et violence est entièrement manifeste ;
FRANÇOIS BEAUPLED 147
La sentence rendue le vingt sixième jour de juillet
par ledit Bailly de Laval, sur les conclusions dudit
substitut du Procureur gênerai du Roy, portant
condamnation contre ledit François Beaupled ;
L'appel interjette ledit jour vingt six juillet au
nom dudit François Beaupled de laditte sentence
rendue ledit jour par le Bailly de Laval ;
L'interrogatoire fait le mercredy premier aoust
audit accusé par le Conseiller Commissaire rappor-
teur, et la confrontation faite ledit jour dudit ac-
cusé et des témoins et complaignans susnommez ;
Vues aussi les conclusions du Procureur General
du Roy et tout considéré ;
La Cour, faisant droit sur le tout, a mis et met à
néant l'appellation interjettée au nom dudit Beau-
pled par le substitut du Procureur gênerai du Roy
de la sentence rendue contre luy par le Bailly de
Laval le vingt six juillet dernier ; déclare ledit
François Beaupled, tisseran, duement atteint et con-
vaincu d'avoir violé la nommée Catherine Perault,
fille de Toussaint Perault et de Marie Geneviève
Anquetil ; d'avoir connu charnellement et contre
nature le nommé Biaise Gérard Bonnetier, fils de
Gérard Bonnetier ; et enfin d'avoir commis bestia-
lité détestable et brutale avec une chèvre ; pour
réparations desquels crimes et cas énormes, or-
donne laditte Cour que laditte sentence du vingt
six juillet dernier sera exécutée selon sa forme et
teneur, et en conséquence que ledit Beaupled sera
148 LES PROCÈS Dî BESTIALITÉ
pendu et étranglé à une potence qui sera pour cet
effet dressée dans la place et marché dudit Laval ;
quoy fait, son corps jette dans un feu qui sera
allumé auprès de laditte potence, avec celuy de la
Chèvre avec laquelle il a commis ledit délit, préa-
lablement étranglée, ensuite leurs cendres jettées
dans la Rivière ; et. faisant droit sur la plainte faite
par Marie Geneviève Anquetil, veuve de Toussaint
Perault, au nom de Catherine Perault, sa fille, âgée
de neuf ans, en datte du dix huit juin dernier, et de
sa requête présentée audit nom le dixième juillet
suivant; et sur la requête présentée par Gérard
Bonnetier, au nom de Biaise Gérard Bonnetier, son
fils âgé de treize ans, en datte du sept dudit mois
de juillet, déclare laditte Cour tous les biens appar-
tenans audit François Beaupled acquis et confisqués
par égales portions et moitiés au profit desdits
Biaise Gérard Bonnetier et Catherine Perault, les-
quels biens seront remis entre les mains desdits
Marie Geneviève Anquetil, veuve Perault, et
Gérard Bonnetier, jusqu'à la majorité de leurs dits
enfans ; sur lesquels biens, néanmoins, sera préle-
vée la somme de dix livres d'amende envers le Roy.
Fait à Paris en Parlement, cejourd'huy dix huitième
jour d'aoust mil six cent onze.
PROCES CRIMINEL DE CLAUDE TOUSSAINT
ACCUSÉ DE VIOLEMENT,
ET d'habitation CHARNELLE AVEC UNE VACHE
13^ octobre 1611
Nous, Jean Antoine des Trois Ponts, ecuyer,
sieur de Banieres, juge et Bailly de Saint Ferqueil,
vu le procès criminel intenté pardevant nous à la
poursuite et diligence du procureur fiscal de ce
siège, demandeur et accusateur, à Tencontre de
Claude Toussaint, laboureur, demeurant en ce lieu
de Saint Ferqueil, deffendeur et accusé de viole-
ment, sodomie, et d'habitation charnelle avec une
vache noire ;
Le procès verbal fait pardevant nous le lundy
troisième jour du présent mois de septembre, par
les nommez Thomas Bouffer, Exempt de la Mare-
chaussée, Girard Fontaine, Trissotin Billoy, Mau-
rice Gelon, et François Charles Le Cere d'Am-
boyne, cavaliers et archers de laditte Maréchaussée,
par lequel procès verbal les susnommez nous
auroient certifié que cejourd'huy huit heures du
matin, en passant par ledit lieu de Saint Ferqueil,
ils avoient entendu un grand bruit dans une mai-
son, où étant entré, ils y avoient trouvé le nommé
150 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Claude Toussaint, que plusieurs particuliers
venoient, suivant leur dire, de surprendre commet-
tant violence et force avec Marguerite Haquinet,
fille de Jean Haquinet, tonnelier, et de Louise
Pelard, sa femme, âgée seulement de douze ans ;
surquoy, et pour obtempérer aux plaintes desdits
particuliers, les susnommez exempt et cavaliers
auroient amené ledit Claude Toussaint, laboureur,
âgé de trente huit ans ;
L'interrogatoire par nous fait ledit jour troisième
septembre audit Claude Toussaint, accusé, lequel a
soutenu que laditte Marguerite Haquinet l'étoit
venu trouver de son bon gré ;
Les dépositions, témoignages, charges et infor-
mations faites pardevant nous le vendredy septième
jour de septembre, par Jean Haquinet, tonnelier,
Louise Pelard, femme dudit Haquinet, père et mère
de Marguerite Haquinet, complaignante, aussi pré-
sente et par nous interrogée ;
Les dépositions, témoignages et déclarations
faites aussy en notre présence par Jacques Antoine
de Monville, vigneron dudit Farqueil, Joseph Mo-
gnard. Laboureur audit lieu, et Philippes Gondolle,
gagne deniers ; lesdits Magnard et de Gondolle cer-
tilians et attestans qu'ils avoient surpris le vingt
huit aoust dernier ledit Claude Toussaint accouplé
charnellement avec une vache noire, et ledit de
Monville aussi certifiant et attestant qu'il avoit vu
le trois septembre ledit Claude Toussaint qui, ayant
CLAUDE TOUSSAINT I51
appelle laditte Marguerite Haquinet, l'avoit fait
entrer dans une salle basse, et luy ayant donné un
morceau de gâteau, avoit ensuite levé la jupe de
laditte fille et ensuite violée, ce qu'il avoit exécuté
si promptement, malgré les cris de laditte fille, que
luy, témoin, n'avoit pu y accourir assés tôt pour l'en
empêcher. Lesdits interrogatoires faits par nous le
mardy dixième jour de septembre ;
La requête présentée par Jean Haquinet, tonne-
lier, et Louise Pelard, sa femme, pour et au nom
de Margueritte Haquinet, leur fille, tendante à ce
qu'attendu la violence commise par le nommé
Claude Toussaint envers laditte Marguerite Haqui-
net, il luy soit donné et adjugé telle somme qui nous
plairoit par forme de dommages et intérest, et pour
le deshonneur dont il a chargé laditte fille complai-
gnante ;
La requête présentée par Claude Toussaint, le
mercredy douzième jour de septembre, tendante à
ce que laditte Margueritte Haquinet soit par nous
interrogée séparément, ce qui feroit connoitre
qu'elle n'a eu aucune violence et que le témoignage
rendu devant nous le sept de ce mois par le nommé
Jacques Antoine de Monville etoit faux, pourquoy
requeroit que ledit de Monville fut par nous décrété
de prise de corps, et puni comme faux accusateur et
calomniateur public et détestable ;
La requête présentée par le nommé Jacques
Antoine de Monville, le vendredy quatorzième du-
152 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
dit mois de septembre, par laquelle il demande que
sans avoir égard à la demande portée par la requête
de Claude Toussaint, il nous plaise le décharger du
décret requis par icelle, s'offrant de subir tels inter-
rogatoires que nous jugerions à propos ;
La requête présentée par ledit Claude Toussaint,
en datte du lundy dix septième jour de septembre,
tendante à ce que sans avoir égard à la requête de
Jacques Antoine de Monville, il nous plaise ordon-
ner que ledit Monville seroit pris et appréhendé au
corps et constitué prisonnier pour repondre aux
faits et objections qu'il s'offre de luy faire, et
entr'autres d'avoir séduit et abusé, il y a plus de six
mois, de laditte Margueritte Haquinet, et en outre
requere ledit Claude Toussaint que les nommez
Joseph Mognard et Philippe Gondolle soient par
nous décrétés de prise de corps, et punis comme
faux accusateurs et calomniateurs publics, ce qu'il
offre de prouver ;
L'interrogatoire par nous fait le mercredy dix
neuvième de septembre à Margueritte Haquinet,
laquelle auroit persisté à soutenir que ledit Claude
Toussaint l'avoit prise et violée par force, et la pro-
testation par elle faite de n'avoir jamais eu de com-
merce avec le nommé Jacques Antoine de Monville ;
L'interrogatoire fait pardevant nous auxdits
Jean Haquinet et Louise Pelard, sa femme, le
samedy vingt deuxième dudit mois ;
Autre interrogatoire par nous fait audit Jacques
CLAUDE TOUSSAINT 153
Antoine de Monville, le lundy vingt quatrième jour
dudit mois, lequel a persisté dans les déclarations,
témoignages et dépositions par luy faites le lund}^
dixième du présent mois, et dans les fins de sa
requête présentée le quatorze, requérant ledit de
Monville dommages et interest contre ledit Claude
Toussaint, calomniateur ;
Autre interrogatoire fait en notre présence, le
mercredy vingt sixième dudit mois de septembre,
aux nommez Joseph Mognard et Philippe Gondole,
lesquels ont pareillement persisté dans les témoi-
gnages, déclarations et dépositions par eux faites,
ajoutans même que ledit Claude Toussaint ne s'etoit
point caché dudit crime, et même Tavoit commis
devant eux publiquement ; requérant lesdits Mo-
gnard et Gondolle dommages et interest contre
ledit Claude Toussaint ;
La confrontation desdits Claude Toussaint, sépa-
rément avec les susdits Jean Haquinet et Louise
Pelard, sa femme, Margueritte Haquinet, Jacques
x\ntoine de Monville, Philippe Gondolle et Joseph
Mognard, lesquels ont continué et persisté dans
leurs témoignages, dépositions et déclarations ;
laditte confrontation en datte du vendredy vingt
huitième dudit mois de septembre ;
L'interrogatoire fait par nous, le lundy premier
jour du présent mois d'octobre, audit Claude Tous-
saint, les aveux, confessions et variations par luy
faites ledit jour;
154 LES PROGÈS DE BESTIALITE
Vues aussi les conclusions du Procureur fis-
cal;
Avons déclaré et déclarons le nommé Claude
Toussaint duement atteint et convaincu de viols et
brutalitez commises en la personne de Margueritte
Haquinet, et encore d'user ordinairement coutu-
mierement d'une vache noire, pour lesquels crimes
et cas énormes l'avons condamné et condamnons à
être pendu et étranglé à une potence qui sera pour
cet effet dressée dans la place et marché de Saint
Ferqueil ; quoy fait, son corps, et celui de la vache
avec laquelle il a commis ledit délit, préalablement
assommée, jettes au feu qui sera allumé aux pieds
de laditte potence ; déclarons tous et un chacun les
biens dudit Claude Toussaint acquis et confisqués
au profit de qui il appartiendra, sur lesquels néan-
moins sera prise et prélevée la somme de cent livres
d'amende envers le Roy, et mil livres de dom-
mages et interests et pour le deshonneur fait à
laditte Margueritte Haquinet, laquelle somme de
mil livres sera remise entre les mains de Jean Ha-
quinet et Louise Pelard, ses père et mère; et pour
le surplus des demandes portées par les requêtes de
Jacques Antoine de Monville, des quatorze et
vingt quatrième jour de septembre, et de celles
portées par la requête de Joseph Mognard et Phi-
lippe Gondolle, avons mis et mettons les parties
hors de cours et de procez. Donné par nous, juge
Bailly susdit, en notre siège de Saint Ferqueil, le
CLAUDE TOUSSAINT 155
jeudy quatrième jour d'octobre mil six cent
onze.
Arrêt confirmé purement et simplement par le
Parlement, le 13 octobre 1611.
PROCES CRIMINEL DE GERVAIS LIENARD
ACCUSÉ DE SODOMIE, ET d'aVOIR CONNU CHARNELLEMENT
UNE JUMENT
21 juillet 1612
L'an mil six cent douze, le jeudy vingt-sixième
jour du mois d'avril, est comparu pardevant nous
Josse Valeran, fermier de la ferme d'Aunoy, lequel
nous auroit déclaré que ce jourd'huy, sur les trois
heures après midy, le nommé Pierre Boisselier,
garçon étant à son service, luy seroit venu dire
qu'il avoit entendu Thibaut Valeran, fils de luy
complaignant, crier au secours, et qu'étant entré
dans la maison où ledit Thibaut Valeran crioit, il
auroit trouvé la porte d'une salle d'où ce bruit
venoit fermée, qu'ayant pris une bûche et ayant
enfoncé la porte il auroit apperçu ledit Thibaut
Valeran se débattant entre les bras du nommé Ger-
vais Lienard, vigneron, qu'étant appproché dudit
Lienard, il l'auroit à coup de poings forcé de quit-
ter ledit Thibaut Valeran, et ensuite auroit amené
Indit Thibaut Valeran à luy complaignant, lequel
Thibaut Valeran se seroit plaint d'avoir été connu
et abusé violentement et contre nature par ledit
Gervais Lienard, qui sous prétexte de luy dire
GERVAIS LIENARD 157
quelque chose Tauroit fait entrer dans laditte salle,
dont il auroit ensuite fermé la porte après y avoir
mis les verroux et oté la clef, que s'étant pris à crier
ledit Gervais Lienard Tavoit pris de force et connu
charnellement sans qu'il eut pu se deffendre; ajou-
tant ledit Josse Valeran que sur cela il avoit fait
venir Georges Bruquien, chirurgien demeurant en
ce lieu de Champigny, pour penser et medicamen-
ter ledit Thibaut Valeran, son fils; lequel chirur-
gien, après avoir examiné ledit Thibaut Valeran,
l'auroit pensé et appliqué un emplâtre sur la plaie,
et avoit déclaré que ledit Thibaut Valeran en
demeureroit estropié le reste de ses jours ; requé-
rant pour ce ledit Josse Valeran que ledit Gervais
Lienard, vigneron, demeurant et habitant de cette
paroisse, soit par nous interrogé et puni, avec
dépens, dommages et interests, et frais tant du pré-
sent procès que du Chirurgien, pour ses onguens et
medicamens employez et qu'il doit employer pour
la guerison dudit Thibaut Valeran. Fait les jour et
an susdits, pardevant nous Michel François Gros-
seteste. Prévôt de Champigny.
Cejourd'huy jeudy deuxième jour de may 1612, a
été amené et conduit par devers nous le nommé
Gervais Lienard, auquel, après la lecture de la
plainte faite pardevant nous et des griefs insérés
158 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
contre luy dans icelle, avons demandé s'il avoit et
pouvoit fournir de réponses ; lequel auroit repondu
que le fait allégué etoit faux, et qu'il n'avoit jamais
connu, ni eu envie de connoître ledit Thibaut
Valeran, qu'apparament ledit garçon s'etoit blessé,
et avoit dit à son père qu'on l' avoit voulu forcer,
pour ses excuses ; et a persisté ledit Lienard dans
sesdittes réponses. Fait les jour et an que dessus.
Veu par la Cour de Parlement le procès crimii^el
fait pardevant le Prevot de Champigny à l' encontre
de Gervais Lienard, deffendeur et accusé d'avoir
violé et connu contre nature Thibaut Valeran, et
encore d'avoir eu habitation charnelle avec une
jument blanche mentionnée au procès ;
La plainte faite le 26 avril dernier par Josse
Valeran, soy complaignant pour Thibaut Valeran,
son fils ;
L'interrogatoire et dénégations faites par ledit
Lienard le jeudy 2 may suivant;
L'interrogatoire fait au nommé Pierre Boisselier,
garçon au service de Josse Valeran, le vendredy
dix dudit mois ;
L'interrogatoire fait audit Thibaut Valeran le
treize dudit mois ;
Le rapport fait le mercredy quinze dudit mois, en
présence dudit Prevot, par Georges Bruquien, Chi-
GERVAIS LIENARD 159
rurgien demeurant audit lieu de Champigny, qui a
pensé et medicamenté ledit Thibaut Valeran ;
Les témoignages , dépositions et déclarations
faites pardevant ledit Prevot, le mercredy vingt
deux may, par les nommez Philippes Albert Gen-
dron, aubergiste dudit lieu, et Grégoire Richard,
garçon charrier ;
La confrontation faite, le lundy trois juin ensui-
vant, dudit Gervais Lienard et desdits Josse Vale-
ran, Thibaut Valeran, Pierre Boisselier et Georges
Bruquien ;
La confrontation faite, le mercredy cinq dudit
moy, dudit Gervais Lienard et des nommez Phi-
lippes Albert Gendron et Grégoire Richard, accu-
sans ledit Lienard d'avoir eu connoissance et habi-
tation charnelle avec une jument ;
La sentence rendue par ledit Prevot le samedy
vingt deux du mois de juin ;
L'appel interjette par ledit Gervais Lienard de
laditte sentence, le vingt deux dudit mois de
juin;
L'interrogatoire fait le lundy premier jour du pré-
sent mois de juillet audit Lienard par le Conseiller
commissaire rapporteur ;
Les aveus et confessions faites par ledit accusé à
la question à luy donnée le samedy vingt du présent
mois, et généralement toutes les pièces dudit pro-
cès ; ouy et entendu le procureur gênerai en ses
conclusions, et tout considéré :
l60 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette
au nom dudit Gervais Lienard de la sentence ren-
due contre luy par le Prevot de Champigny;
ordonne que laditte sentence dont est appel sera
exécutée selon sa forme et teneur; déclare ledit
Gervais Lienard bien et duement atteint et con-
vaincu d'avoir commis acte de sodomie et copula-
tion contre nature en la personne de Thibaut Vale-
ran, et aussy d'avoir habité charnellement plusieurs
et souventes fois avec une jument blanche men-
tionnée audit procès; pour réparation desquels
crimes et cas et violences énormes, laditte Cour
ordonne que ledit Gervais Lienard sera pendu et
étranglé à une potence qui sera pour cet effet dres-
sée dans la grande place dudit Champigny; quoy
fait, son corps, ainsy que celuy de la jument avec
laquelle il a perpétré et commis ledit délit, préala-
blement étranglée, jettes au feu qui sera allumé au
pied de laditte potence, et leurs cendres ensuite
jettées et semées au vent ; Déclare en outre tous et
un chacun les biens dudit Gervais Lienard acquis
et confisqués au profit de qui il appartiendra, sur
lesquels néanmoins sera prise et prélevée la somme
de dix livres d'amende envers le Roy, cello de
trente cinq livres pour les frais, loyaux coûts, et
salaires de Georges Bouquien, et celle de douze
cent livres adjugée par le présent arrest audit Thi-
baut Valeran par forme et manière de dommages et
interests, laquelle somme de douze cent livres sera
GERVAIS LIENARD l6l
remise entre les mains de Josse Valeran, père dudit
Thibaut Valeran, pour en disposer au profit dudit
mineur. Fait à Paris en Parlement, cejourd'huy
vingtième juillet. Tan de grâce mil six cent douze.
PROCES CRIMINEL
DE JACQUES PERRICHON
ACCUSÉ DE PLUSIEURS VIOLS ET d'aVOIR HABITÉ
CHARNELLEMENT AVEC UNE TRUYE
29 juillet 1613.
L'an mil six cent treize, le premier jour du mois
de juillet, en présence de nous, Barnabe Jérôme
d'Apremont, Ecuyer, Sieur de Belleperche, Licencié
Es Loix, Senechal de Montoiron, fut amené un qui-
dam vêtu de toille grise, conduit par Toussaint
Picot, dit Martel, Exempt et Chef de Brigade de la
Maréchaussée, assisté et accompagné de Thierry
Soudoyer, Jean-Thomas dit Bras-de-Fer, Etienne
Bodin dit Brindavoine, et d'André Jumeau des
Ormeaux, cavaliers de laditte Brigade, lesquels,
après avoir fait serment de dire et déclarer pure et
entière vérité, ont certifié que cejourdhuy, sur les
six heures du matin, en passant par cedit bourg de
Montoiron, ils avoient entendu la voix d'une
femme qui crioit au meurtre, on me viole, et
qu'étant entrez dans la maison où ils avoient
entendu ce bruit, ils auroient trouvé ledit quidam
qu'ils amenoient prisonnier en copulation charnelle
JACQUES PERRICHON 163
avec une femme âgée d'environ cinquante à
soixante ans, laditte femme se débattant fort entre
ses bras, surquoy euxdits témoins auroient retiré
laditte femme et amené ledit quidam pardevant
nous, lequel quidam nous, senechal susdit, aurions
interrogé en la manière et forme qui s'ensuit :
Interrogé quel etoit son nom, a repondu être
appelle Jacques Perrichon.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu être âgé de
quarante quatre ans.
Interrogé quelle étoit sa profession et vacation,
a repondu qu'il etoit tisseran.
Interrogé de quel lieu il etoit, a repondu qu'il
etoit né à Saint Flour, et etably depuis près de seize
ans au présent lieu de Montoiran.
Interrogé s'il connoissoit la femme avec laquelle
il a été surpris en copulation charnelle, a repondu
qu'ouy, et que laditte femme etoit servante du
nommé André Le Laboureur, fermier de la ferme
de Capenzac, laquelle femme etoit venue plusieurs
fois chercher chez luy de la toille, qu'il l'avoit plu-
sieurs fois cajollée, et qu'enfin cejourd'huy, comme
elle luy avoit paru faire peu de résistance, il avoit
voulu profiter de cette occasion, mais que laditte
femme s'etoit mise à crier lorsqu'il n'etoit plus
tems ;
Apres lequel interrogatoire nous avons renvoyé
ledit Jacques Perrichon prisonnier es prisons de ce
bourg.
l64 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Cejourd'huy samedy, deuxième jour de juillet,
est comparue pardevant nous la nommée Gene-
viève Beauclairat, servante d'André Le Laboureur,
laquelle nous auroit demandé raison de la violence
commise envers elle le jour d'hier par le nommé
Jacques Perrichon, lequel, non content de luy avoir
dit les sottises les plus grossières, seroit enfin ledit
jour venu à un tel excès qu'il l'auroit saisie, jettée
par terre et connu charnellement, quelque chose
qu'elle ait pu faire, ne sachant encore si ledit Per-
richon en seroit demeuré là, sans la brigade de
Maréchaussée qui est survenue à ses cris et a pris
ledit Perrichon.
Interrogée laditte Beauclairat quel âge elle avoit,
a repondu qu'elle avoit soixante et deux ans
accomplis le vingt cinquième jour de May dernier^
Laquelle Geneviève Beauclairat, après avoir
requis dépens, dommages et interests contre ledit
Jacques Perrichon, se seroit retirée.
Cejourd'huy lundy, quatrième jour de juillet, sont
comparus pardevant nous Jeanne Grandpié, veuve
d'Augustin Poirée, en son vivant berger chevrier;
Marie Jeanne Poirée, sa fille et dudit Augustin
JACQUES PERRICHON 165
Poirée, laquelle nous auroit déclaré que le vingt
quatrième jour de juin dernier, le nommé Jacques
Perrichon auroit amené laditte Jeanne Marie Poi-
rée, âgée de sept ans et demy, dans sa maison, et
là, l'auroit violée en telle sorte que laditte Poirée
ne pouvoit marcher, laditte Jeanne Granpié, sa
mère, ayant été obligée delà porter; parquoy reque-
roit laditte Granpié que laditte Marie Jeanne
Poirée, sa fille, fut soignée, pensée et medicamen-
tée aux dépens dudit Jacques Perrichon, et qu'il fut
condamné à tous les dépens, dommages et interests,
tant pour la maladie de laditte Poirée que pour le
scandale et deshonneur à elle faite; surquoy nous,
senechal susdit, aurions promis à laditte Granpié
d'envoyer un chirurgien visiter saditte fille, et de
luy faire droit sur le surplus de ses demandes;
après quoy lesdittes complaignantes se sont reti-
rées.
Cejourd'huy jeudy, septième jour de juillet, je
soussigné, Chirurgien de cette Bourgade de Mon-
toiron, aurois par ordre et exprès commandement
de Monsieur le Seneschal, visité la nommée Jeanne
Poirée, laquelle Marie Jeanne Poirée nous aurions
trouvée violée et blessée dangereusement par la
violence qu'elle dit avoir été commise en son
endroit par Jacques Perrichon, et en outre, après
l66 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
avoir appliqué le premier appareil, ay trouvé que
laditte Marie Jeanne Poirée etoit attaquée et
atteinte de maladie vénérienne et grosse vérole ; en
foy de quoy ay signé le présent rapport, fait les jour
et an que dessus. Ainsy signé : Tompelier Corbin,
Chirurgien de Montoiron.
Cejourd'huy samedy neuvième jour de juillet est
comparu Jeanne Grandpié, veuve d'Augustin Poi-
rée, disant que par le procès verbal et rapport fait
par le nommé Tompelier Corbin, qui a visité Marie
Jeanne Poirée, sa fille, il appert et est certifié que
laditte Marie Jeanne Poirée est atteinte et attaquée
de la grosse vérole et mal de Naples, laquelle elle
a gagné par la violence et force qui luy a été faite
par le nommé Jacques Perrichon ; parquoy requere,
outre les dommages et intérêts, que laditte Marie
Jeanne Poirée soit guérie et soignée aux dépens
dudit accusé.
Le lundy onzième jour de juillet, neuf heures du
matin, sont comparus pardevant nous les nommez
Thomas Girard, gagnedeniers, et Claude Porcher,
vigneron, lesquels, après avoir fait le serment
accoutumé de dire pure et entière vérité, ont de-
JACQUES PERRICHON 167
claré qu'ils sçavoient, et même que le nommé Jac-
ques Perrichon leur avoit confessé qu'étant sujet au
plaisir des sens et à la passion des femmes, et ne
voulant point se marier, il avoit achetté une belle
truye, laquelle il connoissoit charnellement, et que
de peur que cela ne fut découvert, il l'avoit fait
avorter une fois, et que l'autre fois n'ayant pu pro-
curer cet avortement, il avoit jette dans un puits le
fruit de laditte truye.
Cejourd'huy mardy, douzième jour de juillet, fut
amené devant nous Jacques Perrichon, auquel a été
fait lecture tant du procès verbal fait le vendredy
premier de ce mois que de ceux faits les samedy
deuxième, lundy quatrième, jeudy septième, samedy
neufieme et lundy onzième du même mois ; lequel
Jacques Perrichon s'etant mis à pleurer nous auroit
requis pardon et confessé les susdits crimes, avouant
qu'il avoit une passion extraordinaire qui lui faisoit
appetter et désirer toutes les femmes ; que cette
passion l'avoit obligé à violer laditte Marie Jeanne
Poirée, quoiqu'elle n'eut que sept ans, et laditte
Geneviève Beauclairat, qui en a plus de soixante ;
mais encore plusieurs autres ; que la veille de Noël
précédente, vingt quatrième, jour de décembre mil
six cent douze, ayant trouvé la nommée Françoise
Dufresne, servante d'Aubert Le Mire, hôtelier, dor-
l68 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
mante sur le pas de la porte de sa chambre dont
elle n'avoit apparament pas la clef, laditte Du-
fresne se trouvant prise de vin, il l'avoit connue
charnellement sans qu'elle s'en soit apperçu; que
depuis ce tems laditte servante avoit été chassée
de sa maison par ledit Aubert Le Mire, ce qui luy
ayant donné la hardiesse de parler librement à
laditte fille, il luy avoit proposé de coucher avec
elle et de la prendre chez luy, luy avouant que
c'etoit luy qui avoit fait l'enfant dont elle etoit
grosse, ce qui avoit causé tant de honte à laditte
Françoise Dufresne qu'elle auroit quitté Montoiron
sans vouloir y reparoître; que, de plus, luy, Jac-
ques Perrichon, auroit le vingt deux février der-
nier, jour du jeudy gras, trouvé entre cinq et six
heures du soir la fille du nommé Antoine Beauma-
noir, laquelle il auroit emmenée chez luy et l'auroit
violée, quoique ladite fille ne fut âgée que de six
ans, pas entièrement accomplis, ce qui avoit causé
un tel effroy à laditte fille qu'étant reconduite chez
elle elle etoit tombée malade et etoit morte au bout
de cinq jours; qu'indépendament de ces crimes,
luy, susdit Perrichon, avoit achetté une grande
truye, laquelle il connoissoit charnellement et très
souvent, que laditte truye avoit été pleine deux fois
de son fait, que la première fois il l'avoit fait avor-
ter, mais que n'ayant pu l'exécuter la seconde fois,
laditte truye avoit mis bas deux enfans monstrueux,
ayant la tête et les pieds de cochon, lesquels mons-
JACQUES PERRICHON 169
très il avoit jette dans le puits de son jardin; après
lesquelles confessions et aveus, ledit Perrichon a
requis pardon, et a confessé être digne de la mort,
après quoy a été reconduit en prison.
Nous, Barnabe Jérôme d'Apremont, ecuyer, sieur
de Belleperche, licencié es lois, juge senechal de la
Ville et sénéchaussée de Montoiron, avons déclaré
et déclarons ledit Perrichon duement atteint et
convaincu d'avoir violé les nommées Françoise
Dufresne, Jeanneton Beaumanoir, âgée de près de
six ans, Geneviève Beauclairat, âgée de soixante-
deux ans, et Marie Jeanne Poirée, âgée de sept ans
et demy, et encore d'avoir abusé charnellement
et detestablement et ordinairement d'une truye
mentionnée au procès; pour réparation desquels
cas et crimes énormes, ordonnons que ledit Jacques
Perrichon sera pendu et étranglé à une potence qui
sera pour cet effet dressée dans la place et marché
de Montoiron, et laditte truye aussi pendue et
étranglée à la même potence ; quoy fait, leurs corps
jettez au feu qui sera allumé au pied de laditte
potence; quoy fait, leurs cendres jettées au vent;
déclarons en outre tous et chacun les biens dudit
Jacques Perrichon acquis et confisqués au profit de
Sa Majesté, sur lesquels sera néanmoins prise la
somme de douze livres d'amende envers le Roy ;
170 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
celle de cinquante livres, laquelle sera délivrée au
nommé Tompelier Corbin, chirurgien, pour ses
peines, loyaux coûts et salaires employez pour la
guerison qu'il a entrepris de laditte Marie Jeanne
Poirée ; celle de mille livres, laquelle sera délivrée
à Jeanne Grandpié, mère de laditte Poirée, par
forme de dommages et interests ; celle de cent cin-
quante livres, laquelle sera délivrée à la nommée
Geneviève Beauclairat, par forme de dommages et
interests, et le surplus audit seigneur Roy. Donné
par nous, susdit Senechal, le lundy dix huitième
jour de juillet mil six cent treize.
En confirmant, le 29 juillet 16 13, l'arrêt ci-dessus,
le Parlement de Paris le modifie cependant ainsi :
« Emandant laditte sentence, ordonne que la truye
mentionnée au procès sera assommée au pied de la
potence, et ensuite son corps brûlé avec celuy dudit
Perrichon. »
PROCES CRIMINEL DE CLAUDE PARISOT
ACCUSÉ DE VIOLS
ET d'avoir habité CHARNELLEMENT AVEC UNE ANESSE
4° juin 1614.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le Prévost du Mans, à rencontre de
Claude Parisot, marchand épicier de laditte ville,
accusé d'avoir commis plusieurs viols, sodomies,
et en outre d'avoir connu charnellement et detesta-
blement une asnesse mentionnée au présent procès ;
Le procès verbal fait pardevant ledit Prévost le
mardy vingt huitième jour d'avril mil six cent qua-
torze, contenant les dépositions, témoignages et
déclarations des nommez Pierre Robinot, exempt
du guet de laditte ville, assisté et accompagné de
Jacques Toussard le jeune, Mathieu Crochefer dit
le boiteux, Paul de la Pomardiere et Julien Etienne
Tambureau, archers dudit guet ;
L'interrogatoire fait par ledit Prevot audit Claude
Parisot le mercredy vingt neuvième dudit mois, les
dénégations et deffenses alléguées par ledit accusé;
Les dépositions, témoignages, charges et déclara-
tions faites en présence dudit Prevot, le samedy
172 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
deuxième jour du mois de mai dernier, par les
nommez Charles Criquetot, maître serrurier ;
Abraham Toulaville, chirurgien ; Philippe Bernard
du pont sainte Catherine, tailleur d'habits ; David
Le Creux, maitre et marchand orfèvre, tous habi-
tans de laditte ville, lesquels, après le serment
accoutumé de dire pure et entière vérité, ont cer-
tifié leurs déclarations sincères et véritables ;
Les dépositions, témoignages et déclarations
faites pardevant ledit Prevot, le lundy quatrième
jour du mois de may, par la nommée Marie Thérèse
Angélique Du Chapnoir, femme dudit Claude Pari-
sot ;
La requête présentée dudit Prevot, le jeudy sep-
tième jour dudit mois, par le nommé Ambroise
Parisot, frère dudit Claude Parisot, marchand char-
cuitier de laditte ville du Mans, tendante à ce que,
sans avoir égard à la demande formée par laditte
Marie Thérèse Angélique Du Chapnoir, par sa
requête verbale, elle en soit déboutée, et condamnée
aux dépens, dommages et interests ;
La requête présentée audit Prevot le samedy
neuvième dudit mois par laditte Marie Thérèse
Angélique Du Chapnoir, tendante à ce que, sans
avoir égard à celle présentée par Ambroise Parisot,
il en soit deboutté, et en conséquence qu'en lui
adjugeant les conclusions de sa requête verbale du
quatrième dudit mois, elle soit séparée de corps et
de biens dudit Claude Parisot, son mary, et son
CLAUDE PARISOT
173
bien rendu, avec ses reprises et conventions matri-
moniales ;
L'interrogatoire fait par ledit Prevot, le mardy
douzième dudit mois, auxdits Ambroise Parisot
et Marie Thérèse Angélique Du Chapnoir ;
La confrontation faite, le vendredy quinzième
dudit mois, desdits Claude Parisot et desdits
Ambroise Parisot, Marie Thérèse Angélique Du
Chapnoir, Pierre Robinot, Jacques Toussard le
jeune, Mathieu Crochefer, Paul de La Pomadiere
et Julien Etienne Tambureau, et encore des nom-
mez Charles Criquetot, Abraham Toulaville, Phi-
lippe Bernard du pont sainte Catherine, et Melchior
David Le Creux, tous manans et habitans de laditte
ville du Mans ;
La sentence rendue le samedy seizième dudit
mois, par ledit Prevot, par laquelle ledit Claude
Parisot est déclaré duement atteint et convaincu
d'avoir commis violences et brutalitez envers les
nommées Jeanne Pratellaville, fille de Jean de Pra-
tella ville, maître fruitier oranger de la ville du
Mans, et de Bénédictine Ambroisette Le Merle, sa
femme ; et Elisabeth Vauvillain, fille de Joseph
Henry Vauvillain, valet de chambre de Monsei-
gneur l'Eveque du Mans, et de Geneviève Ray-
monde, sa femme; et encore d'avoir abusé et eu
copulation charnelle avec une asnesse : pour répa-
ration desquels crimes et cas énormes, ledit Claude
Parisot est condamné à être brûlé vif et ses cendres
174 LES PROCES DE BESTIALITE
jettées au vent ; déclare ladite sentence tous et un
chacun les biens dudit Parisot acquis et confisqués
au profit du Roy, sur lesquels néanmoins sera prise
la somme de cent livres d'amende envers ledit sei-
gneur Roy, et celle de trois mille livres, laquelle
somme de trois mille livres sera remise et distri-
buée par égale portion, l'une à Jean de Pratteville
et à Bénédictine Ambroisette Le Merle, père et
mère de laditte Jeanne de Pratteville, et l'autre à
la nommée Geneviève Raymonde, veuve de Joseph
Henry Vauvillain, père et mère de laditte Elisabeth
Vauvillain, par forme de dommages et interests ;
L'appel interjette de laditte sentence au nom du-
dit Claude Parisot, ledit appel en datte dudit jour
seizième may ; ou}^ sur ce et vues aussi les conclu-
sions du Procureur gênerai du Roy, et tout consi-
déré :
La Cour a mis et met à néant ledit appel à la sen-
tence du Prevot du Mans ; ordonne qu'elle sera
exécutée selon sa forme et teneur, et néanmoins
emendant laditte sentence, ordonne que l'asnesse
avec laquelle ledit Claude Parisot a commis ledit
crime et délit sera assommée en sa présence, et le
corps d'icelle jette à la voirie ; confirme laditte Cour
le surplus de laditte sentence, pour l'exécution de
laquelle et du présent arrest renvoyé ledit Claude
Parisot prisonnier pardevers le Prévost du Mans.
Fait à Paris en Parlement, cejourd'huy quatrième jour
du mois de juin, l'an de grâce mil six cent quatorze.
CLAUDE PARISOT 175
Et au bas de Tarrest est un retentum portant que
ledit Claude Parisot seroit étranglé au poteau
auquel il seroit attaché, avant de sentir le feu.
PROCÈS CRIMINEL DE ABRAHAM BERTHIN
ACCUSÉ d'inceste
ET d'habitation CHARNELLE AVEC UNE CAVALLE
8^ février 162 1.
Nous, Jérôme Louis Barbantel, ecuyer du sieur
d'Auffeterre, Lieutenant Criminel de la ville et
Sénéchaussée de La Rochelle, vu le procès criminel
faitpardevant nous à l'encontre d'Abraham Berthin,
négociant de cette ditte ville, accusé d'inceste, et
en outre d'avoir habité et connu charnellement une
cavalle mentionnée au procès ;
La requête à nous présentée par Marie Anne Du
Chemin, veuve d'Antoine Du Pilon, négociant à
La Rochelle, tendante à ce qu'il soit par nous informé
de la conduite scandaleuse tenue par le nommé
Abraham Berthin, son beau-frere, laditte Marie
Anne Du Chemin, sœur de deffunte Rose Du Che-
min, en son vivant femme dudit Abraham Berthin ;
laditte requête en datte du vendredy vingt quatre
décembre 1620;
L'interrogatoire par nous fait le jeudy trente
dudit mois, contenant les témoignages, dépositions,
charges et déclarations faites par Nicolas Chevalet,
ABRAHAM BERTHIN 177
ancien officier du régiment de Bretagne ; Gilles de
Haultcœur, commis et intéressé dans les affaires
du Roy; Maurice Hillaire Le Brun, receveur des
gabelles et traites de Sa Majesté au païs d'Aunis et
généralité de La Rochelle; et Eustache de Saint-
Paul, garde magasin des poudres de l'arcenal de
laditte ville de La Rochelle ;
La requête à nous présentée par ledit Abraham
Berthin, tendante à ce qu'il nous plaise interdire
laditte Marie Anne Du Chemin, laditte requête du
quatre janvier 1621 ;
La requête présentée le cinq dudit mois par
Marie Anne Du Chemin tendante à ce qu'il nous
plaise interroger sur faits et articles ledit Berthin,
et la nommée Elisabeth Guillelmine Berthin, veuve
de Jeremie Blondel, et en conséquence ordonner
qu'ils seront constitués prisonniers à la requête de
la suppliante, poursuite et diligence du Procureur
du Roy ;
L'interrogatoire par nous fait le huit dudit mois
auxdits Berthin et Veuve Blondel, sa sœur, ledit
jour huit janvier ;
La requête présentée par laditte veuve Blondel,
le dix dudit mois, tendante à ce que, sans s'arrêter
aux demandes portées par la requête de laditte Du
Chemin, elle soit élargie des prisons, sous une
bonne caution, et présente à cet effet le nommé
Josias Barton, marchand orfèvre, demeurant en cette
ville, lequel s'est offert et s'offre de représenter
<2
178 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
laditte veuve Blondel toutes et quantes fois nous le
requererons, à ses risques, périls, et fortunes ;
La sentence par nous rendue le onze dudit mois,
par laquelle, ayant égard à la requête présentée par
laditte veuve Blondel, nous aurions accepté et receu
ledit Josias Barton pour la caution de laditte veuve
Blondel, à la charge par luy, à ses propres risques,
périls et fortunes, de la représenter toutes les fois et
quantes nous la requererons ; en conséquence, per-
mettons à ladite veuve Blondel de sortir et vuider
les prisons, sous la ditte caution et auxdittes char-
ges et conditions.
Les témoignages, dépositions, charges et décla-
rations faites pardevant nous le douze dudit mois,
par les nommez Augustin Timoye, gagnedeniers ;
Bertrand Bertrangel, hollandois de nation et mate-
lot engagé dans la marine de cette ville ; Salomon
Rocheries, sieur de Plaussay, officier de la marine ;
et Richard Simonet, valet de chambre dudit sieur de
Plaussay ;
La confrontation dudit Abraham Berthin et des
susdits veuve Blondel, Nicolas Chevalet, Gilles de
Hautcœur, Maurice Hilaire Le Brun, Eustache de
saint Paul, Marie Anne Du Chemin, Bertrand Ber-
trangel, Salomon Rocherie sieur de Plassay, Richard
Simonnet, et Augustin Timoye, ledit procès verbal
fait le samedy quinze dudit mois ;
Avons déclaré ledit Abraham Berthin duement
atteint et convaincu d'inceste par lu}^ commis avec
ABRAHAM BERTHIN 179
laditte veuve Blondel, sa sœur, et encore d'avoir eu
copulation charnelle, détestable et contre nature
avec une cavalle; déclarons aussy pareillement
laditte veuve Blondel duement atteinte et convain-
cue de crime d'inceste commis avec ledit Berthin,
son frère ; en conséquence ordonnons que ledit
Abraham Berthin sera conduit dans un tombereau
à une potence qui sera pour cet effet dressée sur le
port de mer de cette ville, laditte veuve Blondel
attachée audit tombereau, ensuite fouettée par l'Exé-
cuteur de la haute justice au pied de laditte potence ;
quoy fait, laditte veuve Blondel présente à l'exé-
cution, sera ledit Abraham Berthin pendu et étranglé
à laditte potence, et ensuite son corps et celuy
de laditte cavalle avec laquelle il a commis ledit
délit, préalablement assommée, jettez dans un feu
qui sera allumé au pied de laditte potence, leurs
cendres jettées dans la mer; et laditte Elisabeth
Guillelmine Berthin, veuve de Jeremie Blondel,
enfermée pour le reste de ses jours dans la maison
de force de cette ville, au pain et à l'eau et à la cor-
rection pendant la première année qu'elle y sera ;
déclarons en outre tous et chacun des biens dudit
Abraham Berthin acquis et confisqués au profit de
qui il appartiendra,, sur lesquels néanmoins sera prise
et prélevée la somme de cinq cent livres d'amende
envers le Roy ; et ceux de laditte Elisabeth Guillel-
mine Berthin, veuve Blondel, acquis et confisqués
au profit des héritiers de laditte Berthin, et de Jere-
l8o LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
mie Blondel, sur lesquels pareillement sera prélevée
par chacun an la somme de quatre cent livres de
pension viagère, et ce pendant la vie de laditte
veuve Blondel, de laquelle pension viagère seront
chargés seulement les héritiers de laditte veuve.
Donné à La Rochelle par nous susdit Lieutenant
criminel le lundy dix-septieme jour de janvier mil
six cent vingt et un.
Cette sentence a été confirmée purement et sim-
plement par le Parlement, le 8 février 1621.
PROCES CRIMINEL D'ANTOINE DE LA RUE
ACCUSÉ DE SODOMIE
ET D'HABITATION CHARNELLE AVEC UNE JUMENT
3° aoust 1622.
L'an mil six cent vingt et deux, le mercredy troi-
sième jour du mois de may, en présence de nous,
Georges Fermelhore, Bailly de Montpensier, fut
amené et conduit par les nommez Jean Barrât Du
Hivoy, exempt et chef de la brigade de la Mare-
chaussée de cette ville, assisté de Thomas Le Huge,
Richard Poirat, Louis Durandet et Alexandre Tor-
laniere, archers et cavaliers de laditte brigade, un
quidam vêtu d'un habit brun, avec des boutons
d'orfevrie et les culottes de panne rouges, lequel
quidam lesdits exempt et archez susnommez au-
roient arrêté suivant notre ordre portant décret de
prise de corps contre ledit quidam, que nous aurions
questionné et interrogé en la manière et forme qui
s'ensuit :
Interrogé quel nom il avoit, a repondu être
nommé et appelle Antoine de La Rue.
l82 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Interrogé quelle etoit sa profession, a repondu
être maitre charron.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu avoir
trente cinq ans accomplis le vingt huitième jour
d'avril dernier.
Interrogé de quel païs il etoit, a repondu être de
saint Lo, diocèse d'Avranches, en Normandie, et
qu'il seroit venu habiter au présent lieu de Mont-
pensier.
Interrogé s'il etoit vray ce dont on l'accusoit,
d'avoir eu copulation charnelle avec une jument, a
repondu que non, et qu'il ne pouvoit se trouver
personne qui put avancer ce fait calomnieux ; après
lesquels interrogatoires avons renvoyé ledit Antoine
de La Rue en prison.
Cejourd'huy vendredy sixième jour du mois de
may, sont comparus pardevant nous les témoins cy
après nommez, lesquels, après avoir fait le serment
accoutumé de ne dire que la pure et 'simple vérité,
ont déclaré ce qui suit :
Pierre Frenoy dit Bellaumere, teinturier de cette
ville, a déclaré que le vingt six février dernier, sur
les huit heures du soir, étant rentré chez ledit
Antoine de La Rue, son compère, il l'avoit apperçu
ANTOINE DE LA RUE 183
dans l'écurie accouplé et en copulation charnelle
avec une jument blanche ; que ne sçachant ce que
cela pouvoit signifier il s'etoit approché et avoit
reconnu la vérité de ce que dessus, et que répri-
mandant fort ledit de La Rue et luy disant qu'ayant
une si jolie femme il avoit encore plus de tort de
s'amuser avec une bete, surquoy ledit de La Rue
luy avoit repondu que ce n'etoit que pour rire, et
qu'il n'y retourneroit plus; mais que malgré cela
il avoit sçu depuis que ledit de La Rue etoit
retombé dans ledit crime.
Raymond Pardiat, apotiquaire de cette ditte ville,
a dit et déclaré que le lundy dix huitième avril dernier
ledit Antoine de La Rue seroit venu chez luy pour
lui demander un onguent pour adoucir une douleur
qu'il se sentoit, et qu'ayant questionné ledit Antoine
de La Rue sur l'endroit du mal et la cause d'iceluy,
quoy que ledit de La Rue ne luy ait rien voulu
avouer il s'etoit bien aisément apperçu que ledit de
La Rue s'etoit ecorché dans quelque copulation
charnelle ; que néanmoins il avoit donné audit de La
Rue l'onguent qu'il souhaitoit.
Thomas Le Fèvre, dit Belle Humeur, garçon cha-
ron au service dudit Antoine de La Rue, a déclaré
qu'il sçavoit que ledit Antoine de La Rue avoit
continuelle habitation charnelle avec la jument
blanche qui etoit dans son écurie, ne l'ayant même
achettée qu'à cette intention.
Surquoy lesdits témoins, ayans de nouveau certi-
184 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
fié leurs présentes déclarations sincères et véritables,
se sont retirez.
Cejourd'huy samedy quatorzième jour de may,
en présence de nous est comparue Angélique Renée
Millot, femme d'Antoine de La Rue, laquelle, après
avoir fait le serment accoutumé de dire pure et
simple vérité, a déclaré que ledit Antoine de La
Rue, son mary, non content de la maltraiter et de
la battre, et outre cela de s'accoupler journellement
avec une cavalle, ce qu'il faut qu'elle complaignante
souffre sans oser se plaindre, ce néanmoins ledit
de La Rue l'auroit sollicitée et vivement pressée,
et même violentée, de se laisser connoître char-
nellement contre nature, et d'une autre manière que
la bien séance conjugale le permet ; ce que n'ayant
jamais voulu souffrir, et même ayant voulu se
séparer et coucher dans une chambre séparée,
néanmoins ledit de La Rue l'auroit surprise une
nuit endormie et auroit exécuté ses détestables
desseins, ce que laditte complaignante n'avoit pu
empêcher malgré ses cris, aucuns de ses voisins
n'ayans garde de soupçonner ce qui en etoit ; pour-
quoy requeroit laditte Angélique Renée Millot,
pour le repos et sûreté de sa conscience, de la
séparer de corps et de biens dudit Antoine de La
Rue, son mary.
ANTOINE DE LA RUE 185
Cejourd'huy vendredy vingtième jour du mois de
may, fut amené pardevant nous Antoine de La Rue,
auquel avons fait faire lecture tant du procès ver-
bal, de l'interrogatoire et réponses faites par luy
accusé, et aussi des témoignages, dépositions et
déclarations faites pardevant nous ; ensuite dequoy
avons demandé audit Antoine de La Rue s'il avoit
et pouvoit fournir des deffenses aux accusations
sus alléguées, lequel nous auroit repondu que quand
auxdits témoignages et déclarations des nommez
Bellaumere, Pardiat et Belle Humeur, qu'ils etoient
entièrement faux et calomnieux, et que pour ce qui
concernoit laditte Angélique Renée Millot qu'elle
a tort de dire qu'il ait jamais voulu en user avec
elle d'une autre façon que les lois du mariage le
peuvent permettre ; qu'il est bien vray que la soup-
çonnant fort d'être amie de Pardiat, son compère,
il luy ayoit deffendu de le voir, ce que ne voulant
point faire, il avoit été obligé de luy donner quel-
quefois des coups de bâtons, mais qu'au reste son
témoignage ne peut luy nuire, attendu qu'elle est
une putain, et que cette affaire est concertée avec
ledit Pardiat, apotiquaire, son amant; après lesquels
confrontations et interrogatoires, ledit Antoine de
La Rue a été reconduit en prison.
l86 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Nous, Georges Fermelhore, licencié es lois, juge
et bailly de Montpensier,... vu... les dépositions,
témoignages et déclarations faites aussy en notre
présence le mercredy premier jour du présent mois
de juin par Martine Geneviève Hilaire, veuve de
Jacques Picart, dit Lolive ;
La confrontation faite le samedy quatrième jour
de juin de laditte Angélique Renée Millot, femme
dudit accusé, et de la susnommée Martine Gene-
viève Hilaire;
Les aveus et confessions dudit Antoine de La
Rue, en datte du lundy six juin ;
Avons déclaré et déclarons ledit Antoine de La
Rue bien et duement atteint et convaincu d'avoir
eu habitation charnelle, journalière et détestable
avec une jument blanche mentionnée au procès, et
en outre d'avoir forcé, violenté et eu connoissance
charnelle, contre nature et les devoirs et bienséance
du mariage, avec la nommée Angélique Renée
Millot, sa femme, pour réparations desquels crimes
et cas énormes et scandaleux avons condamné ledit
de La Rue à être pendu et étranglé à une potence
qui sera pour cet effet dressée dans la place et mar-
ché de Montpensier; quoy fait, son corps et celuy
de laditte jument blanche, préalablement assommée
par l'Exécuteur de la haute justice, jettez, ars et
ANTOINE DE LA RUE 187
brûlez dans un feu allumé pour ce au pied de laditte
potence, et leurs cendres semées au vent; décla-
rons en outre tous et chacun les biens appartenans
audit Antoine de la Rue séquestrez entre les mains
du Roy et justice, pour par nous en être ordonné
ainsi qu'il appartiendra et que de raison, sans pré-
judice néanmoins des droits, actions, reprises et
prétentions de laditte Angélique Renée Millot et
de la demande portée par sa requête; sur lesquels
biens sera prise et prélevée des àpresent la somme
de cent livres d'amende envers le Roy. Donné par
nous, susdit bailly de Montpensier, ce mercredy
vingt deuxième jour de juin mil six cent vingt
deux.
Cette sentence a été confirmée purement et sim-
plement par la Cour, le 3 août 1622.
PROCES CRIMINEL
DE TOUSSAINT BOUDIER
ACCUSÉ DE SODOMfE
ET d'habitation CHARNELLE AVEC UNE ASNESSE.
19'' aoust 1623.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le juge de Béthiay à l'encontre de
Toussaint Boudier, garçon chirurgien, demeurant
audit lieu de Béthiay, accusé d'avoir connu char-
nellement et contre nature plusieurs personnes, et
encore de copulation et habitation détestable avec
une asnesse ;
Le procès verbal fait le mercredy trente unième
jour de may mil six cent vingt trois, pardevant le-
dit juge, par les nommez Jules Bougeran, Suisse de
nation, et Conrard Trettembach, aussi suisse de
nation, soy complaignans à l'encontre dudit Tous-
saint Boudier, ledit Jules Bougeran père de Leopold
Jean Bougeran, violé et connu charnellement par
force et violence par ledit Toussaint Boudier ; et
ledit Trettembach, oncle dudit Léopold Jean Bou-
geran ;
L'ordonnance donnée par ledit juge, portant décret
TOUSSAINT BOUDIER 189
de prise de corps contre ledit Toussaint Boudier, et
l'emprisonnement dudit Toussaint Boudier fait le
jeudy premier jour de juin ;
Les dépositions, témoignages, charges et décla-
rations faites le samedy troisième jour dudit mois,
pardevant ledit juge, par les nommez Jean Guerin,
charpentier; Henry Garraux, dit Sallebrayes, cor-
donnier ; Adrien Aponilh, compagnon masson ; et
Jean Le Fevre de Boughiem, gagnedeniers, conte-
nant les accusations contre ledit Toussaint Boudier
de copulation et habitation charnelle avec une
asnesse ;
La requête présentée par les nommez Julles Bou-
geran et Conrad Trettembach, pour et au nom de
Leopold Jean Bougeran, leur fils et neveu, laditte
requête présentée le vendredy neuvième dudit mois
et tendante à ce qu'en adhérant aux dépositions
desdits Jean Guerin, Henry Garraux de Sallebrayes,
Adrien Aponilh et Jean Le Fevre de Boughiem, qui
prouvent invinciblement les débauches et crimes
horribles dudit Boudier, il soit fait droit sur le tout;
La requête présentée par ledit Toussaint Boudier,
le mardy treizième iour dudit mois, tendante à ce
que, sans avoir égard aux demandes et plaintes des-
dits Bougeran et Trettembach, ledit Leopold Jean
Bougeran soit interrogé, pour connoitre la vérité
du fait ;
La requête présentée, le jeudy quinzième dudit
mois, par lesdits Bougeran et Trettembach, tendante
190 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
à ce que ledit Leopold Jean Bougeran soit examiné
par experts, pour connoitre la violence et force
envers luy commise par ledit accusé ;
L'interrogatoire fait par ledit juge, le samedy dix
neuvième dudit mois, audit Leopold Jean Bou-
geran ;
La sentence rendue par ledit juge, le lundy vingt
et un, par laquelle le nommé Othon Hanelmeheim,
chirurgien juré, est commis et nommé pour visiter
ledit Leopold Jean Bougeran ;
Le procès verbal et rapport fait par ledit Othon
Hanelmeheim, expert nommé d'office, lequel, après
avoir visité et soigneusement examiné ledit Leopold
Jean Bougeran, a déclaré que ledit complaignant
avait été connu par force et violence, et d'une façon
détestable, contre nature ; ledit rapport et procès
verbal en datte dumercredy vingt troisième juin ;
La requête présentée par Isaac Jeremie Blanchard,
chirurgien, le jeudy premier jour de juillet, ten-
dante à ce qu'au cas que le nommé Toussaint Bou-
dier soit atteint et convaincu- des crimes à luy
imputés, et que consequemment il soit brûlé avec
l'asnesse complice dudit délit, il soit pris et prélevé
sur les biens dudit Boudier la somme de trente six
livres, pour le prix et somme à laquelle est montée
l'achat de laditte asnesse appartenant au suppliant ;
Les aveux et confessions faites le samedy dixième
juillet par ledit Boudier;
La sentence rendue par le juge de Bethiay, par
TOUSSAINT BOUDIER 191
laquelle ledit Toussaint Boudier est déclaré due-
ment atteint et convaincu d'avoir commis acte de
sodomie en la personne de Leopold Jean Bouge-
ran, et encore d'avoir eu copulation charnelle et
détestable avec une asnesse ; et en conséquence
condamné à être pendu et étranglé à une potence
plantée au milieu du marché dudit Bethiay,etladitte
asnesse aussy pareillement pendue et étranglée à
laditte potence ; quoy fait, leurs corps jettes au feu
et les cendres semées au vent ; déclare en outre
laditte sentence tous et un chacun les biens dudit
Boudier acquis et confisquez au profit de qui il
appartiendra ; sur lesquels néanmoins pris et pré-
levée la somme de dix livres d'amende envers le
Roy, celle de trois cents livres de dommages et
intérests envers ledit Leopold Jean Bougeran, et
celle de trente six livres pour le prix et somme de
la valeur de laditte asnesse mentionnée audit procès,
laquelle somme de trente six livres sera remise au
nommé Isaac Jeremie Blanchard, chirurgien au ser-
vice duquel etoit ledit Toussaint Boudier, et pro-
priétaire de laditte asnesse. Laditte sentence en datte
du jeudy dix septième juillet;
L'appel interjette par ledit Toussaint Boudier, et
généralement toutes les pièces dudit procès ; ouy
sur ce le Procureur gênerai du Roy en ses conclu-
sions, et tout considéré ;
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette par
ledit Toussaint Boudier à la sentence rendue contre
192 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
luy, laquelle sera exécutée ; amendant laditte sen-
tence, ordonne laditte Cour quel'asnesse mentionnée
au procès sera assommée au pied de la potence. Fait
à Paris en Parlement le dix neuvième jour du mois
d'aoust, Tan de grâce mil six cent vingt trois.
GORILLE
Frémiet (Muséum, Paris)
PROCÈS CRIMINEL DE JEAN PERIER
ACCUSÉ DE SODOMIE
ET DE BESTIALITÉ AVEC UNE MULLE.
4^^ juin 1624.
Veu par la Cour le procès criminel fait à la requête,
poursuite et diligence du substitut du Procureur
gênerai du Roy au siège de Chef-Boutonne, à ren-
contre de Jean Perier, garçon au service d'André
Pradeau, hotellier, ledit Perier accusé de sodomie
et de bestialité avec une mulle et beste asine ;
Le procès verbal fait pardevant le juge de Chef-
Boutonne, le mardy sixième jour de May dernier,
par les nommés Raoul de Beausejour, Exempt et
chef de la Brigade de Poitiers, assisté et accompagné
de Jean Beausire de Mimont, Louis Alexis des Ro-
siers, Gilles Antoine Pironnay, et Mathieu de La
Breaudiere, archers et cavaliers de laditte Bri-
gade '
Les témoignages, charges et dépositions faites
lesdits jour et an,parlesdits de Beausejour, Bausire,
de Mimont, des Rosiers, Pirronay, et de La Breau-
diere, après le serment accoutumé par eux préala-
blement fait de dire pure et entière vérité ;
L'interrogatoire fait ledit jour sixième dudit
u
194 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
mois par le juge audit Jean Perier, contenant les
deffenses et dénégations dudit accusé ;
Les témoignages, charges, dépositions et décla-
rations faites en présence dudit juge le samedy
dixième jour dudit mois de may, par les nommez
Ambroise de La Porte, fermier de la ferme de
Grosnay , appartenante à Monsieur de Tracy-Billaire,
Conseiller, Secrétaire du Roy Maison et Couronne
de France, et de ses finances en la généralité de
Poitiers ; ledit Ambroise de La Porte parrain dudit
Jean Perier, accusé ; Michel Gadasse, serrurier au-
dit Bourg de Chef-Boutonne ; et Geneviève Antoi-
nette Lefort, veuve de Joseph Tyronet, labou-
reur;
La requête présentée pardevant ledit juge, le lundy
douzième jour dudit mois, par ledit Jean Perier,
tendante à ce qu'ayant égard aux dépositions,
témoignages et déclarations faites le samedy précè-
dent par ledit Ambroise de La Porte, ledit suppliant
soit déchargé de toutes accusations ;
La requête présentée le mardy treizième jour
dudit mois, par Aufroy Le Riche, vigneron, et
Jeanne Le Court, sa femme, pour et au nom de
Girard Le Riche, leur fils, tendante à ce que,
attendu que ledit Jean Perier a abusé et séduit ledit
Girard Le Riche, âgé seulement d'onze ans, et
commis avec lui copulation charnelle et sodomie
détestable, ledit accusé soit condamné, outre la
peine corporelle, à payer aux supplians telle
JEAN PERIER 195
somme qu'il plairoit d'ordonner, pour dommages
et interests ;
La confrontation faite en présence dudit juge, de
la personne dudit Jean Perier, accusé, et desdits
Raoul de Beauséjour, Jean Beaussire de Mimont,
Louis Alexis des Rosiers, Gilles Antoine Pirronay,
Mathieu de La Breaudiere, Ambroise de La Porte,
Michel Gadasse, Geneviève Antoinette Le Fort
veuve de Joseph Tyronet, Auffroy Le Riche, Jeanne
Le Court sa femme, et Girard Le Riche leur fils,
témoins et accusateurs ; lesquels témoins ont per-
sisté dans leurs témoignages et dépositions, et ledit
Perier en ses dénégations et deffenses ; laditte con-
frontation faite le mercredy quatrième jour dudit
mois;
La sentence rendue, le samedy dix septième jour
dudit mois, portant condamnation contre ledit Jean
Perier ;
L'acte d'appel interjette au nom dudit Perier, et
généralement toutes les pièces dudit procès ; ouy
sur ce le Procureur gênerai du Roy en ses conclu-
sions, et tout considéré ;
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette au
nom de Jean Perier de la sentence rendue par le
juge de Chef-Boutonne ; ordonne qu'elle sera exé-
cutée selon sa forme et teneur, et en conséquence
déclare ledit Jean Perier duement atteint et con-
vaincu d'avoir commis acte de sodomie avec le
nommé Girard Le Riche, âgé d'onze ans etdemy, et
196 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
aussi d'avoir eu habitation charnelle et détestable
avec une musle et beste asine ; pour réparation des-
quels crimes et cas énormes, ordonne laditte Cour
que ledit Jean Perier sera pendu et étranglé à une
potence qui sera pour cet effet dressée dans la place
et halles de Chef-Boutonne ; quoy fait, son corps et
celuy de la mulle avec laquelle il a commis ledit
crime et délit, préalablement étranglée, jettez dans
un feu qui sera allumé auprès de laditte potence, et
les cendres mêlées ensemble et semées au vent ;
déclare en outre la Cour tous et un chacun des biens
dudit Jean Perier acquis et confisqués au profit de
Sa Majesté, sur lesquels sera néanmoins prise et
prélevée la somme de cent livres d'amende envers
ledit seigneur Roy, et pour le surplus des demandes
portées par la requeste desdits Auffroy Le Riche et
Jeanne Le Court, pour et au nom de Girard Le
Riche, leur fils, et leurs demandes en dommages et
interests, laditte Cour les a deboutté des fins de
laditte requête ; ordonne aux dits Le Riche et sa
femme de veiller mieux sur la conduite dudit
Girard Le Riche, leur fils. Fait à Paris en Parle-
ment, ce quatrième jour du mois de juin, l'an de
grâce mil six cent vingt quatre.
PROCES CRIMINEL DE AMBROISE VERNART
ACCUSÉ DE VIOL AVEC SACRILEGE,
ET DE BESTIALITÉ AVEC UNE CAVALLE
10*^ juin 1624.
L'an mil six cent vingt quatre, le samedy dou-
zième jour du mois d'avril, en présence et pardevant
nous, Bailly de Bonnestable, fut amené et conduit
par Robert Estienne Du Moulin, Exempt et chef de
la brigade de la Maréchaussée de Vendosme,
accompagné de Romain Du Tuplet, Mire Le Bel,
André Riffart, et Ardillon Granger, dit La Fleur,
archers et cavaliers de laditte brigade, un quidam
vêtu de drap rouge, que lesdits Exempt et archers
susnommez auroient certifié et témoigné avoir sur-
pris en copulation charnelle avec une femme dans
l'Eglise du présent lieu de Bonnestable, lequel qui-
dam ils avoient amenez, à la requête de plusieurs
particuliers qui se sont trouvez dans laditte Eglise,
et de la femme avec laquelle il etoit en copulation
charnelle, qui assura et protesta que ledit quidam
l'avoit prise et violée par force; auquel quidam
aurions fait les demandes suivantes :
Interrogé quel nom il avoit, a repondu être
appelle Ambroise Vernart.
198 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Interrogé quel etoit son employ et profession, a
repondu qu'il etoit charpentier.
Interrogé quel âge il avoit, a repondu qu'il avoit
quarante ans.
Interrogé dequel païs il etoit, a repondu qu'il etoit
du Mans.
Interrogé s'il connoissoit la femme avec laquelle
on Tavoit trouvé en copulation charnelle, a repondu
que non et a nié l'avoir connu charnellement, après
lesquels interrogatoires ledit Ambroise Vernart a
été reconduit en prison.
Cejourd'huy lundy quatorzième jour du mois
d'avril est comparu pardevant nous une quidamme
vêtue d'un just rouge et un jupon bleu, laquelle
nous a déclaré être appelée Marie Tranchet, et être
veuve d'Hugues Babu, cordonnier, laquelle com-
plaignante auroit dit que samedy dernier à huit
heures du matin étant à l'Eglise où elle se seroit
endormie, un quidam vêtu de drap rouge et âgé
d'environ quarante à quarante cinq ans, seroit venu
auprès d'elle et se seroit mis en devoir de coucher
avec elle ; que s'etant reveillée elle s'etoit mise à
crier et à représenter audit quidam la sainteté du
lieu où ils etoient, mais que malgré ses remon-
trances et toute la résistance qu'elle avoit pu faire,
ledit quidam avoit accompli sa volonté, tant qu'en-
AMBROISE VERNART I99
fin par ses cris quelques personnes etoient venues
dans laditte Eglise et auroient fait prendre ledit
quidam par la Maréchaussée, surquoy sçachant que
ledit quidam avoit été par nous constitué prison-
nier, elle requeroit de nous justice, avec dépens,
dommages et interests, après quoy laditte Marie
Trancliet s'est retirée.
Cejourd'huy mercrpdy seizième jour du mois
d'avril, sont comparus pardevant nous les témoins
cy après nommez, lesquels, après avoir fait le ser-
ment accoutumé de dire pure et entière vérité, ont
déclaré ce qui suit :
RaynoLOnd de Villefort, maitre apotiquaire dudit
lieu de Bonnestable, a déclaré qu'il sçavoit, et que
ledit Ambroise Vernart avoit achetté une cavalle,
laquelle lui servoit de concubine, et avec qui il
avoit copulation charnelle, journalière et habi-
tuelle.
Mathias Bureau, mercier roulant, demeurant
ordinairement à Bonnestable, a déclaré la même
chose que Raymond de Villefort.
Emery Bondolle, épicier, a déclaré les mêmes
choses que les deux susnommez.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires, les-
dits témoins se sont retirez.
200 LES PROCES DE BESTIALITE
Le samedy douzième jour du mois de may, en
présence de nous fut amené le nommé Ambroise
Vernart, détenu prisonnier, auquel avons fait faire
lecture tant du procès verbal et des dépositions des
nommez Robert Etienne Du Moulin, Romain du
Tuplet, Mire Le Bel, André Riffart et Ardillon
Granger dit Lafleur, que de la plainte formée par
Marie Tranchet et des dépositions de Raymond de
Villefort, Mathias Bureau et Emery De Bondolle,
lesquels témoins, présent ledit Ambroise Vernart,
accusé, ont persisté dans leurs dittes déclarations
et témoignages, comme aussi ledit Vernart en ses
deffenses et dénégations ; surquoy lesdits témoins
retirez, ledit Vernart a été par notre ordre reconduit
en prison.
Nous, André Simon de Magny, Licencié es Lois,
Bailly de cette ville de Bonnestable, vues... les
aveux et confessions faites par ledit Ambroise Ver-
nart, avons déclaré et déclarons ledit Ambroise
Vernart bien et duement atteint et convaincu d'avoir
violé et forcé avec sacrilège et dans l'Eglise la
nommée Marie Tranchet, et encore d'avoir eu
copulation et habitation charnelle avec une cavalle ;
AMBROISE VERNART 201
pour réparation desquels cas et crimes énormes
ordonnons que ledit Ambroise Vernart sera con-
duit nue tête, pieds nus la torche de cire jaune au
poing du poids de deux livres, devant laditte Eglise
et paroisse principale de Bonnestable, et là dira et
déclarera à haute et intelligible voix que mécham-
ment il avoit proféré les blasphèmes et impietez
mentionnez au procès, et commis ledit crime et
sacrilège dont il se repent et demande très humble-
ment pardon à Dieu, au Roy et à la justice ; ensuite
dequoy le poing dudit accusé sera coupé par l'Exé-
cuteur de la haute justice, devant laditte Eglise ;
quoy fait sera ledit Vernart pendu et étranglé à une
potence qui sera pour cet effet dressée dans la place
devant laditte Eglise, et ensuitte son corps jette au
feu avec celuy de la cavalle préalablement assom-
mée par ledit Exécuteur, et leurs cendres jettées au
vent; déclare en outre tous et chacun les biens
dudit Ambroise Vernart acquis et confisqués au
Roy, sur lesquels sera prélevée la somme de cent
livres d'amende envers ledit seigneur Roy, et celle
de cent cinquante livres, laquelle sera délivrée à
laditte Marie Tranchet par forme et manière de
dommages et interests. Donné par nous, Bailly sus-
dit, le vendredy dix-huitieme jour de may.
Cet arrêt a été confirmé purement et simplement
par le Parlement, le lojuin 1624.
PROCES CRIMINEL DE CHARLES BASSE
ACCUSÉ DE COPULATION CHARNELLE
AVEC UNE ASNESSE
29 novembre 1624.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le Bailly de Corbie, à la requête,
diligence et poursuite du substitut du Procureur
gênerai du Roy audit siège, demandeur et accusa-
teur, à rencontre de Charles Basse, marchand bou-
cher, habitant audit lieu de Corbie, deffendeur et
accusé de bestialité et copulation charnelle avec une
asnesse mentionnée audit procès ;
La requête présentée audit bailliage de Corbie par
Adrien Tourmente, garçon boucher, et Michel de
Mallefaix, aussi garçon boucher, tendante à ce qu'il
soit par ledit substitut informé que ledit Charles
Basse avoit achetté depuis la mort de sa femme une
asnesse avec laquelle il habitoit charnellement et
journellement ;
L'interrogatoire fait audit Charles Basse après la
lecture à luy faite de la requête susditte ;
Les dépositions, déclarations et témoignages des-
dits Adrien Tourmente et Michel de Mallefaix ;
Les dépositions, déclarations et témoignages ren-
CHARLES BASSE 203
dus pardevant ledit juge par Jeanne Mondetour,
femme dudit Adrien Tourmente, et Elisabeth
Coyanne, veuve de Claude Bergois, laditte Coyanne
servante dudit Charles Basse ;
La sentence rendue le huitième jour du mois d'oc-
tobre par ledit Bailly de Corbie, portant condam-
nation contre ledit Charles Basse ;
L'appel interjette par ledit Charles Basse et géné-
ralement toutes les pièces dudit procès ; ouy sur ce
le Procureur gênerai du Roy en ses conclusions, et
tout considéré ;
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette
par ledit Charles Basse, en conséquence, déclare
ledit Charles Basse bien et duement convaincu
d'habitation charnelle, détestable et contre nature
avec une asnesse mentionnée audit procès ; pour
raison dequoy et réparation desquels cas et crimes
énormes, ordonne que laditte sentence sera exécutée
selon sa forme et teneur et que ledit Charles Basse
sera pendu et étranglé à une potence qui sera pour
cet effet dressée dans la grande place et halles de
laditte ville de Corbie ; quoy fait, son corps et celuy
de laditte asnesse avec lequel il a commis ledit crime
et délit, préalablement assommée par l'Exécuteur de
la haute justice, jettez dans un feu qui sera allumé
au pied de laditte potence, et leurs cendres mêlées
ensemble, jettées et semées au vent; déclare en
outre tous et un chacun les biens appartenant audit
Charles Basse acquis et confisqués au profit du sei-
204 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
gneur Roy, sur lesquels, en cas que confiscation
n'ait pas lieu, sera néanmoins prise et prélevée la
somme de cinq cent livres d'amende envers ledit
seigneur Roy. Fait à Paris, en Parlement, cejourd'huy
vingt neuvième jour du mois de novembre, l'an de
grâce mil six cent vingt quatre.
PROCES CRIMINEL DE JEAN COCHON
ACCUSÉ DU CRIME DE BESTIALITÉ
iS'^ décembre 1647.
Veu par la Cour le procès criminel fait pardevant
le juge et Bailly de la Rocheguyon à rencontre de
Jean Cochon, garçon jardinier audit lieu, accusé
d'avoir eu habitation et copulation charnelle avec
une jument ;
Le procès verbal fait pardevant ledit juge par Mi-
chel André Baron, Exempt et chef de la Brigade
et Maréchaussée de Mante, RanelFluchetête,Minos
Hamonnet, Barthélémy Vernon, et Jean Joseph de
Corbie, archers et cavaliers de laditte maréchaussée,
en datte du lundy quinzième jour du mois d'octobre,
mil six cent quarante sept ;
L'interrogatoire fait par ledit juge, le mardy sei-
zième duditmois d'octobre, audit Jean Cochon; ledit
interrogatoire contenant les deffenses et dénégations
dudit Jean Cochon;
Les dépositions, témoignages et informations
faites le samedy vingtième jour dudit mois, en pré-
sence dudit Bailly, par Toussaint Perrinelle, hôte-
lier dudit lieu, Marc Antoine Durand, tonnellier, et
Denis Alexandre Quette, garçon tonnellier ;
206 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
La sentence dudit juge portant qu'il sera plus
amplement informé touchant le crime dudit Cochon,
et cependant sera elargy, laditte sentence en datte
du vingt cinquième jour dudit mois ;
Autre sentance dudit juge, en datte du troisième
novembre, portant que la cavalle mentionnée au
procès seroit amenée et représentée devant lesdits
Toussaint Perrinelle, Marc Antoine Durand et Denis
Alexandre Quette, pour par eux être reconnu si
c'était celle que ledit Jean Cochon conduisoit et
avec laquelle ils témoignent l'avoir trouvé en copu-
lation charnelle et détestable dans le bois de Ruare ;
La confrontation faite le quinzième jour du mois
de décembre desdits Jean Cochon, et des susnommez
Michel André Baron, Fluchette, Ilamonnet, Vernon,
de Corbie, Perrinelle, Durand et Quette ;
L'appel a minima interjette par le procureur fiscal
audit lieu des sentences du Bailly en datte des vingt
cinquième octobre et troisième novembre au nom
dudit Jean Cochon, et généralement toutes les piè-
ces, circonstances et dépendances dudit procès; ouy
sur ce le Procureur gênerai du Roy en ses conclu-
sions, et tout considéré ;
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette au
nom dudit Jean Cochon des sentences rendues par
ledit Bailly de la Rocheguyon les vingt cinquième
octobre et troisième novembre ; déclare ledit Jean
Cochon duement atteint et convaincu d'avoir habité
charnellement et detestablement avec la cavalle
JEAN COCHON 207
mentionnée audit procès ; pour raison dequoy et
réparation desquels cas et crimes contre nature,
ordonne que ledit Jean Cochon sera pendu et
étranglé à une potence qui sera pour cet effet plantée
dans la halle et marché dudit Bourg de la Roche-
guyon ; quoy fait, son corps et celay de laditte
Cavalle, préalablement assommée par l'Exécuteur
de la haute justice, jettes dans un feu qui sera allumé
au pied de laditte potence, et leurs cendres jettées
et semées au vent ; déclare en outre tous et chacun
des biens appartenant audit Jean Cochon acquis et
confisqués au profit de qui il appartiendra, sur les-
quels néanmoins sera prise et prélevée la somme de
trois livres d'amende envers le Roy, et celle de
soixante et seize livres pour le prix et valeur de
laditte cavalle, laquelle somme de soixante et seize
livres sera délivrée et remise à R G pro-
priétaire de laditte Cavalle ; pour l'exécution des-
quelles sentences la Cour renvoyé ledit Jean Cochon
prisonnier pardevers ledit Bailly. Fait à Paris en
Parlement, cejourd'huy dix huitième jour du mois
de décembre, l'an de grâce mil six cent quarente
sept.
PROCES CRIMINEL DE PIERRE FONTAINE
ACCUSÉ DE SACRILÈGE ET DE BESTIALITÉ
30 janvier 1652.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait et intenté pardevant le juge de La Rocheguyon
à rencontre de Pierre Fontaine, vigneron audit lieu,
accusé de sacrilège commis et de bestialité et copu-
lation charnelle avec une mulle et beste asine;
Le procès verbal fait pardevant ledit Juge le jeudy
premier jour de décembre mil six cent cinquante un
par Maurice Albert Trottemenu, laboureur, et
Alexandre Trabonnay, gagne deniers, soy complai-
gnans dudit Pierre Fontaine, lequel ils accusent
d'avoir ensorcelé une vache appartenante audit
Trottemenu, de laquelle ils requerent visite et infor-
mation ;
L'ordonnance donnée par ledit juge, enjoignant k
Pierre Huillier et Thomas Poncire d'examiner et
informer du mal inconnu survenu depuis quelques
jours à laditte vache ;
Le rapport, examen et information faites par les-
dits Huillier et Poncire, le lundy cinquième jour
dudit mois, par laquelle ils déclarent que laditte
vache étant enflée extraordinairement, et rendant
PIERRE FONTAINE 209
des vers au lieu de lait, ne peut être atteinte d'une
maladie ordinaire, mais au contraire a été mechament
et malicieusement ensorcelée ;
Les dépositions, témoignages et déclarations fai-
tes le mercredi septième jour de décembre par
Thierr}^ Dubois, cardeur de laine, Georges Lazauret,
valet chartier d'Antoine Trobelle, fermier de Mon-
seigneur le Prince de La Rocheguyon, lesquels
témoins accusent Pierre Fontaine d'avoir, la nuit du
trentième novembre dernier, entré dans Tecurie du-
dit Maurice Albert Trottemenu, et s'etant approché
de la vache dudit Trottemenu, il luy avoit donné
un coup de poing sur le front, et qu'aussitôt laditte
vache avoit mugi effroyablement et s'etoit débattue
toute la nuit, et que le lendemain premier décembre
laditte vache avoit parue extraordinairement enflée,
et qu'au lieu de lait elle rendoit des vers lors qu'on
la trayoit;
L'interrogatoire fait le vendredy neuvième jour
dudit mois de décembre audit Pierre Fontaine,
accusé ;
Les dépositions de Marie Granville, veuve de
Robert Pillot, marchand mercier roullant, premier
témoin, laquelle a déclaré que ledit Pierre Fontaine
avoit avoué et confessé que le diable luy avoit
donné le pouvoir de faire ce qu'il voudroit, à con-
dition que tous les lundis il iroit dans l'Eglise de
La Rocheguyon, et là il renieroit et blasphemeroit
le saint nom de Dieu et la très sainte vierge Marie,
2IO LES PROCES DE BESTIALITE
et encore qu'il feroit vœu de ne se jamais marier,
ni connoitre aucune femme, mais seulement une
mule et bête asine, que ledit esprit malin luy avoit
donné {sic) ; comme aussi ledit Pierre Fontaine
avoit promis de ne point jamais prendre d'eau
bénite, ni faire le signe de la croix qu'à l'envers et
en dérision ; Lucrèce Millepoix, fille majeure,
second témoin, a déclaré que ledit Pierre Fontaine
luy avoit avoué la plus grande partie de tout ce que
laditte Marie Granville venoit de déclarer, et encore
qu'il s'etoit préparé et avoit promis et juré au
diable de luy faire offrir un sacrifice dans laditte
Eglise, en haine et detestation de notre Sauveur;
Germain Nourissot, jardinier, troisième témoin, a
déclaré que ledit Pierre Fontaine avoit chez luy une
mule,, laquelle il connoissoit charnellement, et avec
laquelle il habitoit comme avec une femme.
La confrontation faite par ledit juge dudit Pierre
Fontaine et desdits témoins et accusateurs, le jeudy
douzième jour dudit mois ;
La sentence rendue par le Bailly le jeudy vingt
deuxième jour de décembre, par laquelle ledit
Pierre Fontaine est déclaré atteint et convaincu
d'avoir usé de sortilèges, blasphèmes et autres
crimes horribles ; et en outre d'avoir eu copulation
et habitation charnelle avec une mule et beste
asine ; en conséquence ordonne laditte sentence, et
pour réparation desdits crimes et cas étranges, que
ledit Pierre Fontaine seroit conduit et mené devant
PIERRE FONTAINE 211
la grande Eglise de La Rocheguyon, et là la torche
au poing du poids de deux livres, il diroit et decla-
reroit à haute et intelligible voix que mechament,
malicieusement et malheureusement, il a commis
et perpétré les faits mentionnez au présent procès ;
quoy fait ledit Pierre Fontaine seroit pendu et
étranglé à une potence, son corps et celuy de la
mule avec laquelle il a commis ledit délit, préala-
blement assommée, brûlés à un feu allumé auprès
de laditte potence, et leurs cendres jettées au vent ;
déclare laditte sentence tous et chacun des biens
appartenans audit Pierre Fontaine acquis et confis-
qués au profit de qui il appartiendroit, sur lesquels
néanmoins seroit prise et prélevée la somme de
soixante livres pour le prix et valeur de la vache
maleficiée par ledit Pierre Fontaine, laquelle somme
de soixante livres seroit remise au nommé Maurice
Albert Trottemenu ;
L'appel interjette à laditte sentence au nom dudit
Pierre Fontaine, et généralement toutes les pièces,
circonstances et dépendances dudit procès ;
Vu aussi l'interrogatoire fait par maitre René Le
Boult, conseiller en cette Cour, commissaire rap-
porteur dudit procès ;
La Cour a mis et met à néant l'appel interjette au
nom de Pierre Fontaine de la sentence rendue par
le juge de La Rocheguyon; ordonne que laditte
sentence sera exécutée selon sa forme et sa teneur,
pour laquelle exécution et du présent arrest, ren-
212 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
voye laditte Cour ledit Pierre Fontaine, prisonnier
es prisons de la Conciergerie, pardevers ledit
bailly de La Rocheguyon. Fait à Paris en Parlement
cejourd'huy trentième jour du mois de janvier,
l'an de grâce mil six cent cinquante deux.
PROCES CRIMINEL
DE CHARLES CHAMBERY
ACCUSÉ DE SODOMIE ET DE BESTIALITÉ
27 juillet 1666.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le juge et Bailly de Montgacon à
rencontre de Charles Chambery, savoyard de
nation, accusé de sodomie et de bestialité avec une
asnesse, et encore de crime contre nature avec une
fille de neuf ans ;
Le procès verbal fait pardevant ledit juge le lundy
douzième jour de juin mil six cent soixante et six,
par Jeremie Bourot, premier témoin ; Mathieu de
Pierre Latte, gagne deniers, second témoin; Jean
Baptiste Ozouard, dit La Grande Fleur, soldat inva-
lide, troisième témoin ; Elisabeth Martine Du Plan-
tet, veuve de Maurice Edmond Baron, charpentier,
quatrième témoin ; Raymond de Beaujoyeux, dit
Lorange, gagne deniers, cinquième témoin ; Balta-
zard Tempette, vigneron, sixième témoin ; accusans
et chargeans ledit Charles Chambery, dit Le Grand
Savoyard, d'avoir violé et connu charnellement et
contre l'ordre de nature la nommée Esther Bourot,
fille âgée de neuf ans et demie du susnommé
214 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Jeremie Bourot et de deffunte Claudine Duplessis,
sa femme ; lesquels témoins ont attestés et certifiés
avoir, ledit jour lundy douzième jour du mois de
juin, pris ledit Charles Chambery commettant ledit
crime et délit ;
Le décret ordonné par ledit juge contre ledit
Charles Chambery, accusé, ledit jour douzième
juin;
L'interrogatoire fait audit Charles Chambery,
accusé, le mercredy quatorzième dudit mois, con-
tenant les dénégations et les deffenses dudit
accusé ;
Les dépositions, témoignages et déclarations
faites pardevant ledit juge, le lundy vingt sixième
jour de juin, par les nommez Etienne La Rivière et
Gillette Trouvillain, accusans ledit Charles Cham-
bery d'avoir eu copulation et habitation charnelle
avec une asnesse ;
La confrontation dudit Charles Chambery, accusé,
et desdits Jeremie Bourot, Mathieu de Pierre Latte,
Jean Baptiste Ozouard, Elisabeth Martine Plantel,
veuve Baron, Raymond de Beaujoyeux, Balthazard
Tempette, Esther Bourrot, Etienne de La Rivière et
Gillette de Trouvillain, témoins et accusateurs ;
laditte confrontation faite le mercredy vingt hui-
tième jour dudit mois ;
La sentence rendue par ledit juge de Montgacon,
le vendredy trentième jour dudit mois, par laquelle
ledit Charles Chambery est déclaré atteint et con-
CHARLES CHAMBERY 215
vaincu des crimes susdits, et en conséquence est
condamné d'être pendu et étranglé à une potence,
son corps jette ensuite au feu, avec celuy de l'as-
nesse préalablement étranglée, et leurs cendres
semées au vent ;
Vu aussi le réquisitoire du Procureur gênerai du
Roy, qui ayant pris connoissance dudit procès cri-
minel et l'ayant vu de nouveau, se seroit porté
appellant a minima de la susditte sentence ;
Vues aussi les nouvelles procédures faites par
ledit Procureur gênerai du Roy, les interrogatoires
faits en la Cour auxdits Charles Chambery, accusé,
et tesmoins susnommés; ouy sur ce le Procureur
gênerai du Roy en ses conclusions, et tout consi-
déré :
La Cour a mis et met ledit appel et laditte sen-
tence à néant ; déclare ledit Charles Chambery bien
et duement atteint et convaincu de sodomie et
crime contre nature par luy commis envers Esther
Bourrot ; et encore d'avoir eu habitation et copula-
tion charnelle avec une asnesse mentionnée audit
procès; pour réparation desquels cas et crimes
énormes, ordonne laditte Cour que ledit Charles
Chambery sera conduit la torche au poing du poids
de deux livres devant la grande Eglise de Montga-
con, et là dira et déclarera à haute et intelligible
voix que mechament, malicieusement et malheu-
reusement il a commis lesdits crimes et délits ;
quoy fait, ledit Charles Chambery sera attaché à un
2l6 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
poteau planté pour cet effet dans laditte place, et là
brûlé et consommé dans le feu qui y sera allumé,
et ses cendres jettées au vent ; ordonne en outre que
Tasnesse avec laquelle ledit Charles Chambery a
eu habitation charnelle sera assommée par l'Exécu-
teur de la haute justice et son corps jette à la
voirie ; déclare en outre tous et chacun des biens
appartenant audit Charles Chambery acquis et con-
fisqués au profit de Sa Majesté, sur lesquels néan-
moins sera prise et prélevée la somme de trois
livres d'amende envers ledit seigneur Roy, et celle
de mille livres, par forme de dommages et interests
envers la susditte Esther Bourrot, laquelle somme
de mille livres sera remise entre les mains de
Jeremie Bourrot, pour en disposer au profit et
avantage de laditte Esther Bourrot, sa fille ; et pour
l'exécution du présent arrest, la Cour renvoyé ledit
Charles Chambery prisonnier pardevers ledit juge
et bailly de Montgacon. Fait en Parlement, cejour-
d'huy vingt septième jour du mois de juillet, Tan
de grâce mil six cent soixante et six.
Au bas dudit arrest est un retentum portant que
ledit Charles Chambery sera secrettement étranglé
avant de sentir le feu.
PROCES CRIMINEL DE CLAUDE FABRE
ACCUSÉ DE SODOMIE ET DE BESTIALITÉ
30 Mars 1667.
Veu par la Cour de Parlement le procès criminel
fait pardevant le Bailly de Vaudes à rencontre de
Claude Fabre, tisseran, accusé de sodomie et de
bestialité avec une asnesse ;
Le procès verbal fait pardevant ledit Bailly par
les nommez Abraham Chassenoix, Exempt de la
Maréchaussée, assisté et accompagné de Robert
Montrieux, Guy Lafolie, Julyen Paylord et Henry
Simon Le Grand, archers et cavaliers de laditte
brigade, ledit procès verbal en datte du vendredy
vingtième jour du mois de janvier mil six cent
soixante sept ; ledit procès verbal contenant l'inter-
rogatoire fait audit Claude Fabre ;
Les dépositions, témoignages et déclarations
faites pardevant ledit Bailly, le lundy treizième jour
dudit mois, par les nommez Simon Bonapres, jar-
nier, premier témoin ; Amauli*y Trigaud, marchand
mercier rouland, second témoin, accusans et certi-
fians contre ledit Claude Fabre ;
2l8 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
L'interrogatoire fait audit Claude Fabre, le lundy
sixième jour de février dernier ;
La requête présentée audit Bailly, le jeudy neu-
vième jour dudit mois, par Alaric du Tremble,
soy complaignant pour Isaac du Tremble, son
fils, laditte requête tendante à ce que ledit Claude
Fabre soit condamné comme ayant abusé dudit Isaac
du Tremble, lequel Isaac du Tremble ledit Alaric du
Tremble supplioit de faire enfermer dans une maison
de force ;
L'interro^toire fait par ledit Bailly audit Claude
Fabre le samedy Oiuzieme dudît mois de février;
La confrontation faite par devant ledit Bailly 1-e
jeudy seize de février dudit Claude Fabre et desdils
SimonBonapres, Amaulry Trigand, Isabelle Colom-
bay veuve Vigogne, Alaric du Tremble et Isaac dm
Tremble ;
La sentence rendue le mardy vingt et unième jour
du^dit mois par ledit Bailly, porta-nt condammati'Oin
con.tre ledit Claude Fabre, et ordonnant qu'il feroit
amende hoiaorable la torche au poing du poids
de deux livres devant la grande Eglise de Vaudes,
et ensuite brûlé vif ;
L'appel interjette ;de laditte sentence le même jour
au nom dudit Claude Fabre et .généralement toutes
les pièces, circonstances et dépendances dudit pro-
cès^ ouy aussy sur ce .et vues les oonclusions du
Procureair geïi<eral du Roy et tout considéré ;
La Cour a mis et met a néant l'appel interjette au
CLAUDE FABRE 2iq
nom dudit Claude Fabre de la sentence rendue par
ledit Bailly ; ordonne que laditte sentence sera exé-
cutée, emendant laditte sentence, déclare ledit
Claude Fabre bien et duement atteint et convaincu
d'avoir commis sodomie et crime contre nature avec
le nommé Isaac du Tremble, et encore d'avoir eu
copulation et habitation charnelle avec une asnesse
mentionnée au présent procès ; pour réparation
desquels cas et crimes énormes ordonne que ledit
Claude Fabre sera attaché à un poteau au milieu des
halles dudit Vaudes,et là brûlé vif avec le corps de
l'asnesse avec laquelle il a commis ledit crime et
délit, préalablement étranglée ; quoy fait, leurs cen-
dres jettées et semées au vent. Déclare en outre tous
et un chacun des biens appartenant audit Claude
Fabre acquis et confisqués au profit de qui il appar-
tiendra, sur lesquels néanmoins sera prise et préle-
vée la somme de deux cent livres d'amende envers
le Roy, en cas que confiscation n'ait pas lieu ; et à
l'égard dudit Isaac du Tremble, accusé et convaincu
de s'être laissé connoitre charnellement et sodomi-
tiquement par ledit Claude Fabre, la Cour, eu égard
à sa jeunesse, et à la requête et supplication qu'il a
fait à la Cour de quitter la Religion prétendue
reformée qu'il a professé, ordonne qu'il sera inces-
sament mis dans une maison de force, sous la cor-
rection au pain et à l'eau pendant deux mois, au bout
duquel tems sera élargi ; et pour l'exécution du pré-
sent arrest, renvoyé laditte Cour ledit Claude Fabre
220 LES PROCES DE BESTIALITE
prisonnier pardevers ledit Bailly de Vaudes. Fait à
Paris en Parlement cejourd'huy trentième jour du
mois de mars, Tan de grâce mil six cent soixante sept.
Et au bas de Tarrest est un retentum portant que
ledit Claude Fabre seroit étranglé audit poteau avant
de sentir le feu.
PROCES CRIMINEL DE ANTOINE BATAILLES
ACCUSÉ DE SODOMIE ET DE BESTIALITÉ
2 septembre 1678.
Veu par la Cour le procès criminel fait pardevant
le Lieutenant Criminel de la Ville et Baillage de
Baugé, à rencontre d'Antoine Batailles, marchand
mercier demeurant audit lieu de Baugé, accusé de
crime de sodomie et de bestialité et d'habitation
charnelle avec une cavalle ;
Le procès verbal fait pardevant ledit Lieutenant
Criminel le mardy huitième jour du mois d'aoust,
contenant l'interrogatoire fait audit Antoine Batail-
les, et les deffences et dénégations alléguées par
ledit accusé ;
Les dépositions, témoignages, charges et décla-
rations faites le mercredy neuvième jourdudit mois,
par Emery Boutault, maître apotiquaire, Germain
Auffroy Le Maire, maître et marchand épicier,
Hardy de Montoison, Bourgeois dudit lieu, Elisa-
beth Aurelienne Enneliere, veuve de Grégoire
Bartolmey, maître chandelier, Milon Dutemple,
tonnelier ;
L'interrogatoire fait audit Antoine Batailles le
samedy douzième jour dudit mois ;
222 LES PROCES DE BESTIALITÉ
La confrontation faite, en présence dudit Lieute-
nant Criminel, dudit Antoine Batailles et desdits
Emery Boutault, Germain Auffroy Le Maire, Hardy
de Montoison, Elisabeth Aurelienne Enneliere veuve
Bartolmay, Millon Dutemple et Abraham Hamillon,
témoins ; lesdits témoins persistant en leurs décla-
rations; laditte confrontation en datte du jeudy dix
septième jour d'aoust ;
La sentence rendue par ledit Lieutenant Criminel,
le luady vingt et unième jour dudit mois, pariaquelle
ledit Antoine Batailles est déclaré duement atteint
et convaincu du crime de sodomie et péché contre
nature, et en ontre de bestialité et habitation et
copulation charnelle et détestable avec une cavalle
mentionnée anidit procès criminel, et en conséquence
condamné à être attaché à un poteau qui sera pour
cet effet planté dans la place et haEes: dudit Baugé
et là brûlé vif avec le corps de la cavalle préalable-
ment étranglée ; quoy fait leurs cendres jiettées et
semées au vent ; déclare encore laditte sentence tous
et un chacun des biens appartenans audit Antoines
Bataille acquis et confisqués au profit de Sa Majesté,
sur lesquels néanmoins seroit prise et prélevée la
somme de cinq cent livres d'amende envers ledit
Seigneur Roy, et celle de cent quatre vingt livres
pour le prix et valeur de laditte Cavalle, laquelle
somme de cent quatre vingt livres seroit donnée et
remise entre les mains de Elisabeth Aurelienne
Enneliere, propriétaire de laditte cavalle.
ANTOINE BATAILLES 223
L'appel interjette au nom dudit Antoine Fabre,et
généralement toutes les pièces dudit procès criminel ;
ouy sur ce le Procureur gênerai du Roy en ses
conclusions, et tout considéré :
Dit a été qu'il a été par laditte sentence bien jugé,
mal et sans griefs appelle ; laquelle sentence laditte
Cour a confirmée, pour l'exécution de laquelle et du
présent arrest, ledit Antoine Batailles, prisonnier
es prisons de la Conciergerie du Palais, sera inces-
sament renvoyé pardevers ledit Lieutenant Criminel
de Baugé. Fait à Paris en Parlement, cejourd'huy
deuxième jour du mois de septembre, l'an de grâce
mil six cent soixante et dix huit.
PROCES CRIMINEL DE SEBASTIEN BARILLET
ACCUSÉ DE BESTIALITÉ
ET AUTRES CRIMES CONTRE NATURE
15^ juillet 1692.
Cejourd'huy jeudy, dix neuvième jour du mois de
May mil six cent quatre vingt douze, est comparu
pardevant nous, Thomas de Pierrepré, Lieutenant
Criminel de la Ville et Baillage de Moulins, Blanche
Adrienne des Meneaux, épouse de Sebastien Baril-
let, marchand de vin de cette ville, soy complai-
gnante dudit Sebastien Barillet, son mary, lequel
la maltraitte et frapetres souvent, pourquoy requere
laditte suppliante être séparée de corps et de biens
de sondit mary, et offre de prouver les causes et
maltraitemens qui l'ont obligée à la présente
requête.
Cejourd'huy lundy, vingt troisième jour du mois
de May, en vertu de notre ordonnance du jour
d'hier, est comparu pardevant nous Sebastien
Barillet, lequel, après avoir ouï la lecture de la
demande portée par la requête verbale de Blanche
Adrienne des Meneaux, a dit que laditte Blanche
SÉBASTIEN BARILLET 225
Adrienne des Meneaux, indigne d'être appellée sa
femme, etoit mie putain et une coquine, qui etoit
amoureuse d'un jeune garçon qui avoit été autrefois
à son service, appelé Girard Panetier, et qu'il n'y
avait pas un mois qu'il avait trouvé laditte des
Meneaux couchée avec ledit Panetier, lequel Pane-
tier s'etoit sauvé, et qu'à la vérité il n'avoit pu se
contenir dans sa première colère, et avoit donné
plusieurs soufflets, coups de pieds et de bâtons à
laditte Des Meneaux, qui luy avoit demandé par-
don et avoit promis de luy être obéissante et fidèle
en tout le reste de sa vie, mais qu'au préjudice de
cette promesse elle avoit l'audace et la témérité de
se plaindre d'un si bon mari qu'il etoit ; luy complai-
' gnant par cette dernière démarche reconnaissoit
visiblement le mauvais caractère de laditte Des
Meneaux, qui ne demandoit sa séparation qu'afîn de
jouir plus librement des fruits de son libertinage,
c'est pourquoy il nous requeroit de faire enfermer
laditte Des Meneaux dans une maison de force ;
offrant au reste ledit Sebastien Barillet de payer telle
pension qu'il nous plairait ordonner ;
Cejourd'huy mercredy, vingt cinquième jour de
may, en vertu de notre ordonnance du jour d'hier,
est comparu pardevant nous Blanche Adrienne Des
Meneaux, laquelle, après avoir ouïe la lecture tant
15
226 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
du procès verbal contenant sa requette en séparation
que le réquisitoire et demande faite par son mary ;
laquelle Blanche Adrienne Des Meneaux auroit
repondu que les accusations imputées par sondit
mary estoient fausses et calomnieuses et qu'il ne
pouroit les prouver en aucune façon; que ledit
Sebastien Barillet n'a et ne peut avoir aucun sujet
de plainte contre la suppliante que la résistance
qu'elle a toujours eue pour contenter les désirs
infâmes, honteux et contre nature de sondit mary,
qu'elle auroit toujours voulu cacher, mais que le
péril de sa conscience et les accusations calomnieu-
ses et injustes de sondit mary la forcent de déclarer;
que ledit Sebastien Barillet, son mary, abusant du
droit que ce titre luy donnoit, avoit refusé depuis
très long tems le devoir conjugal, et l'avoit fort
pressée et sollicitée de se laisser connoitre charnel-
lement par derrière et contre l'ordre de nature,
ajoutant laditte Blanche Adrienne Des Meneaux,
que forcée et excédée par ses maltraitemens et me-
naces, elle avoit permis et laissé faire audit Sebas-
tien Barillet ses infâmes volontés, mais que depuis
peu ayant parlé de toutes ces choses au Révérend
Père Raphaël de Sainte Euphemie, capucin du Cou-
vent de cette ville, son confesseur, ledit Père
Raphaël luy avoit dit qu'en souiîrant ces accointan-
ces elle offençoit Dieu mortellement, et qu'elle ne
les devoit plus souffrir ; c'est sur ces raisons, et vu
les mauvaises manières dudit Sebastien Barillet,
SEBASTIEN BARILLET
227
que laditte suppliante avoit demandé la séparation
en question, qu'elle reïtere encore aujourd'huy,
certifiant et assurant véritable la déclaration par
elle faite présentement.
Cejourd'huy mercredy, premier jour du mois de
juin, sont comparus pardevant nous les témoins cy
après dénommez, lesquels, après avoir fait le serment
ordinaire et accoutumé de dire et déclarer pure et
entière vérité, ont déclaré ce qui suit :
La première, nommée Henriette Le Masle, veuve
de Joseph La Coignée, serrurier, a déclaré qull y a
fort long tems que laditte Blanche Adrienne Des
Meneaux se plaignoit que son mary vouloit la
contraindre à des embrassemens et copulations
extraordinaires et contre nature, et qu'un jour en
parlant avec ledit Barillet en présence de saditte
épouse, avec lesquels elle etoit fort familière, et luy
reprochant son goût étrange et scandaleux, ledit
Sebastien Barillet avoit repondu que la femme
devoit obéir en tout à son mary, et qu'elle n'en
etoit pas morte toutes les fois qu'il l'avoit connue
charnellement en cette sorte.
Le second, nommé Pierre Trissotin, maître chan-
delier, a déclaré que demeurant dans la même mai-
son que ledit Sebastien Barillet, et allant un soir
dans la cour, il avoit trouvé ledit Barillet en copu-
228 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
lation charnelle avec une jument blanche qu'il avoit
achettée quelque tems auparavant, surquoy ledit
Trissottin ayant repris aigrement ledit Barillet,
ledit Barillet auroit repondu que laditte cavalle
etaht boiteuse n'etoit bonne qu'à l'usage dont il s'en
servoit.
Le troisième, nommé Claude Panier, garçon
chandelier au service duditTrissotin,a dit et déclaré
les mêmes choses que ledit Pierre Trissotin.
Apres lesquelles demandes et interrogatoires
lesdits témoins se sont retirez.
Nous, Thomas de Pierrepie, Lieutenant Criminel
de laditte Ville et Cité de Moulins,
Vu... l'interrogatoire fait par nous audit Sebastien
Barillet, accusé, le vendredy dixième jour dudit
mois;
La confrontation faite en notre présence dudit
Sebastien Barillet et de laditte Blanche Adrienne
Des Meneaux, le lundy treizième dudit mois,
contenant aussi la demande et réquisition faite par
laditte Des Meneaux à ce qu'elle soit visitée par
experts ;
La sentence par nous rendue, le mercredy quin-
zième dudit mois, par laquelle, ayant égard à la
susditte requête verbale, nous aurions nommé
Ambroise Baisemont, Chirurgien accoucheur juré,
SÉBASTIEN BARILLET 220
et Vespasien Treillis, aussy Chirurgien juré de cette
ville, pour visiter et examiner laditte Blanche
Adrienne Des Meneaux, et voir et reconnoitre s'il
est vray qu'elle ait été connue et abusée charnelle-
ment contre nature et par derrière par ledit Sebas-
tien Barillet, son mary ;
Le rapport et procès verbal fait par lesdits
Ambroise Baisemont et Vespasien Treillis, jurez
experts, en datte du samedy dix huit juin, par lequel
lesdits experts ont déclaré et certifié que veu et
examiné laditte Des Meneaux, ils avoient reconnu
qu'elle avoit véritablement été violemment connue
et visitée charnellement par le derrière ;
La confrontation dudit Sebastien Barillet et des-
dits Henriette Le Masle, Pierre Trissotin et Claude
Panier, témoins, et desdits Sebastien Baisemont et
Vespasien Treillis, experts jurez, le mercredy vingt
deuxième jour dudit mois de juin ;
Les aveux et confessions faites par ledit Barillet,
accusé, et l'interrogatoire par luy suby le jeudy
trentième jour dudit mois ;
Avons déclaré et déclarons ledit Sebastien Baril-
let bien et duement atteint et convaincu d'avoir
connu charnellement et violemment Blanche
Adrienne Des Meneaux, sa femme, parle derrière;
et encore d'habitation charnelle et détestable avec
une jument blanche et boiteuse ; pour réparation
desquels cas et crimes énormes, l'avons condamné
à être attaché à un poteau planté pour cet effet dans
230 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
la place et Marché de cette ville de Moulins, et là
brûlé vif avec le corps de laditte jument avec laquelle
il a commis ledit délit, icelle préalablement assom-
mée par l'Exécuteur; quoy fait, leurs corps consumés
et réduits en cendres, lesdittes cendres jettées dans
la Rivière de l'Oise ; Déclarons en outre tous et
chacun des biens dudit Barillet acquis et confisquez
à qui il appartiendra, sur lesquels sera néanmoins
prise et prélevée la somme de trois cent livres
d'amende envers le Roy, et sauf aussy les reprises,
droits et conventions matrimoniales de laditte
Blanche Adrienne Des Meneaux, femme et épouse
dudit accusé. Donné par nous. Lieutenant Criminel
susdit, cejourd'huy lundy quatrième jour de juillet
mil six cent quatre vingt douze.
Arrêt confirmé purement et simplement par le
Parlement, le 15 Juillet 1692.
APPENDICE
LE PROCES DE VIGEON
ACCUSÉ DE BESTIALITÉ AVEC DES POULES
En 1649.
Dans un manuscrit qui se trouve aux Archives
Nationales, sous la cote A. D. 11 1-5, f° 136, on lit
ce qui suit :
J'ay trouvé chez Madame la marquise de Jarzé, rue des
Trois-Pavillons, au Marais, après sa mort, trois tableaux fort
singuliers.
L'un représentant un cocq au-dessus duquel etoit écrit :
Le Beau-Pere de Vijon.
Un autre representoit une poulie avec plusieurs petits poulets
qui mangeoient autour d'elle, et en dessous desquels on lisoit :
La veuve de Vijon et ses en/ans.
Cette énigme auroit été des plus difficiles à deviner si, placés
directement au-dessus des deux tableaux dont je viens de faire
la description, je n'avois lu ces quatre vers :
Je suis ce Vijon que la foule
De pages, laquais et badauds
Vont voir mourir sur l'echafaud
Pour avoir caressé sa poulie.
Je me rappelay alors que ce Vijon avoit esté bruslé il y a
très longtems pour le sujet designé dans, ces quatre vers, et que
232 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
mesmes l'on avoit fait alors une chanson lamentable sur sa
mort, dont j'avois ouy chanter quelques couplets il y a plus de
vingt ans.
Le portrait de ce malheureux étoit dans le goût de Rembran,
c'est à dire très noir, et, soit prévention du nom, il avoit l'air
patibulaire, aussy m'assura-t-on qu'on l'avoit peint la veille de
son exécution. Son visage etoithave, noir, secq, les yeux ternes,
enfoncez, et des cheveux noirs hérissez, enfin sa phisionomie
des plus funestes.
Ce i8 avril 1739.
GUEULETTE.
Ce procès de Vijon, qui remontait certainement,
d'après le texte ci-dessus, au xvif siècle, ne figure
cependant pas dans le Recueil assez complet d'où
nous avons extrait nos procès de bestialité.
Mais nous avons tout de suite songé à un certain
Vigeon sur lequel Saint-Pavin, mort en 1670
comme on sait, avait fait un sonnet qui le repré-
sente comme brûlé vif pour sodomie :
Cher Vigeon, que ta mort va nous coûter de peines ;
Qu'un vit est mal-heureux d'arcer dans un pays
Où l'on punit du feu ces. nobles appétits
Qui ne sont condamnez que chez les souveraines.
Ordonnez pour le moins aux femmes d'être saines.
Juges, si vous prenez quelque pitié des vits,
Ou faites que les cons deviennent plus petits,
Et qu'ils soyent désormais sans fleurs ni mal-semaines.
Bougres, qui l'avez veu, sans l'oser secourir.
En chemise, tout nud, dans la Grève périr.
Qui pouvoit arrester votre fureur lubrique ?
Au lieu de luy chanter tristement un salve,
Vous deviez sur son feu venir branler la pique.
Le foutre l'eut éteint et vous l'eussiez sauvé !
VIGEON
^3-^
N'ayant rien trouvé dans les recueils de pièces
judiciaires, nous avons effectué des recherches dans
les « Chansonniers historiques » et avons été assez
heureux pour découvrir dans le ms. fr. 12666 de la
B. N., intitulé Recueil de Chansons, Anecdotes
satyriques et historiques, depuis Vannée 1^14 jus-
ques en 16^^. Avec des Notes curieuses et instruc-
tives, une chanson que voici, sous la date 1649 *
Lorsque Vigeon vit l'assemblée
Qui l'assistoit dans son malheur,
D'une voix haute et non troublée,
Il luy dit : vous me faite honneur...
Vraiment ! voilà bien de la foule
Pour un simple fouteur de Poule!
Quoi! Messieurs, quand cette Potence
Devroit soutenir aujourd'hui
Beautru, ce grand bougre de France,
Vous n'en feriez pas tant pour lui...
Vraiment ! voilà bien de la foule
Pour un simple Routeur de Poule !
3
Si c'étoit le Duc de Vendosme,
.Fils naturel d'un très grand Roy,
Premier Marguillier de Sodome,
Vous n'en feriez pas plus qu'à moi...
Vraiment ! voilà bien de la foule
Pour un simple fouteur de Poule !
4
Adieu : au Roy, à la Justice,
Je veux bien demander pardon,
234 LES PROCÈS DE BESTIALITÉ
Mais je souffrirai le supplice
Sans m'excuser auprès du Con...
Je veux mourir en galant homme,
A Paris, comme on fait à Rome.
Enfin, et cela démontre l'identité absolue du
Vigeon de la chanson, du Vigeon du sonnet de
Saint-Pavin, et du Vijon dont parle Gueulette, ces
couplets sont suivis de la note que voici :
Vigeon étoit un Maître d'Ecole qui fut brûlé à Paris pour
avoir été convaincu de foutre des Poules. Il avoit été Vallet de
Chambre de M. le Duc de Grammont.
A ces quatre couplets du chevalier de Rivière,
Blot en ajouta un cinquième, ou plutôt un troi-
sième, suivant la place qui lui est donnée dans le
Recueil de Maurepas. Ce couplet vise le comte de
Romainville :
Romain, que j'aime et que j'estime,
Est un bon bougre abandonné,
Il n'a point en horreur le crime.
Et je crois qu'il sera damné ;
J'en ay une joye infinie,
Car il me tiendra compagnie,
Dans le Recueil Maurepas, on trouve aussi cette
note :
Sur un Maître d'Ecole de Paris, nommé Vigeon, brûlé pour
avoir connu des Poulies. Auparavant valet de chambre du
Comte de Grammont, condamné à être pendu.
On voit que, comme les autres accusés des procès
de bestialité, Vigeon fut pendu, puis brûlé.
VIGEON
235
Le même Recueil Maurepas donne aussi, sous la
date 1649, une chanson sur l'air des Triolets, dont
le premier couplet nous intéresse :
Vous êtes un morceau friant,
Duquel jamais on ne se soulle ;
Pour cette vieille Guébriant,
Vous êtes un morceau friant
■ Qu'elle goberoit en riant,
Comme Vigeon goboit sa poulie ;
Vous êtes un morceau friant
Duquel jamais on ne se soulle.
Enfin, voici un autre couplet de Blot au chevalier
de Rivière :
Mon cher Chevalier de Rivière,
Enfin je me suis consolé !
S'il ne l'eut fait que par derrière
Jamais il n'eust esté brûlé,
Mais puisqu'il prend de la volaille,
Parbleu ! j'eusse allumé la paille !
TABLE DES MATIERES
Pages
Avant-Propos i
Procès de Guillaume Garnier et de sa chienne noire. . . 17
Procès de Pierre Grondeau et de son anesse 21
Procès de Jean Devialle, de sa chèvre noire et de sa
génisse 22
Procès de Jacques Gion et de sa vache 25
Procès de Jacques Prenault et de sa chèvre noire. ... 28
Procès de Michel Morin et de sa brebis 33
Procès de Jean de La Soille et de son asnesse 37
Procès de Macé Avril et de son asnesse 42
Procès de Jean Gerbourt et de son asnesse 54
Procès de Pierre Poulain et de sa vache rouge 60
Procès de Collas Hillaire et de sa vache noire 64
Procès de Gilles Dobremer et de sa vache rousse. ... 68
Procès de Bernard Bouttesoll'î et de sa cavalle de poil
bay 73
Procès de Claudine de Culam et de son chien blanc
tachette de roux 83
Procès d'Eutrope Bedeau et de sa jument 95
Procès de Didier Lengarat et de sa jument. ...... 104
Procès de Pierre Gautier, dit Barat, et de sa brebis noire 108
Procès de Jean Sardon et de sa vache blanche et rousse. 114
Procès de Didier Notel et de sa jument isabelle 122
Procès de Jean Poignon et de sa jument noire 127
Procès d'Etienne Pasin et de sa jument baye 131
Procès de Pierre Dupin et de sa vache rousse 136
Procès de François Beaupled et de sa chèvre noire . . . 144
Procès de Claude Toussaint et de sa vache noire .... 149
Procès de Gervais Lienard et de sa jument blanche . . , 156
Procès de Jacques Perrichon et de sa grande truye . . . 162
238 TABLE DES MATIÈRES
Pages
Procès de Claude Parisot et de son anesse 171
Procès d'Abraham Berthin et de sa cavalle 176
Procès d'Antoine de la Rue et de sa jument blanche . . 181
Procès de Toussaint Boudier et de son asnesse 188
Procès de Jean Perier et de sa muUe et beste asine . . . 193
Procès d'Ambroise Vernart et de sa cavalle 197
Procès de Charles Basse et de son asnesse 202
Procès de Jean Cochon et de sa jument 205
Procès de Pierre Fontaine et de sa mulle et beste asine . 208
Procès de Charles Chambery et de son asnesse 213
Procès de Claude Fabre st de son asnesse 217
Procès d'Antoine Batailles et de sa cavalle 221
Procès de Sebastien Barillet et de sa jument blanche et
boiteuse 224
Appendice. — Le supplice de Vigeon, brûlé vif pour bes-
tialité avec des poules 231
Table des matières 237
Bibliothèque des Curieux
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choses de Tamour.
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volume . 10 »
L'Œuvre de Giorgio Baffo 10 »
L'Œuvre libertine de Nicolas Chorier 10 »
L'Œuvre libertine des poètes du XIX^ siècle . . , 10 »
Le Théâtre d'amour au XVJIP siècle 10 »
Le Livre d'amour de l'Orient (I). Anang-a-Ranga . 10 »
Le Livre d'amour de l'Orient (II). — Le Jardin
parfumé 10 »
Le Livre d'amour de l'Orient (III). — Les Kama-
Sutra , 10 »
Le Livre d'Amour de l'Orient (IV). — Le Bréviaire
de la Courtisane. — Les Leçons de TEntre-
metteuse 10 »
L'Œuvre des Conteurs libertins de l'Italie (xviii®
siècle) 10 »
L'Œuvre de John Cleland (Mémoires de Fanny
mil) 10 »
L'Œuvre de Restif de la Bretonne 10 »
L'Œuvre des Conteurs libertins de Ultalie
(xv® siècle) 10 »
L'Œuvre libertine de l'Abbé de Voisenon 10 »
L'Œuvre libertine de Crébillon le Jils 10 »
Le Livre d'amour des Anciens 10 «
L'Œuvre libertine des Conteurs russes 10 »
UŒuvre libertine de Corneille Blessebois (Le
Rut) 10 »
L'Œuvre de Choudart-Des forges (Le Poète liber-
tin) 10 »
L'Œuvre de Fr. Dellcado (La Lozana Andalusa) . lo fr.
L'Œuvre du Seigneur de Brantôme lo »
L'Œuvre de Pigault-Lebrun lo »
L'Œuvre de Pétrone lo »
L'Œuvre de Casanova de Seingalt lo »
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L'Œuvre badine de l'Abbé de Grécourt lo »
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et libertine), 2 vol 16 »
Correspondance de M^^ Gourdan, dite « la Com-
tesse » 8 »
Portefeuille d'un Talon Rouge. — La Journée
amoureuse 8 »
Les Cannevas de la Paris (Histoire de Thôtel du
Roule) 8 »
Souvenirs d'une cocodette (1870) 8 »
Le Zoppino. Texte italien et traduction française. 8 »
La Belle Alsacienne (1801) 8 »
Lettres amoureuses d'un Frère à son élève (1878). 8 »
Poèmes luxurieux du divin Arétin (Tariffa délie
Puttane di Venegia) 8 »
Correspondance d'Eulalie ou Tableau du Liberti-
nage de Paris {l'j^b), 2 \o\ ♦ . . . 16 »
Le Parnasse satyrique du XVIII^ siècle 8 »
La Galerie des femmes, par J.-E. de Jouy. ... 8
Zoloé et ses deux Acolytes, par le Marquis de
Sade 8
De Sodomia, par le P. Sinistrari d^Ameno. Texte
latin et traduction française 8
Le Canapé couleur de feu, par Foug-eret de
Montbron 8
Le Souper des Petits Maîtres 8
Cadenas et Ceintures de chasteté 8
Les Dévotions de M^^ de Bethzamooth . ..... 8
La Raffaella 8
Contes de Jos, Vasselier 8
Histoire de M^^^ Brion 8
La Philosophie des Courtisanes 8
Les Sonnettes 8
Nouvelles de Firenzuola 8
Lucina sine concubitu 8
Point de lendemain 8
Mémoires d'une Femme de chambre 8
Ma Vie de garçon 8
Anthologie erotique d'Amarou 8
La Beauté du Sein des Femmes 8
Tendres Epigrammes de Cydno la Lesbienne . . 8
Divan d'amour du Chéri f Soliman 8
Chroniques Libertines
Recueil de» « indiscrétions » les plus sug'g'estives des
chroniqueurs, des pamphlétaires, des libellistes, des
chansonniers, à travers les siècles.
Les Demoiselles d'amour du Palais-Royal, par
H. Fleischmann 7 5o
La vie libertine de M^^^ Clairon, dite « F r éta-
lon » 7 5o
Les Amours de la Reine Margot, par J. Hervez . 7 5o
Mémoires libertins de la Comtesse Valois de la
Mothe (Affaire du Collier) 7 5o
Marie-Antoinette libertine, par H. Fleischmann . 7 5o
Chronique scandaleuse et Chronique arétine au
XVIII^ siècle 7 5o
L'Histoire romanesque
La Rome des Borgia, par Guillaume Apollinaire. 7 5o
La Fin de Babylone, par Guillaume Apollinaire. 7 5o
Les Trois Don Juan, par Guillaume Apollinaire. 7 5o
Les Secrets du Second Empire
Napoléon III et les Femmes, par H. Fleischmann. 7 5o
Bâtard d'Empereur, par H. Fleischmann .... 7 5o
La France Galante
Mignons et Courtisanes au XV I^ siècle, par Jean
Hervez i5 fr.
La Polygamie sacrée au XVI^ siècle i5 »
Ruffians et Ribaudes, par Jean Hervez 8 5o
Chroniques du XVIII'' Siècle
PAR Jean Hervez
D'après les Mémoires du temps, les Rapports de po-
lice, les Libelles, les Pamphlets, les Satires, les Chan-
sons.
I. La Régence galante (épuisé).
IL Les Maîtresses de Louis XV i5 fr.
III. La Galanterie parisienne sous Louis XV . . i5 »
IV. Le Parc aux Cerfs et les Petites Maisons
galantes de Paris (épuisé)
V. Les Galanteries à la Cour de Louis XVI. . . i5 »
VI. Maisons d'amour et Filles de Joie i5 »
Le Catalogue illustré est envoyé ffaneo sui» demafide
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